Whiplash - en référence à l'un des deux morceaux les plus joués du film - c'est vraiment la très grosse et très bonne surprise du jeune réalisateur Damien Chazelle, mais c'est surtout la consécration pour J.K. Simmons et ses yeux bleus juvéniles, dans un rôle à contre-emploi en quelque sorte...
Le jeune Miles Teller compose lui aussi une partition (huhu) très acceptable, quoique plus "physique" - dans le sens plus "endurante" - que subtile... Et si je commence cette critique en parlant des deux acteurs, c'est que la grande force du film réside selon moi dans le rapport de ses deux personnages, quoique le professeur se débrouille déjà très bien tout seul !
Reprenons depuis le début : Andrew a 19 ans et rêve de devenir un grand parmi les grands de la musique. Il joue de la batterie, et pour progresser toujours plus il fera tout pour intégrer le cours de l'école de musique la plus réputée du pays... Sauf que le professeur de ce groupe d'élite n'a rien d'un gentilhomme, et le tyran fera naître entre eux deux une relation de type sadomasochiste pour le moins complexe...
L'élève, sous ses airs angéliques, semble prêt à tout pour réussir - peut-être même à perdre volontairement les partitions du batteur titulaire pour le remplacer... Il faut dire que dans sa famille, il semble déjà y avoir un sérieux esprit de compétition, notamment avec son frère footballeur, discipline beaucoup plus populaire que le jazz. Mais il semble surtout prêt à subir bien des humiliations pour atteindre son objectif, et c'est assez sidérant de voir tous ces musiciens mâles se mettre à plat ventre devant cet Attila de la baguette... Syndrome d'une société pyramidale où pour réussir il faut savoir fermer sa petite gueule en bon petit soldat. De plus, Andrew s'avère pour le moins égoïste, à l'image de sa "relation" sentimentale et de sa non-implication dans l'affaire du pendu... Une sorte d'anti-héros finalement.
M'enfin ce n'est rien à côté du boss, Monsieur Fletcher, cassant, insultant, violent avec ses élèves, il n'est guère plus poli avec son homologue au début du film ; arrogant, manipulateur et vicieux, le chef d'orchestre se prend pour Dieu le Père... Manipulateur donc - au point de voler les partitions au passage ? Qui sait ? - parce qu'il sait aussi mettre en confiance son jeune puceau, mais c'est pour ensuite mieux le briser et le pousser dans ses retranchements... C'est sa pédagogie qu'il assume, pédagogie que son élève finira même par valider, semble-t-il. Quant à cette petite entourloupe finale, peu crédible certes, mais tellement géniale de machiavélisme, je ne l'avais pas vue venir... Mais attention, le Monsieur Propre des écoles de musique semble lui aussi avoir un coeur lorsqu'il apprend la mort d'un grand musicien dont il était proche... Acting, sincérité, ou simple amour passionnel pour la musique et l'un de ses talents ? Je me pose également la question de savoir si celui-ci n'aurait pas un problème particulier avec les batteurs, car comme pour beaucoup de musiciens, le batteur n'en est justement pas vraiment un, de musicien, pas un vrai en tout cas...
Au final, on peut vraiment dire que les deux se sont bien trouvés dans cette relation sadomasochiste à l'apothéose classique mais bien amenée et surtout époustouflante... Perso, je lui aurais mis direct une baigne dans sa gueule au prof après ses deux premières baffes, et c'est probablement pour ça que j'ai raté ma vie ! Lol. En tout cas, le film en lui-même ne souffre quasiment aucun défaut, si ce n'est le coup de l'accident un peu trop facile. C'est propre, c'est puissant, y a de la bonne zic et de grandes performances. C'est un film à ne manquer sous aucun prétexte, et ce même si on n'aime pas trop la musique, puisque la psychologie le transcende...