Walk In
Walk In

Film de Herman Yau (1997)

Herman Yau a une carrière bien remplie. 35 ans de carrière, 76 films, soit une moyenne d’un peu plus de deux films par an pour un réalisateur qui n’a jamais cessé de soutenir le cinéma de son pays, toujours présent même lorsque la crise a frappé le paysage cinématographique de Hong Kong. C’est simple, il n’a jamais arrêté de tourner et a enchainé des films de tous les genres, certes pas tous de qualité égale, mais toujours avec cette envie d’en donner au public. Mais alors que tous les amateurs attendent une éventuelle sortie de certains des films cultes du réalisateur, tels que Untold Story, From The Queen to the Chief Executive ou Taxi Hunter (Ebola Syndrom ayant déjà eu droit à son édition blu-ray), le toujours aussi couillu éditeur Spectrum Films nous sort un coffret réunissant On the Edge (2006) et Walk In (1997) qui va nous intéresser ici. Oui, « couillu », car autant On The Edge fait assez l’unanimité auprès des fans de polars, autant Walk In semble diviser les foules, au point que, entre ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas, c’est un vrai grand écart. Bref, aujourd’hui, on va parler de Walk In, parce que j’ai bien aimé et que j’ai des choses à dire dessus.


Il est possible que Walk In ait décontenancé les personnes qui l’ont vu à cause de ses changements de tons assez abrupts et son mélange des genres à tout va. On est ici dans un mix d’action, de fantastique, de comédie et de romance, avec pour point de départ le principe de « walk in », une technique taoïste qui permet à une âme/un esprit de rentrer dans un autre corps. Les films sur les échanges de corps, nous sommes d’accord que ça a déjà été vu de nombreuses fois, que ce soit Big (1988), Freaky Friday (2003) ou encore, plus récemment, Freaky (2020), mais le cinéma de Hong Kong a rarement traité du sujet. Ici, il s’agit de l’esprit de Tommy, flic qui des suites d’une fusillade se retrouve en fauteuil roulant avec les jambes paralysées, qui va se retrouver dans le corps de Chicken, un homme un peu simplet qui faisait office de chauffeur pour un boss de triades, qui finit dans le coma à la suite de cette même fusillade. Lorsqu’il se réveille dans ce nouveau corps, Tommy a retrouvé ses facultés à remarcher, mais il va surtout se retrouver avec les emmerdes de Chicken. Il va devoir régler les relations avec la femme de Chicken, avec ses deux maitresses, sa mère, sa jeune sœur, mais il va aussi devoir regagner l’affectation de sa propre femme qui ne le trouve plus désirable dans ce nouveau corps bien moins attrayant à ses yeux. Avec tout ce bordel, forcément le film va jouer sur les quiproquos et le comique de situation. Parfois, l’humour fonctionne, comme lorsque les anciens potes des triades se pointent chez Chicken mais que lui ne les connait pas. D’autres fois, les gags tombent à plat et sont même parfois gênants. Mais le casting semble s’amuser comme pas possible, avec un Danny Lee qui semble heureux d’incarner autre chose que son rôle de flic sérieux habituel, faisant le pitre dès qu’il en a l’occasion, ou une Wu Chien Lien, qui joue un homme (ou un chat ?) dans le corps d’une femme, fumant cigare sur cigare en prenant des poses improbables. Du coup, même lorsque les gags ratent le coche, on ne peut s’empêcher de regarder les mésaventures de Tommy dans le corps de Chicken avec un œil bienveillant, à condition malgré tout de ne pas être réfractaire à l’humour typiquement HK de la chose.


La mise en scène de Herman Yau est très propre, pas aussi folle que dans certains de ses films mais l’ensemble est soigné. Les quelques scènes d’action qui parsèment le film, comme la double scène finale, sont réussies, plutôt violentes avec même quelques gerbes de sang. Avec Deon Lam pour les combats et Bruce Law pour les cascades, c’était de toute façon l’assurance d’avoir un travail bien fait. La course poursuite entre les deux bus à deux étages vaut d’ailleurs son pesant de cacahuètes et aurait clairement pu sortir d’un film de Benny Chan de la belle époque. On pourra certes pester sur le rythme inégal du film, on aurait préféré que certaines péripéties amènent un peu d’action pour maintenir l’intérêt de bout en bout plutôt que de seulement se contenter d’une introduction et d’un final qui envoient du pâté, ou encore son scénario qui part un peu dans tous les sens. Mais là où Walk In semble dépasser le simple stade de la comédie HK matinée d’action, c’est qu’il pourrait bien y avoir un message sous-jacent, comme pas mal de films de l’époque avec l’approche de la rétrocession. Il ne s’agit que d’une théorie et, bien que des dires de Herman Yau iraient dans ce sens, je n’ai pas réussi à mettre la main dessus. Mais avec la sortie du film en 1997, doit-on y voir un parallèle avec la Chine qui se réapproprie Hong Kong ? L’esprit du gentil policier intelligent qui va dans le corps du petit malfrat un peu simplet, c’est peut-être pousser un peu loin la réflexion, mais avec Herman Yau qui cache des messages dans ses films, pourquoi pas après tout non ? Surtout que plusieurs scènes et moments du film pourraient appuyer cette théorie, comme lorsque Chicken (possédé par l’esprit du gentil flic donc) se met à faire le bien, à rembourser ses dettes ; ou ce dialogue vers la fin du film qui dit « Avant, Chicken était un voleur, maintenant c’est un policier. Avant, Chicken était un moins que rien, maintenant il est génial ». Et ses interlocutrices de remercier Dieu car Chicken a changé. D’autant plus que Walk In est sorti en avril 1997 et que la rétrocession a eu lieu le 1er juillet 1997. Si cette théorie s’avère vraie, elle ne fera certainement pas changer d’avis les détracteurs du film, mais elle permet néanmoins d’appréhender le film sous un angle différent.


Passant du thriller surnaturel à la comédie romantico-potache pour finir en polar d’action, Walk In est un film qui semble avoir bien plus à dire qu’il n’y parait. Le résultat est certes un peu bancal mais des plus plaisants. Un Herman Yau mineur mais néanmoins intéressant.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-walk-in-de-herman-yau-1997/

cherycok
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le 20 oct. 2022

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