Disons-le d'emblée, je vais avoir beaucoup de mal à faire une critique objective de ce film tant je deviens fan de Tom Hardy. Tant celui-ci porte toute la douleur de son personnage sur les épaules en même temps que l'ensemble de l'intrigue du film. Il conjugue tout au long de la pellicule un minimalisme dans son jeu tellement efficace qu'on croit par moment tenir la quintessence de l'acting. J'ai lu un jour que Nolan aimait faire tourner Tom Hardy masqué car il parvenait à saisir tellement de choses dans son seul regard. Ici, même à visage découvert, il incarne tellement justement le personnage de Tommy Conlon qu'on croit parfaitement qu'il n'a jamais été quelqu'un d'autre.


Pour le synopsis avec des morceaux de spoiler à l'intérieur


Tommy Conlon (Tom Hardy) rentre au pays sous le nom de sa mère décédée et on apprend assez vite qu'il a déserté le corps des Marines après une embuscade dans laquelle il réchappera, seul survivant de son unité. Il retrouve son père (Nick Colte) avec qui il renoue sur des bases très houleuses, empruntes de rancœur face à ce père ancien alcoolique qui les a abandonné sa mère et lui, alors que cette dernière était malade. En parallèle, son frère Brendan Conlon (Joel Edgerton), professeur de physique dans un lycée de Pittsburgh, fait face à de graves difficultés financières, miné par un emprunt bancaire qu'il a du contracter pour permettre à une de ses filles de recevoir une greffe de cœur.
Un tournoi de MMA doit se tenir quelques semaines plus tard et chacun décide de s'y inscrire. Tommy dans le but d'aider la veuve de son compagnon d'unité (ce qu'on apprendra dans la dernière partie de l'intrigue), mort au combat. Pour Brendan il s'agit de régler ses problèmes financiers, une manne de 5 millions de dollars étant promise au vainqueur. Tommy, alors lutteur dans sa jeunesse, demande à son père de l'entraîner tandis que son frère, combattant dans des affrontements clandestins, est suivi par Frank (Frank Grillo), son ancien entraîneur. Un combat final entre les deux frères se profile alors avec pour toile de fond le tumulte de leurs relations écorchées ainsi qu'avec leur père.


Pour la critique


D'emblée le décor central du film ne m'emballait pas, je ne suis pas très sport de combat, car mal initié. Je ne possède pas d'aversion particulière pour le genre, mais j'en connaît mal les codes. Autant dire qu'à l'annonce de la diffusion je n'ai pas été super chaud. Finalement, je dois dire que je me suis laissé complément embarquer, même si j'ai trouvé certaines illustrations autour du thème un peu cliché, comme ce combattant russe, un peu épouvantail et un peu trop marquée dans le trop éculé rôle du méchant soviet froid, mécanique et cannibale. Je trouve que non seulement il n'apporte strictement rien à l'intrigue, il n'impressionne même pas, tellement le combat final est écrit depuis les premières minutes du film et que l'incursion de ce brave Koba est inutile et suffisante. D'ailleurs, le tournoi final est un peu traité bizarrement, assez rapidement, probablement à cause de l'évidence du scénario, sans surprises.


Abordant le thème de l'Amérique patriote triomphante, qui rejette les déserteurs et adule les héros dans un même souffle, le film tombe un peu dans une toile de fond facile et remplie de ficelles, sinon de cordes.
Dans une moindre mesure, nous venons d'en parler, l'antique resucée thématique US/URSS fait encore recette outre-atlantique, même 20 ans après la fin de la Guerre Froide.
Enfin, plus intéressante, la double critique du modèle social américain, de santé et bancaire, explose à la figure au début du récit. La thématique est puissamment ancrée dans son époque, coincée en pleine incertitude et remise en cause du système dans la vraie vie, 4 ans après le début de la crise des subprimes et 1 an après l'Obama Care. Presque dommage que celle-ci ne serve que de leitmotiv un peu timoré.


En fait, clairement, le film est sauvé par la puissance de ce trio, même si on devrait, pour finir d'être totalement honnête parler de duo, tant cette relation est polarisée par Tommy et son père. Dans ce triptyque, Joel Edgerton est clairement un cran en dessous, même si sa prestation reste totalement honorable, probablement un peu happé dans un personnage trop lisse et sans bavures.


Tom Hardy a pris énormément de masse musculaire pour incarner une espèce de machine inarrêtable, qui fait voler les directs en mode combat de rue, dans des moulinets sifflants dans l'air et heurtant sourdement la chair. En frappant les autres avec tellement de détermination, c'est lui qu'il frappe, c'est celui qui est plongé entre le remord de n'avoir pu sauver ses frères de compagnie et le comportement de héros qu'il a eu en sauvant d'autres soldats.
De ce point de vue, le film met en scène une relation mutique entre les protagonistes d'une fratrie en miettes. Les réponses se trouvent dans la douleur et les coups, pas dans des mots qui deviennent rapidement futiles et interdits.
Il y a quelques très belles scènes portées par une intensité de jeu assez époustouflante, comme cette scène où Tommy "retrouve" son père, qui s'est laissé aller à ses vieux démons écoutant la cassette de l'audio-livre de Moby Dick, cet Achab perdu et maudit qui précipitera dans sa chute tous ceux qui devrait le suivre dans sa folie. Après lui avoir envoyé dans la tête quelques instants plus tôt qu'il préférai quand celui-ci était addict à l'alcool, des mots pires que la pire des droites à la gueule, Tommy le recueillera dans ses bras, son père effondré, rempli d'un amour pathétique pour ses gosses qu'il a oublié de voir grandir.


La fin du combat final, marque bien les retrouvailles entre petit frère et grand frère, se supportant l'un l'autre, ayant réussi à s'expliquer devant un père qui arrivera à temps pour catalyser ces explications, donner du sens à cette quête, qui, pour peu qu'on aie connue des relations similaires, prend énormément aux tripes et sonne très vrai.


De mon avis, le film aurait été une excellente réussite parfaite si l'enjeu financier et sportif décrit n'était pas aussi élevé, d'emblée, celui-ci ne marche pas car il faut très peu de temps aux deux frères pour devenir les meilleurs mondiaux, quiconque a fait du sport sait que les choses ne peuvent pas marcher comme cela. Cela crée, pour moi, une puissante dissension entre la réalité des relations et ce décorum un peu trop grandiloquent.


En tout état de cause, et malgré des aspects assez négatifs, j'ai adoré ce film, son rythme ainsi que la justesse de certaines mise en scène. Pour ne rien enlever au plaisir, les seconds rôles comme Frank Grillo et Jennifer Morrison (Tess Colon) et dans un troisième plan Kevin Dunn (Joe Zito), sont assez convaincants et enthousiasmants.
J'espère vous avoir donné un peu envie d'aller voir ce film afin de recueillir votre propre critique.


Bonnes toiles!

KévIxe
7
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le 21 oct. 2017

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Kév Ixe

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