Ici je parlerai un peu du film mais j'élargirai à un début de réflexion sur une tendance artistique du cinéma contemporain.


Commençons par ce qui nous amène ici, Whiplash. Des plans longs, un rythme lent, des silences imposés, une esthétique travaillée, des acteurs convaincants. Un film qui a donc peu de défauts apparents.


Sauf que. Sauf que le fond n'est pas à la hauteur que la forme suggère. Même si le montage est bien réalisé, il y a un manque de subtilité, on en fait des caisses pour nous démontrer un propos assez classique, ici la frustration comme moteur du génie.
Sur les dernières années j'ai vu plusieurs films dont je pourrais faire une critique analogue: Hunger, Drive, Moonrise Kingdom, La Grande Bellezza, Birdman, Nightcrawler.


Le dénominateur commun à toutes ces oeuvres est que la forme prend le pas sur le fond. Dans plusieurs il y a une ambition de fixer le récit dans une situation réelle, crédible (Nightcrawler, Hunger, Birdman) et bien souvent il n'y a pas de discours du réalisateur comme si l'exposition se suffisait à elle-même et avait valeur d'argument, un cinéma de représentation du réel. Le défaut que cela engendre à mon sens est que l'on aborde des sujets déjà largement appréhendés ou étudiés par toutes sortes de médias (le problème d'égo des artistes dans Birdman, l'opposition loi / morale dans Nightcrawler, la superficialité du microcosme mondain dans La Grande Bellezza).
Pour Wes Anderson c'est un peu différent car il y a plus cette notion de conte mais la mécanique est tellement visible que comme ceux que j'ai cité au final on ne retient que le divertissement de la forme.


Quand je parle de manque fond ce n'est pas nécessairement un manque d'intelligence du propos mais du moins d'incapacité à raconter une histoire, de véhiculer une idée ou une émotion aussi simple soit-elle à travers une aventure originale et créative.


La conclusion que j'en dégage est que j'ai le sentiment d'assister à une époque de réalisateurs plus techniciens que conteurs, auteurs (au sens large). Plus exactement un cinéma scientifique en opposition à un cinéma littéraire.
Les réalisateurs que j'identifierais à cette mouvance : N.W.Refn, Steve McQueen, Wes Anderson voire Inarritu.


Le résultat c'est que cela donne beaucoup de films dont je ne sais pas quoi penser, je ne saurais pas dire si je les ai vraiment aimés. Pour revenir à Whiplash, j'ai été pris par l'esthétique, la performance du prof mais au final longtemps après le visionnage je me demande encore ce qu'il me reste émotionnellement ou ce qui m'a "challengé" intellectuellement.


En y réfléchissant il y aurait une autre explication à ma théorie mais j'attends de voir le prochain chef-d'oeuvre annoncé pour savoir si j'ai vieilli.

Djéba
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le 22 mai 2015

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Djéba

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