Un été quelque part sur le Côte d’Azur, un couple vient s’installer dans un somptueux palace avec vue sur la mer. Avec leur chambre, ils disposent d’une magnifique terrasse qui surplombe le paysage. Nous allons rapidement comprendre qu’Amanda (Norma Shearer) et Victor (Reginald Denny) sont de jeunes mariés qui profitent de leur lune de miel. Le piquant de la situation, c’est que leur terrasse n’est séparée d’une terrasse identique que par quelques arbustes en pots. De l’autre côté, un autre couple et… il se trouve qu’Elyot (Robert Montgomery) et Sybil (Una Merkel) sont tous deux les ex-époux des tourtereaux. Nous avons donc deux couples qui se côtoient et risquent de tout entendre des conversations de leurs ex-conjoints. Nous apprendrons un peu plus tard que les divorces datent d’un an. De chaque côté, ce sont les hommes qui réalisent le grave inconvénient de la situation. Pour chacun, la réaction est la même, fuir pour éviter la catastrophe. Le piquant de ces réactions, c’est qu’ils ont la même idée : aller à Paris. Certes, Paris est une grande ville, mais on imagine immédiatement qu’ils vont se retrouver dans le même hôtel.


En dépit des efforts des deux hommes, les deux couples sur le départ se trouvent confrontés du côté de l’ascenseur à leur étage de l’hôtel. Bien évidemment, comme ce sont des personnes de la bonne société, tout cela commence par des amabilités. En pareil cas, cela conduit vers ce qu’on appelle des mondanités et les quatre sont amenés à manger à la même table, avec des conversations où les banalités s’enchainent. Ce qui n’empêche pas les caractères de se révéler, car les quatre convives ne vivent pas la situation de la même façon. On réalise par exemple que chacun n’a pas présenté son ex-conjoint de la même façon. L’ex est forcément une horrible personne, alors que la confrontation physique peut montrer quelque chose de différent. Et puis, bien évidemment, la situation ne peut pas en rester éternellement au stade des mondanités. Quelques détails ressortent et les masques commencent progressivement à tomber.


Rapidement, ce qui ressort c’est une complicité persistante entre Amanda et Elyot. Cela apparaît d’autant mieux qu’ils ont chacun sous leurs yeux de quoi faire des comparaisons entre ce qu’ils avaient et ce qu’ils ont désormais. Le scénario ménage donc des temps d’observation et d’autres où la tension monte. Et comme les caractères d’Amanda et Elyot sont assez explosifs, quand la tension monte, cela se voit à l’écran…


Le film (titre original : Private lives) est l’adaptation d’une pièce de Noël Coward qui connut un immense succès à Londres. Le passage à l’écran est une réussite signée Sidney Franklin pour la réalisation. Si on sent qu’il s’agit de l’adaptation d’une pièce de théâtre, on ne s’ennuie jamais. C’est dû aussi bien au scénario et à la mise en scène qu’au jeu des acteurs qui ont dû pas mal s’amuser. Norma Shearer est remarquable dans son rôle de charmeuse qui trouve le moyen de prendre la mouche pour pas grand-chose. Reginald Denny n’est pas en reste pour donner de sa personne et faire sentir que la tension peut monter à la moindre anicroche. La faiblesse de son personnage est de boire un peu plus que de raison, surtout quand quelque chose ne va pas. La complicité de cet ancien et nouveau couple est marquée par leur volonté de trouver un moyen de faire retomber la tension avant qu’elle provoque des dégâts (psychologiques et matériels). Le premier qui sent que la situation va déraper prononce le mot « Sollochs » pour signaler qu’il faut se calmer. Ce mot leur rappelle un lieu qui leur est cher et où d’ailleurs ils vont repasser.


Sans atteindre au chef d’œuvre, ce film qui date de 1931 est un bon divertissement, une agréable comédie qui rappelle que voir les autres se chamailler est toujours divertissant et permet de relativiser ses propres chamailleries. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’il vaut mieux parfois mettre les pieds dans le plat pour dire ce qui ne va pas et régler le souci une bonne fois pour toutes, plutôt que de laisser le malaise s’installer et menacer une relation potentiellement épanouissante ?

Electron
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le 28 sept. 2022

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