Étrange objet cinématographique que le Warfare du duo formé par Ray Mendoza et Alex Garland. Sans jamais parvenir à désamorcer la charge idéologique de son sujet, le film offre toutefois une expérience sensorielle cauchemardesque — particulièrement dans son traitement, exceptionnel, du son. On pourrait y retrouver un peu du Dunkirk de Christopher Nolan dans sa caractérisation quasi-anonyme des personnages, confirmant une évolution post-2010 dans le genre cinématographique traité, mais le recours à l’archive (si étrangement floutée) au générique vient ici aussi troubler le référentiel. On y déplore évidemment tous les poncifs récents du genre, du moudjahidine sans visage aux "fixeurs" couards — le film parvenant même à substituer à l’absence de femmes leur sexualisation pure dès les premières minutes, dans une séquence clipesque si caractéristique de l'industrie récente. Il en reste néanmoins une expérience cinématographique assez traumatisante dans son traitement du temps et des sens, et une inévitable empathie mêlée d’un profond dégoût idéologique. Difficile d'y voir un film de "propagande" et de passer ainsi outre la spoliation d'un huis-clos civil (le lieu-maison) et le bio-utilitarisme irraisonné des "alliés". L’image dans ce qu’elle a de plus sale, en somme. Et c'est aussi ça, du bon cinéma.