Les adaptations de jeu vidéo au cinéma donnent rarement quelque chose de concluant en terme de qualité. Toujours coincé entre deux feux, elles finissent par s'attirer les foudres des fans et ne parviennent pas à attirer le public lambda. Même Christophe Gans qui avait offert un film potable avec son Silent Hill, restait bloquer dans les mécaniques du jeu et entravait son film d'un rythme en dent de scie, le rendant longuet et un tantinet ennuyeux. Essayer de retranscrire l'expérience de joueur à travers un film est impossible et bien trop souvent ses adaptations essaye de se baser que sur cela. C'est un des aspect qui aurait pu faire peur avec ce Warcraft, le studio Blizzard à l'origine des jeux étant très protecteur avec leur bébé et chapeautant le projet de très près, on aurait pu craindre qu'il tombe dans ce même problème. Surtout qu'il avait fait fuir un cinéaste comme Sam Raimi. Néanmoins voir Duncan Jones reprendre le flambeau avait quelque chose d'intriguant, car avec ses deux premiers très bon film, Moon et Source Code, il s'était imposé comme un cinéaste malin et compétent.


N'étant pas connaisseur des jeux vidéo Warcraft, on peut légèrement être perdu lors des 10 premières minutes par le scénario. Celui-ci balançant un nombre assez important de noms et de lieux, lorsque l'on est néophytes il faut un certain temps pour s'imprégner de cet univers. Néanmoins ce n'est pas un défaut particulièrement gênant, car le tout devient assez vite clair pour peu que l'on soit amateur d'heroic fantasy. Le film à le mérite de ne pas prendre son spectateur pour un assisté sur ce plan, la fantasy étant maintenant ancré dans le pop culture, il se sert de la connaissance de base de son spectateur pour le faire entrer dans le récit, tout le monde ayant maintenant un vague idée de ce qu'est un orc, un elfe ou encore un mage. Et au final, d'un de ses défauts, il en tire un force permettant au récit d'être plus fluide, d'aller droit au but et de jongler entre les personnages avec habilité. On pensait être perdu mais le récit arrive à nous prendre en cours de route avec beaucoup de maîtrises. On ressent un respect et un amour de l'univers, prenant les enjeux avec sérieux tout en sachant y apporter un peu d'humour mais jamais en ce moquant de ses fans ou de ses spectateurs. Il y a ici l'ambition de déployé une intrigue épique, tragique et aux personnages forts.
Personnages plutôt bien développés et assez intéressants lorsqu'ils sortent de leurs stéréotypes. En ça, se seront les orcs qui se montreront les plus passionnants à suivre. Disposant de beaucoup de charismes, ils ont aussi une profondeur et un code de l'honneur qui les complexifies n'étant ni les méchants ni les gentils de l'histoire. Ils sont juste un peuple en quête de survie, désespéré et cédant à la peur. Le scénario à une volonté de ne pas céder au manichéisme qui est assez admirable permettant d'emmener ses personnages vers des développements souvent inattendu même si il se sert peut être un peu trop souvent des trahisons fratricides comme ressort scénaristiques, ce qui l'handicap lors du dernier acte. Les humains seront par contre moins bien servi, étant plus stéréotypé et cédant à des développements plus clichés. En ça le personnage principal sera le moins intéressant du film, étant que caractérisé par une romance anecdotique, une relation père-fils artificielle et une bravoure un peu random. Chez les humains c'est le personnage du Roi et surtout du gardien Medivh qui sortent du lot, le premier car il prend une décision intelligente et très shakespearienne qui promet une suite passionnante et le second car il à le développement le plus passionnant du film par sa complexité. D'ailleurs le film à vraiment une volonté jusqu'au boutiste qui surprend, n'hésitant pas à sacrifier ses personnages et aller dans des directions totalement inattendues, promettant vraiment des suites audacieuses et que l'on est curieux de voir. De plus, il y a un refus de l'héroïsme assez radical, ici les moments de bravoures étant généralement vains appuyant le côté tragique et inévitable des choses, apportant une noirceur bienvenue à l'ensemble. Après il faut reconnaître que l'affrontement entre les humains et les orcs est globalement classique, que le tout ne révolutionne pas l'heroic fantasy et que le film est un brin trop court pour ce qu'il tente de raconter. Ce qui fait qu'il laisse beaucoup trop de choses de côté, que certains développements ne sont pas satisfaisants en raison de facilités scénaristiques et que les dialogues sont parfois insipides malgré une envie de profondeur. Mais même si dans sa globalité, on est en terrain conquis, c'est dans ses petits détails qu'il surprend et qu'il gagne en authenticité.
Le casting est globalement bon, même si ce genre de film n'est pas vraiment propice aux grandes performances. Travis Fimmel est convaincant en héros même si il manque légèrement de charisme et qu'il est souvent éclipsé par Toby Kebbell qui incarne le "héros" orc et qui dégage une charisme et une profondeur assez incroyable à travers sa performance en motion capture. Paula Patton et Dominic Cooper sont plutôt bons mais il manque de fulgurance surtout lors de la fin où ils sont au cœur du récit mais que par manque de force il peine à rendre le tout mémorable même si ils restent convaincants. Celui qui impressionne le plus est bien évidemment Ben Foster, qui sans trop forcé offre une performance nuancée et complexe, son personnage étant celui qui couvre le plus d'émotions et il se montre juste à chaque fois.
La réalisation est plutôt bonne. La direction artistique étant très fidèle au jeu vidéo, elle risque d'avoir ses détracteurs dans le traitement de ses couleurs parfois très flashy, surtout que la photographie à du mal à nuancer le tout, et les costumes font parfois un peu trop cosplay de luxe notamment en ce qui concerne les elfes et les armures humaines. Certains reprocheront aussi une abondance d'effets spéciaux qui donne un aspect beaucoup trop factices à l'ensemble même si ceux-ci sont la plupart du temps d'excellente facture. Les fonds verts sont rarement discernables et les orcs sont criants d'authenticités, dans leurs mouvements, les détails de leurs peaux et l'expression de leurs regards. Seul les nains font pour le coup très faux et manque de finitions. Le montage est plutôt classique mais assure un rythme qui ne faiblit pas et les musiques de Ramin Djawadi sont épiques et satisfaisantes. La mise en scène de Duncan Jones est d'une maîtrise imparable, jonglant avec maestria entre le fan service et des choix radicaux et intéressants. Certains plans font références au jeu et l'univers est retranscrit avec beaucoup de fidélités mais Jones se laisse la place pour s'approprier le tout, notamment dans sa manière de mettre en scène les combats. S'intéressant plus à la dramaturgie et le cloisonnement des duels plutôt que s'intéressant à l'épique des grandes batailles, il rapproche toujours sa mise en scène près des personnages pour favoriser l'émotion et accentuer la brutalité et l'aspect viscérale des affrontements. En ça, l'introduction est brillante et renvoie même à une influence très western tandis que la succession de "boss finaux" est bien géré et offre des combats particulièrement galvanisants et bien foutus. La mise en scène étant fluide, ayant des mouvements de caméras amples et aériens et tente toujours d'avoir un point de vue différent et plus recherché sur les situations que d'autres films du genre. Par exemple, même si il est moins fantaisiste qu'un Hobbit (évitons de le comparer à un Seigneur des anneaux) il est bien plus abouti et plus tenu dans ses intentions.


En conclusion Warcraft est un bon film et la meilleure adaptation d'un jeu vidéo. Duncan Jones signe une étonnante réussite tellement les ambitions semblait démesurées et que tout laissait penser à un échec retentissant. Je pensais sortir de la salle en ayant vu un bouilli d'effets numériques sans âmes et je me suis retrouvé face à une bonne surprise, qui parvient à dégager de l'humanité, de l'épique et du tragique. Car c'est un film qui prend soin de l'univers qu'il dépeint, qui respecte ses spectateurs et qui aime ses personnages. Même si le tout est classique, un brin expédié par moments, il y a un vrai travail d'écriture pour donner à chaque motivations toute l'ampleur et la complexité que cela entraîne, refusant le manichéisme le plus sommaire. Le tout est aussi servi par un bon casting et une mise en scène impeccable même si elle manque de fantaisie par moments et que certains effets visuelles peut causer quelques débats dans leurs absences de prises de risques par rapport au jeu ou par quelques effets plus inaboutis. Mais au final on est quand même conquis et curieux de voir ce qu'une éventuelle suite pourrait donner.

Frédéric_Perrinot
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le 27 mai 2016

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