Z
7.7
Z

Film de Costa-Gavras (1969)

Z, ça veut dire qu'il est vivant.
Il est vivant, et il parle.
Et pourtant, ils ont tout fait pour le faire taire. Ils ont fait pression sur les propriétaires de salles, pour qu'il ne puisse pas faire ses discours.
Ils ont mis des policiers en civil parmi les manifestants, pour echauffer les ardeurs et créer des débordements.
Ils ont arraché les affiches et intimidé les opposants.
Ils ont menacé notre député.
Et quand ils ont vu que cela ne suffisait pas, ils l'ont tué.
Mais est-ce qu'on tue une idée ?
Est-ce qu'on emprisonne une démocratie ?


Oui.
On peut emprisonner une démocratie.
Par petites touches, sans s'en rendre compte.
Par une alliance contre nature entre militaires, politiciens, groupuscules extrémistes, religieux.
Par le mensonge érigé en méthode de gouvernement.
Et par la complaisance passive d'habitants qui trouvent préférables de s'aveugler.


Z, c'est la Grèce tombée aux mains des colonels.
Z, ce sont les Républicains espagnols trahis par Staline, abandonnés par les démocraties européens, et massacrés par Hitler.
Z, c'est un président américain assassiné par les extrémistes de son pays, voire même de son parti.
Z, c'est chaque fois que la démocratie recule.


Bien entendu, dans ce film réalisé par un cinéaste grec, deux ans à peine après l'instauration de la dictature des colonels, tourné en Algérie parce que ça ressemble beaucoup à son pays, on ne dit jamais que nous sommes en Grèce. Le pays est inconnu. Les personnages n'ont d'ailleurs pas de nom, ils sont désignés par leur fonction : général, colonel, procureur, journaliste...
Et pourtant, les allusions à la Grèce sont transparentes, dès le générique, où l'on voit des inscriptions en alphabet hellénique.
Mais le scénario, écrit par Costa-Gavras et Jorge Semprun (qui a tant souffert par la faute des dictatures), va bien au-delà du seul cas de la Grèce. Ce que montre Z, c'est comment une démocratie abrite, en elle-même, ce qui cherche à causer sa chute.


Z se divise en deux parties distinctes. D'abord l'assassinat, puis l'enquête.
Cette enquête sera menée par le substitut du procureur. le choix paraît judicieux, tant le personnage apparaît, de prime abord, très timide et vulnérable. Il sera si simple de l'influencer sans qu'il s'en rende compte. La conclusion est dictée avant même le début de l'enquête : c'est un accident de la circulation. Point barre.
Pour nous, spectateurs, il n'y a aucun doute. Le cinéaste nous a montré l'assassinat. La vérité, on sait où elle se trouve. Mais le suspense est ailleurs : le procureur va-t-il aboutir à la vérité ou va-t-il plier devant ses supérieurs ?
Cette enquête, montrée de façon minutieuse, est un modèle. On y voit le frêle procureur devenir un redoutable homme de justice. On y voit ce qui arrive quand un homme enquête sans préjugés ni a priori, sans se laisser dicter ses résultats à l'avance, sans volonté partisane. Un exemple.


Z est un grand film.
Plus que ça : Z est un film nécessaire.
De même que les deux films qui le suivent et constituent, avec lui, la trilogie de Costa-Gavras sur les dictatures : L'Aveu et État de siège (film trop sous-estimé, à re-découvrir d'urgence).

SanFelice
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Justice et Grands et petits écrans en 2015

Créée

le 19 mai 2015

Critique lue 3.3K fois

67 j'aime

6 commentaires

SanFelice

Écrit par

Critique lue 3.3K fois

67
6

D'autres avis sur Z

Z
Samu-L
8

The more things change, the more they stay the same.

Z est un film cynique*qui vous mettra en colère, il parle de la défaite de la vérité, de la défaite de la justice. Costa Gavras filme un thriller politique tendu ou le suspens se crée a coup d'alibi...

le 20 déc. 2012

45 j'aime

5

Z
Gand-Alf
8

La paix ne rapporte rien.

Troisième long-métrage du cinéaste Costa-Gavras et premier de sa trilogie politique (qui comprendra L'aveu et Etat de siège), Z est directement tiré du roman de Vassilis Vassilikos, lui-même inspiré...

le 16 févr. 2016

40 j'aime

Z
Docteur_Jivago
8

Dictature sanglante

Z, livre de Vassilis Vassilikos que Costa-Gavras découvre lors d'un voyage en Grèce, raconte l'histoire vraie de l'assassinat d'un homme politique de gauche dissimulé par la police en simple...

le 1 avr. 2014

27 j'aime

Du même critique

Starship Troopers
SanFelice
7

La mère de toutes les guerres

Quand on voit ce film de nos jours, après le 11 septembre et après les mensonges justifiant l'intervention en Irak, on se dit que Verhoeven a très bien cerné l'idéologie américaine. L'histoire n'a...

le 8 nov. 2012

256 j'aime

50

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Chernobyl
SanFelice
9

What is the cost of lies ?

Voilà une série HBO qui est sans doute un des événements de l’année, avec son ambiance apocalyptique, ses flammes, ses milliers de morts, ses enjeux politiques, etc. Mais ici, pas de dragons ni de...

le 4 juin 2019

214 j'aime

32