Vie sauvage par Sarah Lehu
Treize ans après Roberto Succo, Cédric Kahn revient avec un film de cavale, celle d'un père anti-système, campé par Mathieu Kassovitz, et de ses deux fils qui pendant des années se sont cachés dans le Gers, l’Ardèche, la Haute-Garonne, le Vaucluse et les Cévennes.
Cette fuite a été motivée par le rejet de la décision de justice qui avait accordé la garde des enfants à Nora (Céline Sallette) l'ex femme de Paco. Pour ne pas se faire repérer, et être repris par leur mère, ils ont changé quatre fois d’identité et ont vécu dans des fermes communautaires hippies ou encore des campements de fortune.
Vie sauvage s'intéresse donc à cette décision forte, à contre courant des valeurs de la vie moderne en suivant le parcours de cette famille qui a décidé de vivre au plus proche de la nature.
Depuis quelques années le cinéma français s'intéresse aux faits divers, avec Vie sauvage, Cédric Kahn offre une vision passionnante et très contemporaine de la société.
Plongée brutale dans une vie hors-système, le film débute sur le déchirement d'une famille, un modèle éclaté qui cause la souffrance des enfants sans qu'ils aient leur mot à dire. Pourtant, le réalisateur se refuse à tout parti pris et jugement à l'emporte pièce. Céline Sallette et Mathieu Kassovitz interprètent ces parents avec toute l'ambigüité qu'il fallait, à chacun ses torts, à chacun son égoïsme...
Cette vision de l'affaire permet de prendre ses distances et de s'intéresser au rapport puissant entre l'homme et la nature. A ces fils qui ont décidé d'accompagner leur père, malgré les dangers de la clandestinité, dans cette vie loin du système, en harmonie avec la nature.
L'esthétique est maitrisée, le rythme haletant malgré une petite baisse de régime en milieu de film (difficile de raconter onze ans de vie en si peu de temps). Cédric Kahn décide de faire l'impasse sur certaines périodes pour se concentrer sur l'évolution des relations entre Tsali, Okyesa et leur père Paco. D'abord fusionnelles, les relations se tendent avec l'arrivée de l'adolescence et le fossé se creuse entre le père et ses fils.
Peu à peu, Paco doit accepter de laisser sa place de patriarche et accepter qu'ils évoluent comme ils l'entendent, quitte à réintégrer la société qu'il déteste tant.
Film fort, initiation à la vie loin de la normalité imposée de nos sociétés et portrait de famille touchant, Vie sauvage est une belle surprise.