Y a t-il un film pour... Non mais vraiment ! Il y a t-il un film ?!

C'est marrant, mais quand j'ai découvert que ce film allait sortir, mon premier réflexe ça a été de me réjouir de voir que le cinéma hollywoodien essayait de réinvestir la comédie burlesque. C'est vraiment vous dire le désespoir du spectateur que je suis devenu, parce que – et c'est franchement fou quand j'y repense ! – mais tout mon cerveau a vraiment décidé d'occulter dans cette affaire-là tous les autres signaux inquiétants qu'envoyaient ce film, à commencer par le fait qu'il soit une énième licence que l'industrie déterre pour mieux l'essorer. Et au bout du compte, j'ai un peu eu ce que je méritais hein... Parce que attention – surprise ! (non, en fait pas du tout) – en fait ce Il y a t-il un flic pour sauver le monde ? n'est qu'une fade repompée de ses prédécesseurs ; une petite séance nostalgie, mais sans le plaisir que procure le fait de revoir le vrai film pour lequel on a justement cette nostalgie.

Et à bien y réfléchir : quoi de pire que de faire ça EN PLUS avec la trilogie Il y a t-il un flic ? Parce que bon – faut se l'avouer aussi – Il y a t-il un flic ? c'était déjà pas super folichon à la base...

Alors oui, je sais – et on va tout de suite crever l'abcès – entre les Fred Molas alias Joueur du Grenier d'un côté et François Theurel alias Fossoyeur de films de l'autre, ils sont quelques-uns à porter aux nues les films dits des « ZAZ », à savoir le trio Zucker-Abrams-Zucker. Le bon Fossoyeur a même pondu une super vidéo il y a de cela quatre ans (à compter de la date de rédaction de cette critique) pour justement mettre en lumière toutes les subtilités de leurs mécaniques comiques. Et même si je ne conteste pas les qualités évoquées, je maintiens malgré tout cette idée selon laquelle ces films sont quand même vachement poussifs, de base.

Parce que, d'accord, ça joue des codes et des attentes en prenant sans cesse le contrepied des conventions du langage cinématographique, linguistique et social – et ça cherche ensuite à pousser sans cesse davantage vers l'absurde ce contrepied – mais, pour moi, cette mécanique-là, les ZAZ n'ont jamais su la tenir sur la longueur. Ça marche un petit quart d'heure (et encore, pas toujours) le temps de faire le tour des conventions du genre et après – forcément – ça peine davantage à surprendre parce que le spectateur a identifié les ficelles. Or, face à ça, les ZAZ ont toujours eu recours aux mêmes artifices : d'une part surenchérir grassement et d'autre part combler les vides avec du burlesque balourd.

Pour m'être refait Il y a t-il un pilote dans l'avion ? et Il y a t-il un flic pour sauver la Reine ?, ce bilan m'est pour le coup apparu deux fois comme sans appel. Pour un gag loué par François Theurel, tu as à côté de ça une multitude de remplissages pas malins et qui puent le manque d'inspiration et de réflexion. Et à ce niveau-là, le côté « j'assume jusqu'au bout en y allant à 1000% », je trouve que c'est juste de la méthode de gros lourd qui essaye de t'avoir à l'usure.

Alors maintenant je vous laisse imaginer, avec ce que je viens de vous dire des originaux, ce que j'ai bien pu penser d'un ersatz produit avec la logique de l'industrie d'aujourd'hui...

Et pourtant ça aurait franchement pu le faire. L'intro laisse planer le doute dans le bon sens du terme. Ça essaye vraiment de se la jouer film de braquage bien sérieux, ça en reprend les codes de telle manière à pouvoir regarder un Mission : impossible dans les yeux (ce qui n'est plus très dur de nos jours, mais tout de même) et ensuite ça les dézingue de manière absurde en faisant intervenir le nouveau Frank Drebin de service.

Cette intro, elle fait le boulot et elle ouvrait une possibilité – celle qui aurait pu rendre cet épisode ultra pertinent – à savoir un film plus riche et mieux équilibré du fait qu'il se construise sur une base plus solide.

Pour moi, c'est là-dessus que repose la réussite d'une bonne parodie : plus le genre à parodier est maîtrisé, plus ça offrira de possibilités de contrepieds et surtout plus ça permettra de surprendre le spectateur qui sera toujours appelé à suivre instinctivement l'intrigue si celle-ci est suffisamment bien menée...

Mais malheureusement, cette introduction prometteuse n'était qu'un trompe l'oeil. Un peu à la façon d'un faussaire qui sait qu'il a été démasqué, le film ne va dès lors plus faire l'effort de chercher à nous faire croire en sa duperie... comme les originaux en somme...

...Mais en moins bien, donc.

En moins bien, oui, parce que ce Y a t-il un flic ? va bien évidemment faire ce que toute resucée de notre époque fait, c'est-à-dire qu'il va se contenter de prélever tels quels les éléments dont les gens sont nostalgiques et nous les refourguer, au mieux avec une légère déclinaison, au pire avec des clins d'oeil insistants.

Non mais franchement : quoi de pire dans la comédie que la citation ? Tu connais déjà la blague, mais on te la fait quand même, et comme on sait que, de toute façon, tu l'as connais, on te la fait pour le principe, davantage pour s'inscrire dans un univers référencé plutôt que pour vraiment surprendre (et donc faire rire).

Et c'est là pour moi que le film fait vraiment coup double en termes d'échec : d'un côté il reprend une formule de base qui s'épuise très vite, mais en plus de ça, en la reprenant de plus en plus comme une simple référence plutôt que comme un véritable contrepied, il évide en plus de ça de toute sa substance.

Parce que c'est bien ce qui se passe dans cet opus-là : plus le film avance et plus il cite, et si j'ai pu sourire au début, j'ai très vite déchanté, malgré les efforts sincères du duo Neeson / Anderson.

Alors après, ça ne veut pas dire que ce film n'a pas quelques bonnes inspirations...

...Mais ces rares instants fonctionnent justement parce qu'ils sont les rares qui savent vraiment nous prendre un minimum au dépourvu. Pour ce qui est du reste, malheureusement, ça se perd très vite en pastiche de parodie totalement infécond, et le final – franchement indigeste – se pose comme une accumulation de tout ce qui ne va pas dans ce film. C'est lourd, long, plat, insistant et en plus de ça, il faut que ça le soit dans le cadre formel dégueulassedes films d'aujourd'hui...

Ah mais ce final, quel naufrage...

C'est terrible, mais au bout du compte, ce film, je n'arrive même pas à le percevoir comme un film.

Je n'entends pas lui renier sa réalité intrinsèque en disant cela hein, bien évidemment. Mais c'est juste que je peine à le percevoir comme une entité singulière. Passé son introduction, il se réduit rapidement à du patchwork, de la photocopie et de la citation mais sans jamais parvenir à se constituer comme une proposition réellement identifiable. Que le film en soit réduit à reprendre TEL QUEL le générique du premier Il y a t-il un flic ? en guise de conclusion dit pour moi absolument tout de l'absence totale d'ambition de ce film, et surtout de son absence totale d'identité.

Donc loin d'être la résurrection tant souhaitée de la comédie burlesque, ce Il y a t-il un flic pour sauver le monde ? n'aura finalement sauvé pas grand-chose : ni la comédie, ni Hollywood, et encore moins ce monde qui, à bien tout considérer, ne mérite peut-être tout simplement pas d'être sauvé...