Qu'est-ce qui n'a pas déjà été dit sur cette œuvre gigantesque, ce sur-cinéma magnétique et viscéral qui aura emporter une quasi totale adhésion au fil du temps.


Réalisé en 1978 par Michael Cimino, cinéaste alors âgé de 39 ans qui a à son actif un solide polar avec Clint Eastwood et Jeff Bridges (Le Canardeur), ce film est une somme de miracles. Est-ce qu'aujourd'hui un cinéaste aussi peu expérimenté finalement, serait capable de réaliser un film d'une telle envergure ? Quid de la réalisation : Cimino prend son temps pour dépeindre le quoitidien d'une petite communauté ouvrière américaine d'origine ukrainienne. La tradition est très présente et montrer avec forces et détails. Mais ce qui est frappant en premier lieu, ce sont les liens amicaux et fraternels qui lient les personnages entre eux. C'est également le témoignage d'une époque où les idéaux semblent illusoires et où les hommes veulent s'affirmer par la force. En cela le personnage magnifiquement interprété par un Bob De Niro toujours très inspiré est intéressant, tant il n'a de cesse de vouloir s'imposer en tant que mâle, solitaire et taciturne. Il ressent de l'affection pour ses amis, mais considère qu'il se trouve au-dessus d'eux, mis à part pour le personnage interprété par Christopher Walken qu'il admet être son égal, son meilleur pote, mais également quelque part son seul rival, le seul capable de le suivre. En cela la scène finale est intéressante à analyser, le moment où ils se retrouvent face à face dans une sorte de duel quasi westernien où l'un finira quelque part par tuer l'autre, mais le sauvera également.


Alors ce film parle d'une génération sacrifiée sur l'autel d'idéaux vains, ici les conséquences de la guerre, de l'engagement pour une cause qui aura anéanti une partie de la jeunesse américaine, qui pensait avoir besoin de s'affirmer pour sortir de la grisaille de l'ère de l’industrialisation, cette machine qui broie la matière, mais également les âmes. Arrivera alors la guerre du Vietnam, où des jeunes hommes en mal de reconnaissance iront se sacrifier, revenant parfois avec beaucoup de ces illusions restées là-bas, mutilés, blessés psychologiquement ou irrémédiablement anéantis au plus profond de leur âme.


Rien à redire là-dessus c'est magnifiquement dépeint et montré.
Ce qui frappe surtout dans ce film, c'est l'incroyable jeu des regards. Cette manière qu'à le cinéaste de capter l’œil. Qu'il soit humain ou animal.On s'observe en permanence, on tente de capter l'autre en le regardant.


Les interprètes ne sont pas en reste, avec un trio De Niro-Meryl Streep- Christopher Walken de très haut niveau, et des seconds couteaux de standing plus qu'honorable, je pense à John Savage ou à John Cazale. Pour ce dernier, déjà souffrant d'une maladie qui lui sera fatale, il s'agira de son tout dernier rôle.


La mise en scène de Michael Cimino est d'une grande maîtrise, même si non dénuée de quelques petits défauts notamment dans l'écriture. C'était les années 70, et le cinéma américain, par l'entremise de cinéaste comme Michael Cimino, mais également Sydney Pollack, John Schlesinger ou autre William Friedkin, allait connaître une sorte de révolution dans la manière d'appréhender le cinéma. Certains y verront une forme de contestation face aux tenants traditionnels du cinéma de studios Hollywoodiens, face au "système". Malgré tout on saura ne pas obnubilé la matière même et l'essence du classicisme, une sorte de mixage entre la tradition et la modernité.
The Deer Hunter sera l'une des œuvres fondatrices de ce "néo-réalisme". Un grand film qui n'a pas pris une ride encore aujourd'hui. Et cette splendide partition signée Stanley Myers ne cesse de nous le rappeler.

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le 1 juin 2015

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