Ours d'or au Festival de Berlin en 1981, "Vivre vite !" se présente comme un objet singulier dans la filmographie de son créateur. Succédant à "Maman a cent ans" (1979), qui offrait comme une suite au magistral "Anna et les loups" (1972), avec, entre les deux, le très justement couronné "Cria cuervos" (1976), "Vivre vite !" se détourne de l'examen des folies familiales pour porter son regard sur une bande de jeunes délinquants dans la société d'après Franco.


Cinq ans seulement après la mort du dictateur en novembre 1975, dans une Espagne où l'affranchissement vis-à-vis des règles pouvait encore apparaître comme une façon de secouer les chaînes de l'ordre bourgeois cadenassé mis en place par le Caudillo, Carlos Saura, alors à peine cinquantenaire, repère quelques jeunes "sauvageons" - ainsi qu'ils se seraient vus nommer quelques années plus tard - et leur fait jouer leur propre rôle, ou peu s'en faut ; à la sortie du film, deux d'entre eux étaient déjà retournés en prison... Afin de faciliter la tâche de ces jeunes acteurs non professionnels, au charisme certain, le film - fait très rare à l'époque - est tourné dans l'ordre chronologique, emmené par les accents déchirants d'une BO superbe, qui fait résonner la voix sauvage, éminemment libre et rebelle, mais aussi tendre et amoureuse, du flamenco.


"Era una vez una mariposa blanca..." Il était une fois un papillon blanc... Carlos Saura saisit de manière bouleversante toute la candeur, tout le désir de vie qui animent ce groupe de jeunes garçons et la compagne de l'un d'eux, tout en les précipitant vers le mur qui borne l'impasse dans laquelle ils sont lancés à pleine vitesse...


Une œuvre qui fait date, donc, dans la brillante et attachante filmographie de Saura, puisqu'elle marque également, à sa manière, l'entrée dans la période explicitement tournée vers le flamenco, en tant que danse, chant et culture, avec des films qui ont fait découvrir aux autres pays le fascinant danseur que fut Antonio Gadès. Un film, aussi, qui a très vraisemblablement inspiré l'impressionnante réalisation, tournée en un seul plan séquence, de l'Allemand Sebastian Schipper, "Victoria" (2015)...

AnneSchneider
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le 2 juin 2017

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Anne Schneider

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