Une heure c'est long

ATTENTION !!! Cette critique contient des spoilers éhontés et une métaphore filée !

Avec moi, Quentin Dupieux, c'est tout ou rien. Soit, je rentre dans son délire et je m'amuse, soit je reste à la porte pendant tout le film en me demandant ce que je suis en train de regarder.

Je l'ai découvert par hasard il y a quelques années en cherchant des films de genre français (y en a ?)(sisi y en a mais pas beaucoup et généralement pas bons) et j'ai immédiatement apprécié sa folie créatrice. Cet homme a indubitablement des idées différentes et géniales mais, parfois, il est réticent à les partager avec nous et il s'amuse tout seul avec sa caméra. Et avec Yannick, c'est typiquement ce qui se passe. Dupieux s'éclate, il va jusqu'au bout de son idée et nous on reste coincés derrière la porte, comme des quiches, et on se demande si ça vaut le coup de continuer à sonner ou s'il faut pas s'en aller tout simplement. On regarde par le trou de la serrure, on aperçoit en quoi le film pourrait être drôle ou intéressant mais on est dehors et on s'emmerde. Alors, au bout d'un moment, on se casse au café du coin.

Donc Yannick, ce sont des acteurs sur une scène de théâtre et ils jouent la pièce la plus ennuyeuse et soporifique et mal écrite que vous puissiez imaginer. Et Dupieux fait durer cette première scène bien trop longtemps pour que vous sentiez bien l'ennui. Puis, un type dans la salle interrompt la pièce pour dire qu'il s'ennuie, sort un flingue, monte sur la scène et entreprend très laborieusement de réécrire la pièce en moins chiant, avec un doigt, pendant un temps interminablement long, sans qu'aucun des spectateurs ne fasse quoi que ce soit ni que la police intervienne. Et à aucun moment ce n'est ni drôle ni intéressant. Pas de répliques peaufinées, pas d'ironie. On s'ennuie juste et on attend qu'il se passe un truc pour secouer la torpeur agacée, la sensation désagréable de perdre son temps.

Alors, certain.e.s me diront que le film est une métaphore de la relation compliquée entre liberté artistique (qui produit des films avec une valeur artistique élevée mais potentiellement difficiles d'accès) et divertissement (avec des films de commande remplis de fan service, satisfaisant pour le public mais artistiquement vides, comme les Marvel). Certain.e.s me diront que le film est une critique de la médiocrité du cinéma français actuel qui se vautre dans son autosatisfaction (des hommes bourgeois blancs cishét qui se récompensent les uns les autres aux césars et tripotent des gamines). Certain.e.s me diront que le film étudie la relation complexe entre l'artiste et son public. Certes. C'est bien possible.

Je reconnais bien évidemment la légitimité pleine et inaliénable de l'artiste de faire ce qu'il.elle veut de son œuvre. Mais, si cela débouche sur une œuvre si personnelle qu'elle en est absconse ou si "private joke" qu'elle en exclut le public, j'estime qu'il n'y a alors que deux solutions :

1- l'artiste conserve son œuvre

2- l'artiste publie son œuvre mais concède quelques clés au public, afin que celui-ci puisse l'apprécier. Cela me parait être le moindre des respects pour celles et ceux qui ont fait babysitter le chat, pris le métro qui pue et mis en gage un de leurs reins pour payer la place.

Et c'est bien là ce qui m'a déplu et irrité avec Yannick. Je n'avais aucune clé, Dupieux s'éclatait tout seul sans moi derrière sa porte close et moi je me demandais ce que je fichais là et je me sentais prise pour une conne. Exactement comme le public de la pièce de théâtre qui s'emmerde mais n'ose pas sortir et cherche du sens pour justifier le fait de rester. Cette idée n'était pas inintéressante en soi. Si la mise en abyme, l'aspect méta, le public qui s'ennuie devant un film volontairement chiant mettant en scène un public qui s'ennuie devant une pièce volontairement chiante, avait été poussé jusqu'à son terme et agrémenté de quelques répliques, le film aurait pu être bien meilleur, à mon humble avis.