Vice
7.1
Vice

Film de Adam McKay (2018)

J'avais adoré The Big Short qui racontait à merveille les rouages de la crise des subprimes, et j'y avais découvert un Adam McKay excellent quand il a la charge de raconter des systèmes ; dans Vice, j'ai malheureusement appris qu'il est en revanche incapable de raconter des personnages.


La première heure du film, qui narre la vie de Dick Cheney... juste pour ça, pour raconter sa vie, est d'un ennui implacable. Le film ne raconte rien - en tout cas rien d'intéressant. C'est la vie d'un politicien qui grimpe plus ou moins les échelons selon les contingences politiques, et voilà. C'est tout. Ce qui aurait pu être intéressant, ses coups bas, ses talents particuliers, l'impact sur sa vie personnelle ou même sur lui-même, ce qu'il en retire, enfin des choses un peu plus symboliques et signifiantes qui pourraient parler au spectateur quoi ; tout est complètement passé sous silence. Le film adopte une distance quasi-documentariste, sauf qu'à l'inverse d'un documentaire, il ne filme pas de vrais gens avec un vrai avis pour que l'empathie passe ; ce qui est censé porter le film, c'est bien son sujet fantôme. McKay s'est ainsi perdu dans sa recherche documentaire et a oublié de transformer les faits en film.


On est en fait dans un entre-deux assez désagréable. Parce que Cheney, l'homme, est relativement secret (c'est dit au début du film), et parce que les sources sont rares, le film est obligé de jouer l'ambivalence et Cheney, le personnage, devient insaisissable. Sauf qu'à côté, les rares trucs qu'on sait, on va en parler dans le détail - même si ça n'a aucun intérêt dans la mosaïque globale. La scène de l'enterrement de sa belle-mère, par exemple, nous fait réellement rentrer dans l'intimité du personnage. Il n'y a donc plus de mystère, plus d'ambivalence, on connait vraiment le type ; et par conséquent, quand le film redevient plus discret, ce n'est pas le mystère qui prévaut, mais l'impression qu'il n'y a rien à raconter. Cheney devient ainsi spectateur de sa propre vie, il survole le film, les choses lui arrivent mais ça ne l'affecte pas.


Et puis arrive le mandat Bush, et on retrouve le McKay qu'on aime. Incisif, cinglant, rock'n roll. Ce qui ne l'empêche pas d'en faire souvent trop. D'une certaine manière, il met la charrue avant les boeufs, et adopte d'écrasants procédés formels, comme convaincu qu'il est en train de raconter quelque chose d'épique, alors qu'on attend encore d'être convaincu. Cheney souffre encore de cette présence fantomatique, mais les faits sont suffisamment intéressants et marquants pour rattraper l'absence d'épaisseur du personnage principal. Un mot sur Christian Bale, que j'ai trouvé extrêmement désagréable à ressasser son seul gimmick de jeu (à savoir la respiration après 3 mots) pendant deux heures.


À la fin du film, j'ai finalement plus eu l'impression d'avoir vu un film sur la guerre en Irak, ses causes et conséquences, ses dessous, une étude des institutions américaines et comment elles avaient pu être détournées sous l'administration Bush, qu'un film sur Dick Cheney. Tout ce qui se passe avant, pour moi, est une perte de temps sèche. McKay devrait se contenter de faire ce qu'il sait faire, car le biopic est un exercice difficile, qu'il a je pense complètement raté.

Créée

le 3 mars 2019

Critique lue 259 fois

2 j'aime

Arbuste

Écrit par

Critique lue 259 fois

2

D'autres avis sur Vice

Vice
dagrey
8

Dick Cheney, "L 'âme damnée" de Georges Bush Jr

Après une carrière politique brillante et un passage dans le monde des affaires, Dick Cheney a discrètement réussi à se faire élire vice-président aux côtés de George W. Bush. Devenu l'homme le plus...

le 19 févr. 2019

41 j'aime

9

Vice
Cygurd
3

Vicissitudes de l'aigreur politique

Adam McKay est indéniablement talentueux. Pour qui avait apprécié ses précédentes réalisations, qui naviguaient d’une comédie intelligente et émotionnellement prégnante à l’autre, l’annonce de Vice...

le 3 févr. 2019

32 j'aime

4

Vice
IroquoisPliskin
7

Cynical Dick

Vice représente tout ce que j’apprécie dans le cinéma. Un cinéma qui dénonce et rit face à l’ironie d’une machine aux rouages bien huilés, alimentée par le sang, l’argent, la bêtise humaine... Et les...

le 15 janv. 2019

27 j'aime

Du même critique

Love Actually
Arbuste
2

Actually tout pourri

Les grandes comédies romantiques sont rares. Ce sont celles qui interrogent sur le lien social, la construction personnelle, ou encore la sexualité. Qui apportent du neuf. C'est, par exemple, Quand...

le 16 janv. 2016

43 j'aime

7

Nicky Larson et le Parfum de Cupidon
Arbuste
2

Critique de Nicky Larson et le Parfum de Cupidon par Arbuste

Il ne suffit pas de collectionner les références à une œuvre pour bien l'adapter. En effet, à peu près tout le monde le lui accordera, Nicky Larson et le Parfum de Cupidon respire l'envie de bien...

le 10 févr. 2019

40 j'aime

6

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Arbuste
2

On avait dit pas les mamans

C'était vraiment très mauvais. La raison principale, c'est qu'il y a beaucoup trop à traiter en 2h20 : caractériser Batman, traiter sa rivalité et sa lutte contre Superman, introduire Luthor et...

le 23 mars 2016

37 j'aime

16