Ah, Abzû, c’était la promesse d’un voyage merveilleux et émouvant dans la beauté des fonds marins, reposant avant tout sur la contemplation, l’immersion, et sur un gameplay qui se veut simple et reposant. Mais Abzû, c’est également un véritable échec.


Si les premiers instants sont très sympathiques et posent le ton du jeu de manière efficace, ils montrent déjà toutes les limites et les faiblesses d’Abzû. Ce n’est pas tant par son gameplay que j’ai à critiquer le jeu – j’aime les jeux qui reposent sur un gameplay épuré et intuitif – mais plutôt par sa structure en tant que jeu, notamment au niveau du Level Design. Et oui, car pour qu’une idée devienne intéressante et se transforme en jeu, il faut que les développeurs parviennent à exploiter leur idée de gameplay de manière intelligente et variée pour, justement, faire ressentir des émotions au joueur. Le problème, c’est que ce n’est pas le cas dans Abzû, qui est très fainéant et répétitif.


Bon, parlons donc d’abord des points positifs qui frappent le joueur dès le début. J’ai déjà évoqué le gameplay, très simple à prendre en main même si parfois un peu approximatif, et c’est une bonne idée d’avoir opté pour un gameplay efficace qui suit l’esprit du jeu. On ne peut manquer de parler également de la beauté des tableaux de jeu, qui débordent de vie et de couleurs, et c’est un vrai plaisir d’évoluer dans un monde si magnifique. Forcément, nous nous sommes tous arrêtés, à un moment ou un autre, pour apprécier la splendeur d’un lieu, et c’est bien la direction artistique qui fait la grande force du jeu, on ne peut le nier. Le rythme, la «narration» de l’aventure sont également exemplaires et parviennent à bâtir une histoire sans faire appel à des dialogues qui viendraient rompre la magie du titre, ce qui rend également l’expérience d’Abzû universelle. Enfin, Abzû repose sur un petit message écologique assez convenu mais qui ne fait pas dans l’excès, donc pourquoi pas. Abzû fait donc un bon travail en terme d’esthétique. Seulement, le jeu vidéo ne se réduit pas à cela, et en règle générale, l’esthétique est utilisée par les développeurs pour dissimuler les lacunes de fond de leur jeu, et Abzû ne fait pas exception à la règle.


Dès le début, disais-je, on aperçoit vite toutes les limites du titre : le Level Design est simpliste et aucunement inspiré. Vous évoluez dans un couloir… et c’est tout. Et là, c’est vraiment une idée que je ne comprends absolument pas, car elle va à l’encontre même de l’objectif du jeu. Abzû voudrait nous faire vivre une aventure et nous immerger dans ce monde enchanteur… alors pourquoi enfermer le joueur dans de tels carcans et l’empêcher de vivre son aventure, justement ? Pourquoi avoir totalement supprimé l’aspect exploration ? C’était bien là la clef pour rendre le jeu intéressant et immersif, laisser une certaine liberté au joueur pour qu’il puisse découvrir en profondeur et par lui-même cet océan magnifique, pour qu’il mène l’aventure selon sa propre sensibilité et qu’il puisse ainsi construire son histoire… Malheureusement, les développeurs d’Abzû ne sont ni inventifs ni ambitieux. Ils vous enferment dans des niveaux étroits, dirigistes, qui empêchent toute imagination de naître dans l’esprit des joueurs.


C’est bien le plus gros défaut d’Abzû : nous ne sommes jamais impliqués dans ce «jeu». On suit bêtement ce que les développeurs ont voulu que l’on fasse, et de toute façon on ne peut pas vraiment faire autre chose, car toute liberté a été ôtée au joueur. Les développeurs ont bien essayé d’introduire quelques puzzles et des passages avec des mines qu’il faut éviter, mais là encore c’est parfaitement raté. Les puzzles sont basiques au possible, et je me demande même s’il convient vraiment de les appeler «puzzles», puisqu’il suffit souvent de suivre des câbles pour activer un élément… Et les mines ne vous éliminent pas, elles ne font que vous «absorber» pour vous rejeter plus loin… Elles n’ont donc aucun intérêt.


Là encore, ces éléments auraient pu devenir intéressants s’ils avaient été utilisés de manière pertinente par les développeurs. En créant des puzzles plus complexes, ils auraient permis aux joueurs de s’impliquer dans le jeu et donc de s’immerger dans cet univers paisible, et en faisant en sorte que les mines soient un vrai danger, ils auraient ainsi pu créer des scènes de tension qui auraient servi à propos le message du jeu en présentant la menace que représente cette technologie. Ah, plus j’y pense, plus je vois d’occasions manquées et un véritable gâchis. Quel dommage !


Finalement, l’aspect vidéoludique d’Abzû est tout à fait rachitique et sans grand intérêt. Au lieu de rendre le joueur actif et ainsi décupler les émotions ressenties, Abzû se contente d’une immersion passive qui a davantage sa place au cinéma. C’est d’ailleurs une erreur que font beaucoup de jeux «narratifs». Comme ils ne savent pas comment transmettre des émotions via les outils vidéoludiques, ils se tournent vers la facilité et copient le cinéma, quitte à oublier qu'il y a un joueur derrière tout ça, et pas un spectateur. Abzû fait partie de ces œuvres qui rabaissent le jeu vidéo comme art, et ça me désole. J’ai découvert il y a peu une liste sur ce site qui recense les jeux qui plaisent aux non-joueurs, et Abzû y a tout à fait sa place : si vous n’aimez pas le jeu vidéo, vous apprécierez probablement Abzû. Seulement, moi, j’aime le jeu vidéo, donc…

Charlandreon
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le 2 déc. 2020

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Charlandreon

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