"La La Land" fut une véritable (bonne) surprise quand j'ai découvert ce film, il y a un peu plus d'un an. J'avais approfondi cette découverte par le premier long métrage de Damien Chazelle "Guy and Madeline on a Park Bench" (2010). Entre les deux, en 2014, deux ans avant "La La Land", il y a Whiplash qu'il me fallait voir, évidemment…
Pour employer les adjectifs classiques exprimant le ressenti devant un film, si j'avais été bluffé devant "La La Land", là, devant ce "coup de fouet", ce "Whiplash", c'est scotché, que je devrais dire…
Un jeune batteur de jazz ambitieux, Andrew Nieman (Miles Teller) intègre une prestigieuse école de musique et est remarqué par un professeur et chef d'orchestre très exigeant, Terence Fletcher (JK Simmons). Alors qu'Andrew cherche, avec acharnement, à gagner sa place dans l'orchestre de jazz, Terence Fletcher ne cesse de pousser ses élèves toujours plus loin en utilisant des procédés de coercition morale et physique, instaurant une relation proche de celle de maître à esclave. L'un veut gagner sa place de batteur "titulaire". L'autre veut que son orchestre gagne le concours.
Il y a plusieurs façons de voir ce film.
C'est d'abord l'envers d'un décor qui serait le concert de musique qu'elle soit classique ou de jazz. Pour atteindre un haut niveau, susceptible d'impressionner le public et de s'y tailler un succès, je conçois bien qu'il faille travailler et encore travailler et y mettre un certain acharnement. Mais pour atteindre le niveau de "meilleur X (en sport ou musique ou art) du monde", il est bien possible que l'acharnement individuel ne suffise plus. Qu'un coach cherche à pousser au-delà de certaines limites, ça peut être de bonne guerre et ça peut marcher. Mais ça peut aussi flinguer l'élève. Définitivement. Parce qu'il y a des limites à l'acceptation de brimades et puis, parce qu'à un moment donné, il faut peut-être quelque chose d'autre qui s'appelle du génie ou du talent qui lui, est intrinsèque à l'individu, en clair, qui ne s'apprend pas. Y compris sous les coups.
On est bien dans ce cas, ici, puisque le professeur a décelé du talent chez l'élève, dès son arrivée. Mais les méthodes employées sont d'une impensable et humiliante dureté. Il y a du sergent Hartman dans le personnage de Terence Fletcher.
Et puis on peut voir le film autrement. Où Andrew ou Terence sont deux personnages équivalents, tout aussi antipathiques. Terence n'hésite pas à humilier son élève en public mais l'élève, lui-même, est prêt à tout pour gagner sa place y compris à écraser ou piéger ses collègues. La relation d'Andrew avec Nicole qu'il bazardera sans ménagement au motif qu'elle pourrait l'empêcher d'atteindre son but est très signifiante d'un égocentrisme sans limite. Et je n'insisterai pas davantage sur la relation édifiante d'Andrew avec sa famille.
Mais ce qui est particulièrement intéressant, c'est l'évolution de la relation entre Andrew et Fletcher. D'abord une relation de forte dépendance d'Andrew face à son maître, qu'Andrew accepte mais qui se solde par un double échec. Et puis, cette relation devient toxique lorsqu'Andrew, passé à autre chose, sera irrésistiblement attiré par Fletcher dans un combat déloyal mais où Fletcher pourrait bien avoir (enfin) trouvé son maître …
Spoiler : dans le personnage de son élève
Pour finir, Damien Chazelle nous a offert un film musical intense qui frise avec le genre thriller appuyé sur une belle mise en scène de ces deux acteurs très investis (Mike Teller et JK Simmons) et sur de beaux morceaux de jazz comme "Whiplash" (bien sûr) mais aussi "Caravan" de Duke Ellington.