Fort du succès de Parle avec elle, qui lui a valu un Oscar et une reconnaissance internationale, et après La Mauvaise Éducation, Pedro Almodóvar effectue comme un retour aux sources avec Volver. Un retour aux sources plus personnel que thématique, qui va lui permettre, une nouvelle fois, de s’adresser directement à chacun de nous.


À Madrid, Raimunda (Penélope Cruz) vit avec son compagnon Paco et sa fille Paula, âgée de 14 ans. Raimunda est originaire de la campagne, où sont enterrés ses parents, dont elle vient régulièrement entretenir la tombe avec sa sœur Sole, et elle en profite également pour rendre visite à sa tante Paula. Cependant, deux tragédies conjointes, que sont le meurtre de Paco par Paula, qui a failli être abusée par ce dernier, et la mort de la tante Paula, vont bouleverser l’équilibre de l’existence de Raimunda, et initier le développement des enjeux de Volver. Ce sera le début d’un voyage dans le passé et dans le mensonge.


Almodóvar, en même temps qu’il ramène Raimunda sur sa terre natale, nous renvoie également à ses propres souvenirs d’enfance, dans un cadre dans lequel il a grandi lui aussi, et auquel il peut s’identifier. Il rend ici hommage à ces villages, à ces nombreuses femmes qui viennent entretenir les tombes des défunts, un monde de traditions dans lequel il nous convie. Cependant, la paix ambiante cache de nombreux tourments et de nombreux mystères. Alors qu’il faut effacer les traces du meurtre, des fantômes du passé semblent refaire surface. C’est dans sa capacité à créer un imaginaire réaliste que se distingue Volver, en intégrant des éléments fantastiques dans la réalité pour rappeler qu’ils sont tout simplement humains.


Pedro Almodóvar a toujours soutenu l’idée de rapporter l’imaginaire à la réalité, plutôt que l’inverse. L’objectif est de préserver une forme d’authenticité, toujours au cœur des films du cinéaste espagnol. Le fantôme de la mère est tout sauf artificiel. Il est accueilli avec naturel, presque avec un certain soulagement. Et même si, dans les faits, le terme de « fantôme » n’est pas vraiment approprié, le traitement du personnage de la mère de Raimunda a pour objectif de rapprocher la mort et la vie, en faisant de la mort une simple composante de la vie elle-même, plus qu’une rupture. C’est, d’ailleurs, quelque chose que l’on pouvait constater précédemment dans Tout sur ma mère et Parle avec elle. Au-delà du traitement du personnage de la mère, c’est tout un enchaînement de non-dits, d’arrangements de la vérité qui se succèdent, associant à l’image du fantôme celle d’une réalité chimérique, aussi imparfaite que l’humanité elle-même.


Malgré ses élans tragiques, Volver fait toujours preuve d’une douceur certaine. Dans Volver, Almodovar invoque et ressuscite les fantômes du passé, les rendant vivants, à travers le regard et les souvenirs de ces femmes. Au cœur de la vie et de la société, rien ne remplace le rôle de la mère, pilier essentiel et immortel de la famille et du monde.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 19 juil. 2019

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