« Wrong Cops » est une daube mais, au moins, ce n'est pas une surprise. « Steak » était déjà une daube, mais il était suffisamment autre et inattendu pour que l'on ne s'en aperçoive pas. « Rubber » était une bifle infligée fièrement au public, dont une partie accueillit le geste avec sourire et consentement, en pensant que c'était ce qu'il fallait pour paraître plus cool. Celle-ci constitue désormais le corpus de base des nombreux fans de Dupieux, qu'il partage sans doute avec Terry Richardson ou Die Antwoord, autres parangons de l'arnaque trasho-hype actuelle.

Le film se veut être une œuvre meta-pop culture et distanciée. Le problème est que Dupieux ne fait qu'esquisser les contours de l'imagerie qu'il recycle sans en toucher l'essence. Ce dont, à dire vrai, il n'a cure. Il pioche dans ses souvenirs des volutes d'images issues de séries télés, de jeux vidéos, de clips et, parfois, de films. Il fait s’enchaîner le tout grâce à une pose « plus ironique que moi tu meurs » des plus insupportables. Le résultat est une sorte de gloubi-boulga dont les grumeaux qui remontent à la surface évoquent en vrac le clip de « Sabotage », GTA Vice City, « Mais qui a tué Pamela Rose ? », Les Dessous de Palm Beach, « Police Academy », Beavis & Butt-Head et aussi Tarantino (en particulier son « Death Proof » pour le coté volontairement mal fichu/inévitablement raté). Mais l'artiste que Quentin Dupieux aime le plus citer c'est lui-même. Là est le défaut majeur : la vanité de son auteur est perceptible dans tous les recoins de « Wrong Cops ». Dupieux s'aime, se trouve génial, impertinent, je-m'en-foutiste, fauteur de troubles et nous le fait savoir. Sauf qu'il n'est rien de tout cela. Juste un connard prétentieux parmi les autres.
Même l'usage abondant d'auto-dérision (cf. les multiples débats des personnages du film sur la musique, qui est la sienne et ne renvoie donc à rien d'autre dans la culture pop qu'à lui, toujours lui, et échouent par là même à rendre lesdits débats un tantinet drôles... si ce n'est pour ses fans) n'est qu'une autre manière de se mettre en valeur. Le comble de l'orgueil n'est-il pas de mimer soi-même ses détracteurs anticipant ainsi les critiques et de leur dire de façon détourné « je suis plus malin que vous et je vous emmerde » ?
« Wrong Cops » et l'irritant plan marketing qui l'accompagne peut être vu comme une longue promo pour la musique de Mr Oizo – le fameux alter ego DJ de Dupieux – qui n'est au final qu'un concerto de pets de poulets interprété dans une bétonneuse en marche. Tout cela n'a donc strictement aucun intérêt.

Quentin Dupieux voudrait surement, comme Buñuel en son temps, choquer la bourgeoise. Sauf que la bourgeoise, désormais, elle s'en fout. Alors, pour compenser, il se contente d'amuser ses mioches. C'est toujours ça de prit. Les gags du film, en effet, semblent s'adresser à des ados de 12 ans qui viennent de découvrir l'humour noir et s'amusent encore du pipi-caca, rient à la simple évocation du porno gay ou du travestissement et trouvent drôle d'insulter les enfants, les handicapés et les chinois. A la fois proches du monde réel, en cela qu'elles touchent à des aspects soit-disant tabous de la société, et loins de celui-ci, en cela que Dupieux semble n'en avoir rien à branler de rien, à part lui-même, assuré qu'il est d'avoir son public dans la poche quoiqu'il advienne, les blagues du film sont toutes affligeantes et ne peuvent dépasser leur dimension potache. L'humour de potache, certes, n'est pas condamnable en soi, mais il n'est défendable que tant qu'il est fait avec un véritable esprit de potache. Non pas avec celui d'un artiste branché persuadé de bouleverser les conventions, alors qu'il ne fait que cacher son absence de talent en faisant passer cela pour une attitude délibérée. Un truc vieux comme le monde. Son « style » ? Ce n'est que l'usage ad nauseam de focales mal réglées et de cadrages hasardeux. Mais genre fait exprès. Or tout nanardeur chevronné sait bien que le mauvais film volontaire est impossible. N'est pas Godfrey Ho ou Norbert Moutier qui veut.

Plus grave encore, ce décalage qui caractérise l'œuvre de Dupieux n'est pas seulement raté, il n'est pas seulement vain, il est aussi dangereux. Car, oui, « Wrong Cops » est un film dangereux si l'on n'y prend pas garde : il peut vous dégoûter de l'humour.
MeRz
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le 26 août 2014

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