Pour quelle raison incroyablement stupide la plupart des réalisateurs s’attaquant à un sujet d’actualité se sentent-ils obligés de recourir de façon systématique à la caméra tremblotante ?

Quel demeuré au dernier degré pensera réellement que ce procédé disgracieux, inconfortable et télévisuel apporte à ce genre de grosses productions calibrées un supplément quelconque de véracité prétendue ? De quels imbéciles se moque-t-on ici, sérieusement ?

Le résultat est bien évidemment pénible à l’extrême, incapable de proposer un véritable point de vue cinématographique (ou même un point de vue tout court, d’ailleurs) et se contentant de nous promener sans âme dans les méandres ennuyeux de la C.I.A.

La première moitié du film est à ce titre absolument insupportable de pauvreté narrative. Une base secrète de la C.I.A. un interrogatoire à base de torture à propos d’un type de huitième zone nommé Abu Ahmed, un attentat quelque part, une autre base, le même type, la torture, un attentat… Si je n’avais pas eu Mark Strong qui vient pousser une gueulante à un moment, je me serais effondré comme une masse…

En plus, tout repose sur une Jessica Chastain constipée qui lutte d’inconsistance avec un personnage particulièrement convenu. La petite rouquine persuadée de sa piste qui la défend pendant dix ans contre des chefs visiblement ligués pour lui mettre des bâtons dans les roues, ça va deux minutes, mais à la fin, c’est insoutenable… Homeland sans les lourdeurs feuilletonesques, en fait, ça ne veut pas dire qu'il y a forcément progrès...

Avec ça, aucun être humain ou presque, personne de vraiment crédible, jusqu’au plus haut niveau du service, l’impression que tout le monde partage la même ignorance géopolitique et le même fanatisme exacerbé qu’un cul-terreux analphabète du Midwest biberonné à Fox News…

Deux heures et demie sans vraiment raconter quelque chose, ça commence à faire beaucoup, c’est embêtant d’avoir l’impression de n’absolument rien apprendre de nouveau sur un sujet qui aurait dû se révéler passionnant.

Hélas, la Bigelow, noyée dans ses pseudos certitudes esthétiques et factuelles, oublie absolument de faire le minimum syndical. Là où un Argo parvenait à intéresser par une réelle maîtrise de l’efficacité cinématographique, Zero Dark Thirty n’est qu’un long chemin de croix vers un final forcément prévisible qui exacerbe encore les défauts de la première partie. D’une lisibilité presque nulle, l’assaut final se résume à d’interminables ouvertures de portes et à quelques assassinats à la va-vite et toujours justifiés par l’apparition inopinée d’une mitraillette auprès de la future victime…

C’est dommage, parce que, à un moment, lorsqu’on quitte enfin le Pakistan, il y a quelques moments moins pénibles dans les bureaux de la C.I.A. On retrouve Mark Strong qui continue à imposer film après film une réelle présence presque familière à présent, on voit un peu moins la petite pénible et on peut s’amuser de la présence de James Gandolfini en grand patron de l’agence…

Pour le reste, pas grand-chose à sauver entre deux bâillements, je trouve qu'il faut vraiment être sans vergogne pour appeler ce que je viens de voir du cinéma et oser présenter ça en salles... J’en viens à me demander comment un échec intellectuel et artistique aussi manifeste peut connaitre aujourd’hui un tel succès critique et public et puis je regarde un peu ce qui sort à côté et j’ai envie de pleurer de la lave en fusion tout en me forçant à croire encore un peu que les spectateurs ne méritent pas d’être traités de la sorte…
Torpenn
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le 2 févr. 2013

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Torpenn

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