Surréaliste...
Ce film est une expérience... Je ne la conseille pas... Et si vous vous y risquez quand même, je vous conseille d'être frais comme un gardon (j'étais réveillé depuis 4h du mat et j'avoue, j'ai...
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le 6 févr. 2018
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Après la Palme d’Or 2017, « The Square », du Suédois Ruben Östlund, les pays du nord, ici le Danemark, nous invitent à rester dans la géométrie, tant le premier film de Hlynur Pálmason promeut la forme ronde, circulaire : ouverture dans l’obscurité compacte et ronde du tunnel creusé dans une carrière, roulement constant du tapis d’évacuation des blocs de pierre arrachés aux parois par les ouvriers, lumières rondes des lampes frontales projetant leur faisceau dans l’obscurité, rondeur tubulaire de l’immense cylindre qui arrache ses tripes au centre de la terre, circularité du rapport entre deux frères (Elliott Crosset Hove et Lars Mikkelsen, lui-même frère, à la ville, d’un certain Mads...), autant alliés, dans la vie, qu’ennemis, autour d’une même femme... Nombreuses trouées ou ouvertures en forme de cercle (sur le feu, sur l’air, sur des formes indistinctes, sur l’objet d’un rêve...). Circularité bien enclose de la construction filmique elle-même, puisque « Winter Brothers » se referme au creux du tunnel à l’intérieur duquel il s’est ouvert.
À cette forme obsédante se trouve superposée une couleur, le blanc, qui tapisse tout le film, tamise toutes les perceptions, lacte toutes les couleurs qui auraient la velléité de s’affirmer comme autres. Hlynur Pálmason immerge ainsi son spectateur dans une histoire toute blanche. Histoire qui s’est pourtant ouverte dans le noir le plus complet d’un tunnel, mais un noir d’encre bien vite percé de clartés blanches, puis débouchant sur l’univers entièrement talqué d’une carrière de calcaire sur laquelle une fine couche de neige vient de tomber : paysage blanc, monticules blancs, arbres noirs surlignés de blanc, hommes enduits de craie, jusqu’aux mains et au visage. Même leur combinaison, du même bleu lait menthe que les palissades de leurs baraquements, donne le sentiment que l’on se trouve devant une photo de Liu Bolin, lorsqu’ils s’y adossent, tant le fond semble être prêt à absorber ces figures fantomatiques. Fantômes qui n’auront qu’à devenir encore un peu plus blancs pour passer de vie à trépas, comme cet humble ouvrier qui s’effacera sans bruit, anéanti par le mauvais alcool à moitié chimique, distillé et revendu clandestinement par Emil, le plus lunaire des deux frères.
Cette histoire toute blanche se verra soudain découpée par le carré rouge, intensément vibrant, d’une fenêtre dans la nuit : celle derrière laquelle la jeune femme convoitée s’accouple avec l’aîné des deux frères, pour la plus grande rage de celui qui bâtissait silencieusement autour d’elle tous ses phantasmes de bonheur.
On ne s’étonne pas d’apprendre que le réalisateur, d’origine islandaise, est également un artiste plasticien reconnu, tant est puissamment affirmé le souci de construction esthétique qui a présidé à l’organisation de ce long-métrage, couronné de Roberts (les Césars danois). Une histoire sans histoires, terrible, à force d’être sans histoires, et qui a bien besoin de la violence mécanique de la bande-son, superbement travaillée, ou de la violence du claquement d’un fusil, des étincelles qui jaillissent d’un pic, pour sentir la vie qui pulse dans ces êtres pulvérulents.
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le 6 févr. 2018
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