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Troisième film de Zack Snyder, Watchmen est aussi sa deuxième adaptation de comic book après le très sympathique 300. Ainsi, à partir de l'oeuvre d'Alan Moore et de Dave Gibbons, sur un script écrit en partie par David Hayter (la voix de Solid Snake !) et avec un budget de 130 millions de $, Zack Snyder livre un film remarquable et impressionnant ! En effet, en 3h30 (pour la version Ultimate Cut), tout un univers, riche et détaillé, se dresse devant nos yeux petit à petit.


D'ailleurs, après une introduction pour le moins brutale, le film se poursuit avec un générique posant les bases de cet univers se déroulant dans une réalité alternative. Le contexte de la Guerre Froide entre les USA et l'URSS, l'apparition de super-héros (n'étant d'ailleurs doté d'aucun super-pouvoir à l'exception du Dr Manhattan) à la solde du gouvernement américain, le crime régnant dans les villes... Plein d'éléments sont dévoilés dans ce générique hallucinant où le temps s'étire comme la chanson de Bob Dylan l'accompagnant.


L'histoire se lance ensuite et se révèle tout lentement tout le long du film, à l'instar de ses personnages, d'ailleurs souvent grâce à divers flashbacks. Dans cette Amérique alternative, en 1985, les super-héros présentés dans le générique appartiennent presque tous au passé à cause d'une loi interdisant dorénavant leur existence. Cependant, si la plupart sont bien retournés à des activités plus "normales", un seul continue encore à oeuvrer masqué dans l'ombre : Rorschach. À l'aube d'une apparemment imminente guerre nucléaire avec l'URSS dans le contexte de la Guerre Froide, Rorschach pense que l'on voudrait réduire au silence les anciens héros masqués après avoir découvert qu'un de ceux-ci, Le Comédien, avait été défenestré. Rorschach décide donc de mener son enquête et de prévenir d'anciens justiciers comme le Dr Manhattan ou Le Hiboux II. Cette enquête, qui mènera d'ailleurs nos héros jusqu'à un complot de (très) grande ampleur, sera aussi l'occasion pour le film de développer en profondeur ses personnages ainsi que des thèmatiques variées.


En effet, le scénario, très sombre et premier degré, même s'il ménage quelques combats et une violence très graphique, se concentre plus sur la psychologie et les relations des personnages tout en traitant de manière originale une histoire de super-héros. Au début, les repères sont d'ailleurs brouillés : qui sont les gentils ? Qui sont les méchants ? Comment tous ces événements ont pu se passer ?... Grâce à une déchronologie de l'action pendant une grande partie du film, celui-ci répondra à ces questions voire les transcendera, le scénario évitant au maximum le manichéisme et donc la présence de héros sans reproches ou de "vrais" antagonistes à proprement parler. La fin est aussi peu commune (même si elle rappelle quelque peu celle de The Dark Knight) de par son désespoir, la seule solution trouvée par les protagonistes pour espérer un futur meilleur se basant sur la destruction et le mensonge. En tant que film de super-héros intelligent, Watchmen pose donc une réflexion sur son genre en traitant les thèmes de l'héroïsme, de l'identité, mais aussi du temps qui passe et influe sur ces personnages au fond tout ce qu'il y a de plus humains. En plus de développer en profondeur ses personnages, le scénario de Watchmen permet aussi de représenter une société en pleine déchéance et une Amérique qui n'était pas si éloignée de notre réalité, en proie à la paranoïa et à sa soif de puissance. Ainsi doté d'une intrigue extrêmement dense et complexe sans être obscure ou inutilement alambiqué, le film parvient aussi à retransmettre de beaux moments d'émotion, sublimés par des plans dégageant une certaine poésie, ou encore des séquences suscitant la rage à l'image de ce montage alterné exposant l'impuissance et l'incompréhension du Dr Manhattan en même temps que la montée en puissance de deux anciens justiciers masqués que leurs instincts rattrapent lors d'un combat d'une violence inouïe contre une bande de voyous.


En parlant du montage et des plans, c'est justement l'occasion de discuter de la réalisation car bien que le film soit une adaptation très fidèle du comic, bien que la photographie, certes toujours aussi maîtrisée et caractéristique, ne laisse apparaître qu'à peu de moments des couleurs saturées, c'est bien la patte de Zack Snyder qui transparaît à travers tout le métrage ! Preuves en sont les nombreux ralentis, idéaux pour iconiser les personnages ou encore esthétiser des scènes, les plans variés et souvent audacieux (nombreux plans aériens, inserts, cadrages originaux...) en plus d'avoir une portée symbolique très forte et de ne pas être que de la poudre aux yeux, la photographie léchée bien que plus sombre et grise que d'habitude avec Snyder sans doute pour retranscrire cette ambiance et ce contexte si désespérés... Bien que le film soit globalement plutôt lent et que les scènes d'action soient rares, cela n'empêche pas les combats de nous faire ressentir la violence des coups en particulier grâce à cette esthétique toujours aussi spéciale et surréaliste. Le montage est aussi très travaillé, un des exemples les plus frappants étant ce montage parallèle évoqué précédemment, et le montage sonore s'autorise même aussi quelques ingéniosités.


En plus d'un travail sur le son, le film possède une bande originale efficace, très utile encore une fois pour l'iconisation des héros, mais propose aussi et surtout des chansons et des musiques non originales d'autant plus intéressantes qu'elles sont souvent en décalage avec ce qu'il se passe à l'écran ! Mais ce qui est le plus saisissant, c'est sans doute l'utilisation de deux musiques de Philip Glass issues de Koyaanisqatsi pour accompagner les bouleversantes origines du Dr Manhattan, un très grand moment d'émotion...


Watchmen est donc un film de super-héros se détachant de la masse pour se rapprocher de Incassable (pour le rythme lent et le côté très humain des super-héros) et The Dark Knight(pour le propos politique et l'ambiance extrêmement pessimiste où ne règne qu'une infime lueur d'espoir) mais aussi pour adopter son propre style, et cela entre autres grâce à la mise en scène forte et symbolique de Zack Snyder. Celui-ci préférant à de nombreuses reprises, comme il l'avait d'ailleurs déjà commencé dans 300, en dire bien plus grâce à la puissance des images et de la musique que par de simples dialogues, aussi percutants ou profonds soient-ils, ce qui montre bien la maîtrise des outils cinématographiques par ce réalisateur autant controversé.

Lamortsure
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le 19 mars 2015

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Lamortsure

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