Premier film à 36 ans, Ted Geohegan n'a pourtant pas chômé depuis ses vingts ans. Il signe ses premiers scénarios à seulement 22 ans pour le compte d'un des papes du gore allemand, le franchouillard Andreas Schnaas. Demonium et Nikos the Impaler c'est lui. Quelques années plus tard il s'associa même à la relève de l'underground teuton avec le script de Barricade pour Timo Rose. Si il a dès ses débuts frayés avec le gore graphique et excessif, c'est pour mieux l'intégrer à son propre projet, contrairement à ce que les deux premiers tiers du films pourraient laisser penser. En effet, quoi d'excessivement sanglant dans cette histoire de parents déménageant à l'autre bout de leur État pour essayer de reconstruire leur vie après la disparition du fils unique ? Le malheur les poursuit, puisque la bâtisse dans laquelle ils s'établissent abrite un sombre passé. Un employé de morgue et sa famille auraient fui la ville suite aux accusations des villageois quant à l'utilisation déplacée qu'ils faisaient des cadavres. Mort en exil, le patriarche serait revenu hanter les lieux afin de se venger.


Histoire de revenants, famille qui emménage et maison isolée d'un petit village pas accueillant pour un sou. Ne cherchez pas plus loin, We Are Still Here a toujours été conçu comme un hommage au classique de Lucio Fulci, La Maison près du cimetière. Le projet était assumé dès le départ, et en voyant le résultat, on pourrait même penser à un quasi remake. Geoghegan a retenu les leçons de son aîné, contrairement au père Schnaas, lui aussi féru du maître italien. Le décor choisi crée un inconfort immédiat, et le réalisateur prend le temps d'installer son ambiance, en ayant notamment recours au plan fixe pour capter la décrépitude des lieux. Situé en plein hiver, les cadres enneigés rajoutent à la sensation d'isolement et de fin du monde, comme Shining en son temps. Alors que la mère est persuadée que l'esprit de son fils les accompagne, il se pourrait que ce soit un esprit beaucoup plus menaçant qui commence à pointer le bout de son nez. Les apparitions se font subtiles et terrifiantes (une ombre au fond du plan, un spectre qui traverse rapidement le décor) avant que l'intensité se fasse de plus en plus oppressante. A mesure que la vérité des lieux et du voisinage est révélée, le chaos va irrémédiablement se déchaîner, détruisant tout sur son passage.


Démarrant donc comme un pur film d'angoisse et de Frayeurs (sic!), We Are Still Here, après avoir efficacement construit une ambiance mortifère et pesante à la Fulci, bien qu'un chouia moins déliquescente, change petit à petit de registre pour aboutir à un final apocalyptique. Une dernière partie précédée d'un intermède possession/exorcisme qui apparaît très forcé, comme pour surfer sur les modes de son époque (Conjuring et Insidious viennent de tout écraser sur leur passage récemment), à défaut d'être un choix réellement pertinent. Seule ombre au tableau avant un climax d'une générosité folle, qui met en scène une vengeance d'outre ombre d'une sauvagerie assez inentendue. Encore une fois, les débordements gore du maestro ne sont pas loin, les deux films faisant de la cave le terreau d'une puissance vengeresse. Sans en dévoiler trop et contrairement au classique de 1981, le danger pourrait bien revêtir une autre forme que celle amorcée depuis le début. Premier film oblige, la volonté de Geoghegan de remplir son long-métrage comme si c’était le dernier ne se tarit jamais. La population si farouche se métamorphose alors en une masse inarrêtable, justifiant ses actions dans une pure logique Lovecraftienne que n'aurait pas renié feu Stuart Gordon, lui qui l'avait si bien illustré dans son mésestimé Dagon.


Très référencé, comme souvent pour un premier essai, We Are Still Here a la bonne idée de remettre au goût du jour le film de maison hanté typé seventies, dans une veine moins grand spectacle (budget oblige) qu'un Conjuring deux ans auparavant, et plus proche du sublime House of the Devil de Ti West. Les deux films partagent ce goût pour une horreur insidieuse, livrant des slow burn anxiogènes et macabres avant de culminer lors de climax ultra-violents et généreux en effusions de sang. Côté casting, le réalisateur Larry Fessenden, lui-même mentor de Ti West à ses débuts, impose sa trogne atypique en baba-cool chasseur de démons à ses heures perdues. Alors que House of the Devil conviait le géant Tom Noonan en vieil homme énigmatique, c’est ici Barbara Crampton qui continue d'afficher une fidélité au genre qui ne s'est jamais démenti depuis son premier coup d'éclat dans Re-Animator (encore ce fichu Gordon !). Un remake (oui, osons le mot) de passionnés qui ne verse pas dans la nostalgie cynique et putassière, on en redemande !

PowerSlave7
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le 2 avr. 2024

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