Wanda
6.8
Wanda

Film de Barbara Loden (1970)

Premier et unique film de Barbara Loden, pour un portrait de femme à tendance biographique. Un rappel à sa propre jeunesse et au souvenir qu'elle en avait même si la destinée n'a pas été la même, c'est surtout l'image d'une Amérique profonde et la place des femmes, entre grisaille et pauvreté, décors froids et anonymes, et entre désir de bonheur et lassitude prédominante.
Une photographie terne qui renforce son ambiance pessimiste et lui confère un aspect documentaire s'accordant avec sa mise en scène rêche et sans effet. Discours creux et manque de profondeur des personnages naviguant autour de Wanda, miroir de ce personnage en dehors de sa propre existence et du flou entourant ses motivations.
Wanda subit au grès de ses mésaventures une vie qu'elle n'a pas choisie mais pour laquelle elle ne se bat pas non plus. Tiré d'un fait divers, et toujours cinglant aujourd'hui, c'est bien le drame de ces femmes, qui pour exister, se doivent de suivre le chemin d'un homme, quelle que soit la destination. Elle suivra alors Mister Dennis (Michaël Higgins) sorte de gangster à la petite semaine, en quête de combines et d'argent. Il l'entraînera dans son sillage, comme un boulet, pour un hold up improbable. Peut-être s'y attache-t-il un peu, quelques fulgurances d'affection abrupte pointent timidement, et Wanda sans bien savoir où elle s'embarque, suit le seul chemin qui lui est offert.
Par une mise en scène à ellipses, ce ne sont que les mêmes moments qui se répètent inlassablement de cette vie de misère. Wanda cherche du travail sans vraiment insister, quitte son mari et ses enfants sans les regarder, sourit de sa propre inefficacité, vit un moment avec sa sœur et décide dans l'expectative encore, de ne pas revenir. Tous ces instants sont rapidement évoqués, il ne s'agit que d'appuyer l'errance de cette femme, pointant les familles désunies, les rencontres d'un soir à la limite du dégoût, où l'amour et l'empathie ont définitivement disparus, ce sont des environnements miniers, des regards vides, des supermarchés sans âme où le fantasme d'une vie meilleure est rattrapé par sa propre impossibilité à lutter.
Wanda n'est pas une héroïne, et Barbara Loden a pris elle aussi un risque à cette époque en renvoyant, à l'orée du féminisme, une image dénaturée de la parfaite et belle épouse, blonde et élégante, épanouie dans son oubli d'elle-même, vivant les contradictions de cette nouvelle liberté naissante des années 70 mais à ne savoir qu'en faire.
Filmé l'errance par ces quelques jours dans la vie d'une femme, confère à l'ensemble un mélange entre nostalgie et déprime sévère, créant un parfait malaise ambiant..Et la résolution finale par le flou d'un visage absent au milieu d'inconnus, clôt dramatiquement cette destinée.

limma
7
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le 18 nov. 2018

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