Découverte en 1933 avec la romance pseudo-subversive « Extase », Hedy Lamarr devient une star pour la MGM à partir de 1937, et tourne aux Etats-Unis dès 1938. En 1941, elle est à l’affiche de « Come Live with Me », où elle partage la vedette avec James Stewart.


New-York, dans les années 40. L’éditeur Bart Kendrick et son épouse Diana se préparent à sortir. Couple marié heureux et moderne, les deux époux s’apprêtent, chacun de son côté et sans la moindre gêne, à passer la soirée avec leurs amants respectifs. Nous nous attachons aux pas de Bart, qui rejoint sa dulcinée, Johnny Jones, une femme splendide et raffinée, au délicieux accent étranger, qui réside dans un palace du centre-ville.


Malheureusement, Miss Jones, une réfugiée viennoise sans papiers, est sur la liste du département de l’immigration, qui dépêche un inspecteur à son hôtel. Le verdict tombe, sans appel : elle doit se présenter au poste le lendemain, et sera renvoyée en Autriche. L’agent, qui sous ses dehors bourrus cache un cœur tendre, est toutefois amadoué par la détresse de la belle et le plaidoyer enflammé de son amant. Il leur accorde un sursis d’une semaine, et propose l’arrangement suivant : si Miss Jones était mariée à un citoyen américain, elle pourrait demeurer aux Etats-Unis.


Si Jones se réjouit d’abord de bénéficier de ce délai de grâce, l’angoisse d’un rapatriement forcé se révèle trop forte, et elle demande à son protecteur de la laisser seule. Perdue dans ses pensées, elle arpente sans but les rues pluvieuses de New-York, fréquentées en ces heures par quelques clochards hâbleurs.


Au détour de ses pérégrinations, Miss Jones rencontre Bill Smith, un écrivain à la manque et sans le sou – mais, américain du sérail. Il n’en faut pas plus à l’entreprenante Johnny qui propose un marché à Bill : l’argent pour vivre et écrire, en échange d’un mariage…


Le scénario est assez léger, et le ton du film l’est résolument.
Il est amusant de voir à quel point ce pitch, qui revêt une tournure ‘dramatique’ ici (Jones fuyant l’occupation nazie de l’Autriche), sera repris par le futur. Pour l’anecdote, la carte de résident permanent ne prendra le surnom de ‘Green Card’ qu’à partir de 1946 – en raison de sa couleur, qu’elle perdra en 1964 avant de la retrouver en 2010. L’immigration américaine a encore des beaux jours devant elle.


Néanmoins, malgré la relative maigreur de son intrigue, le film tient la route grâce à ses acteurs principaux et à sa bande d’excellents seconds rôles : un clochard volubile et enjoué, escroc patenté, une grand-mère autoritaire, interprétée par Adeline de Walt Reynolds (qui débuta sa carrière à 78 ans et atteignit presque 99). Les époux Kendrick font le job mais restent assez insignifiants.


En important Hedy Lamarr aux Etats-Unis, Louis B. Mayer axe la promotion de la star en la vantant comme ‘la plus belle femme au monde’. J’ignore si elle correspond à ce titre, mais dans « Come Live with Me », elle n’en est pas loin. Epoustouflante de classe et de majesté, avec son visage parfait, sa dense chevelure noire et ses yeux clairs, elle est impériale. Sa voix basse et sensuelle et son accent parachèvent le tableau.


Face à elle, un James Stewart dans un de ses derniers films d’avant-guerre. Il compose ici, comme toujours, un excellent personnage, petit écrivaillon sans envergure aux idées bien arrêtées, qui enchaîne anecdotes amusantes et longues diatribes sans reprendre son souffle ni laisser le temps à son interlocutrice d’en placer une. Le brave Bill Smith tombe très vite amoureux de sa bienfaitrice – et incidemment, son épouse devant la loi – et l’on pourrait regretter que cela semble un peu rapide et mal amené. Et puis, l’on se rappelle qu’en face, c’est Hedy Lamarr, et l’on se dit qu'après tout, cinq minutes suffisent bien largement.

Aramis
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le 5 mai 2015

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