Dans mon analyse de Yannick, selon la politique des auteurs, je le remets en perspective de ses autres films. Dupieux a la fâcheuse tendance qui me laisse de plus en plus de marbre, voir m'enquiquine un peu, de se servir d'artifices absurdes dans ses films. Parfois, ça marche (en tout cas ça marchait chez moi quand j'avais treize ans), dans Rubber (2010) par exemple quand il décide de faire de son personnage principal un pneu psychopathe et télékinésiste, ou quand il décide, dans Wrong (2012), de faire en sorte qu'il pleuve à l'intérieur des bureaux où travaille Dolph son personnage principal. Dans les mêmes films, par contre, il y a des trucs qui me saoulent : dans Rubber, il y a des scènes où des spectateurs regardent l'histoire principale avec des jumelles et ça n'apporte rien ; dans Wrong, un détective privé met une sorte de caméra dans un colombin pour fouiller dans la mémoire de la merde (...). Souvent, j'avais l'impression qu'il se servait de ces artifices pour ne pas avoir à dire quelque chose et se contenter de dire "t'inquiète pas, c'est absurde" sans comprendre que l'absurde ne signifiait pas pour autant vide de sens.


Là, dans ce Yannick, j'ai trouvé qu’avoir un univers plus terre à terre marchait bien et c'était en fait un vrai vent de fraîcheur dans sa filmographie récente qui commençait à se parodier et s'autoréférencer à outrance. Par contre, le film m'a semblé ne pas réussir à traiter correctement de la place en tant que prolétaire de son personnage, et l'usage de Raphaël Quenard comme étant un genre de gros débile sans conscience des bienséances, qui ne sait pas écrire sans faute ni écrire sur un clavier, j'ai trouvé ça dommage mais pas surprenant de la part de Dupieux qui traite bien souvent les travailleurs et les pauvres de la même manière, j'ai l'impression. Le fait de tenter de mettre un soupçon de psychologie en expliquant la mort de ses parents, ça m'est totalement passé au dessus et j'ai trouvé ça un peu mal amené, mal écrit, inutile et lourd. Le film est évidemment également critique avec les comédiens qui n'en ont rien à faire de jouer une pièce médiocre sans metteur en scène. Le rôle de Sébastien Chassagne, dans la pièce de Yannick, en tant que personne dans le coma qui ne joue pas m’a fait mourir de rire. J'ai également aimé la façon dont Dupieux et Yannick ont donné une existence au public. Donner une personnalité aux différents membres de ce public qui ne vivent pas la scène de la même manière, c’est les traiter avec bien plus de respect que ces comédiens.


J'ai quand même rigolé et j'ai été touché. Le changement de jeu de Pio Marmaï entre le moment où il braque Yannick et que le public l’applaudit, puis le moment où il se met à vraiment jouer avec son coeur, contrairement à Blanche Gardin complètement atterrée, j’ai trouvé ça simple mais agréable. Il y a de bonnes idées, mais dans l'ensemble j'en reste plutôt apathique. L'avant-dernière séquence m'a un peu ému, au début, jusqu'à ce que je me rende compte qu'elle l'aurait été encore plus sans cette musique prédominante qui va jusqu'à couper la parole à la diégèse et qui me semble être non seulement une paresse en terme d'écriture mais aussi un manque de respect pour le spectateur puisqu'on lui dit grossièrement quoi penser.


Dans l'ensemble, assez mitigé : pas déçu mais pas surpris non plus. Je n'arrive pas à savoir à quel point ça sera un film mineur ou majeur de la filmographie de Dupieux, l'avenir nous le dira.


(08/08/23)

Don-Droogie
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le 12 août 2023

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Don Droogie

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