Avoir de la personnalité, ce n'est pas une tare

Je la fais, je ne la fais pas … critique difficile que celle de cette adaptation.

Pour le néophyte en la matière, et je l’envie, ce film propose une histoire brillante, détournant les codes de l’univers des super héros pour livrer une vision sombre, complexe, d’une certaine Amérique. Les années 70, tournant majeur pour les USA à tous les niveaux, le personnage fascinant de Nixon, ont débouché sur des années 80 pleines de réponses contradictoires à l’effondrement supposé de l’empire US. D’un côté Invasion USA, Rocky IV, Rambo II et III, l’Aube Rouge. De Rambo, Platoon ou ces Watchmen.

Cette uchronie est puissante à bien des égards et mériterai à elle seule une étude plus poussée. Je vais donc en rester au film proposé par Snyder. Visuellement, esthétiquement, c’est une réussite. Le tour de force de faire tenir l’histoire en 2h40 est assez admirable, même s’il en constitue aussi un point faible que je verrai plus tard. On retrouve ici la patte de Snyder, ses ralentis présents mais sans trop prendre le pas. La mise au pilori de ces héros désabusés, la peinture d’une certaine Amérique, cette guerre froide en arrière plan même si la peur ne se fait pas sentir, tout est assez bien amené, quasi scolairement. Et puis Nixon … et puis merde. Non, impossible de se défaire du matériau original. Ce Nixon est hideux. Les dialogues sont suivis à la lettre, tout comme les cadrages de certaines planches. La bande son alterne le percutant et le terriblement niais comme cet Hallelujah de Cohen que je ne supporte plus d’entendre. Un doute c’est emparé de moi lorsqu’est venu cette scène en mode Bilitis du pauvre : merde, mais c’est quoi cette allégorie napalmienne de l’éjaculation ? A la fin du film j’ai été vérifié : ben si, c’est l’un des dessins mais, à dire vrai, je n’avais pas fait le rapprochement à l’époque de la lecture, pas plus que lors des relectures d’ailleurs.
Car au final, tout est là. Comment juger ce film pour celui qui connait le comic ? Snyder n’a rien fait. On m’a dit que c’était déjà le cas avec 300 ; je ne sais pas, pas lu le comic. Ici, de peur sans doute d’être cramé par une horde de fan, échaudé par les critiques que Jackson a subit pour son adaptation de LOTR, Snyder s’est contenté de retranscrire chaque case, chaque dialogue. Sa nouveauté ? Une fin différente : Exit la pieuvre.

2h40, c’est trop peu pour prendre la mesure de toute cette œuvre. Snyder réalise donc un tour de force en s’y tenant, mais un tour de force impersonnel ayant pour matériau brut un petit chef d’œuvre du genre.

J’ai mis 7 car je ne savais pas quoi mettre. Comment descendre une histoire aussi puissante ? Je vais finalement lire 300 pour en savoir plus sur Snyder. En attendant, je ne saurai trop lui conseiller de prendre des notes quant à une prochaine éventuelle adaptation : va faire un tour zieuter le Tintin de Jackson et Spielberg. La fidélité c’est l’âme que l’on conserve. L’adaptation c’est la part personnelle que l’on apporte. Ici l’âme est étriquée, engoncée dans une approche quasi votive, le personnel se résume à une bande-son pas toujours bien à propos et une fin sans octopus géant.