"Goodbye. I doubt if we should meet again. — How little you know men."

Anthony Asquith est sans doute un des réalisateurs britanniques les plus classiques et les plus conformes à l'idée qu'on se fait du classicisme british de l'époque, avec un parfum de distinction toute aristocratique qui s'insère confortablement dans l'écrin des années 1940. Quelques sorties de piste sont à noter toutefois, avec par exemple des fils comme Il importe d'être constant qui ont extrêmement mal vieilli. The Winslow Boy est en outre l'occasion de montrer sa fine connaissance de l'institution judiciaire anglaise à travers l'histoire (inspirée de faits réels) d'un jeune garçon de 13 ans accusé d'avoir commis un vol et injustement renvoyé de la prestigieuse Académie navale. Son père, tout juste retraité, et avec lui toute sa famille, sera à l'origine d'un procès initialement refusé au garçon sous prétexte de son jeune âge qui ira jusqu'à la Chambre des communes (chambre basse du Parlement du Royaume-Uni). La détermination du père de famille à revendiquer son droit à un procès équitable et à prouver l'innocence de son fils ne se déploiera pas sans coût, bien au-delà des seules dépenses pécuniaires.


Derrière la façade extrêmement austère de la famille représentée avant tout par son patriarche autoritaire, Asquith parvient à faire circuler une certaine humanité au terme d'un long périple, devant les juges mais aussi en dehors du tribunal. Le film s'intéresse avant tout au refus de renoncer face à l'injustice (ou du moins ce qui est considéré comme tel avant que le verdict ne soit rendu), une qualité humaine qui finit par transparaître non sans difficulté chez le père ainsi que chez l'avocat hautement réputé que la famille engage, sous les traits remarquables de Robert Donat. C'est un peu la quintessence de la dualité so british alliant la probité austère en surface et la sensibilité compatissante qui parvient lentement à se frayer un chemin au travers de ce masque. Beaucoup de pudeur, globalement, que ce soit dans les faiblesses ou dans les accès de colère contenus.


Un film sur le sacrifice, aussi, dans une dimension légèrement pieuse qui irrigue le sous-texte : entre la déclaration des faits et la fin du procès, le père aura sacrifié sa santé (il finit épuisé en fauteuil roulant avec une arthrose aigüe), la fille aura sacrifié son mariage (la famille du prétendant n'ayant pas vu l'acharnement judiciaire de la famille d'un bon œil), le fils aura sacrifié sa bourse d'étude à Oxford (dans le but d'économiser suffisamment d'argent pour payer les frais de justice). En définitive, seul le principal intéressé accusé de vol n'aura rien perdu — si l'on met de côté son innocence — et restera désintéressé, lui qui est en train de s'amuser lorsque la nouvelle du jugement tombe et qui n'aura pas bien compris l'acharnement de son entourage.



Sir Robert Morton: Still pursuing your feministic activities? Pity. It's a lost cause.
Catherine Winslow: How little you know women.
...
Catherine Winslow: Goodbye. I doubt if we should meet again.
Sir Robert Morton: Oh, do you really think so? How little you know men, Miss Winslow.


http://je-mattarde.com/index.php?post/Winslow-contre-le-roi-de-Anthony-Asquith-1948

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le 19 avr. 2021

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Morrinson

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