«Plutonia a toujours été destiné à ceux qui avaient fini DOOM II en Difficile et qui cherchaient un nouveau défi. Je jouais toujours aux niveaux que j’avais fait en Difficile, et si je pouvais les réussir trop facilement, je les rendais plus durs, afin qu’ils deviennent un défi pour moi. Je n’ai pas beaucoup de sympathie pour quelqu’un qui joue à Plutonia en mode Difficile et se plaint que ce soit trop dur». Dario Casali*



Nous étions prévenus ! Final DOOM est la dernière «extension» officielle de DOOM, contenant deux Iwads**, TNT: Evilution et le fameux Plutonia Experiment, réalisés dans le but d’exploiter à leur maximum toutes les possibilités offertes par le DOOM Engine et proposer une expérience bien plus ardue que ce que l’on avait pu avoir auparavant, afin de repousser les limites des meilleurs joueurs… mais aussi, pour Id Software, exploiter une dernière fois le filon DOOM en produisant deux Megawads. Le premier, TNT : Evilution, a été réalisé par la controversée TeamTNT. Alors que ceux-ci avaient achevé les 32 niveaux d’Evilution et prévoyaient le sortir gratuitement en tant que Pwad*** fin 1995, John Romero les a contacté afin de leur proposer de sortir leur Megawad dans une sortie officielle, Final DOOM donc. Ce contrat avait causé une petite polémique à l’époque, certains n’hésitant pas à qualifier la TeamTNT de vendus. Mais, ce n’est pas vraiment pour cette raison que je qualifie la TeamTNT de controversée ; j’y reviendrai plus tard. Le second, Plutonia, a été réalisé spécialement pour Final DOOM par les frères Casali qui avaient impressionné l’équipe d’id Software avec certains de leurs niveaux. Final DOOM sort donc en 1996 et place la barre en matière de difficulté bien plus haute que tout ce que l’on avait pu voir auparavant. Les créateurs de ces niveaux eux-mêmes ne pouvaient les compléter en mode Nightmare! qui représente l’épreuve ultime pour les meilleurs joueurs, et l’on a longtemps pensé qu’il était impossible de compléter d’une seule traite l’intégralité des niveaux de Plutonia ou TNT en mode Nightmare!. A tel point qu’il aura fallu attendre 19 ans pour voir le tout premier speedrun en single-segment de Plutonia en Nightmare!, et 20 ans pour TNT, les deux réalisés par le légendaire Zero Master****, Doom God parmi les Doom Gods, là où il avait fallu «seulement» 4 ans pour voir DOOM II être complété d’une traite en Nightmare!.


Avant de m’attarder sur Plutonia, il me faut parler de TNT: Evilution qui divise tant la communauté. Si je disais de la TeamTNT qu’elle est controversée, c’est qu’il y a une raison. Si elle a connu une certaine popularité dans les années 90 et que certaines de leurs productions ont été assez bien reçues, comme Icarus par exemple, elle a aussi très vite connu une mauvaise réputation au sein de la communauté à cause de leur level design souvent… très peu inspiré, voire inintéressant et pénible. En effet, quelques-unes des principales caractéristiques des cartes créées par la TeamTNT, que l’on retrouve inexorablement dans TNT: Evilution, sont des niveaux souvent très grands, avec des salles énormes et vides, avec quelques hitscanners très mal positionnés présents à l’autre bout desdites salles et qui vous grignotent très rapidement votre vie puisque vous ne pouvez esquiver leurs tirs. Un exemple flagrant dans Evilution d’un tel level design est le niveau 8 Metal où vous trouvez plusieurs salles gigantesques, dont la salle finale, avec quelques hitscanners bien pénibles à éliminer.


Et globalement, TNT: Evilution souffre d’un level design peu inspiré, proposant souvent des niveaux longs et pas très intéressants à traverser. Personnellement, je ne serai pas aussi critique que certains sur TNT, car si beaucoup des niveaux m’ont laissé indifférent, j’ai quand même réussi à avoir un peu de plaisir à les faire, et j’ai même beaucoup aimé l’atmosphère de certaines cartes. Car oui, ce qu’il faut savoir, c’est que le level design de TNT est davantage tourné vers l’atmosphère plutôt que sur la qualité du gameplay, et c’est un choix qui ne passe pas pour beaucoup qui finiront par s’ennuyer, mais c’est ce qui m’a permis de passer un bon moment dans des cartes relativement peu intéressantes, comme les niveaux Crater et Deepest Reaches où j’ai vraiment eu l’impression de combattre dans des zones singulières, ou encore le niveau 29 River Styx où j’apprécie l’ambiance infernale qui s’en dégage.


TNT possède aussi – et heureusement – quelques très bons niveaux ; j’apprécie particulièrement le niveau 4 Wormhole pour son concept assez original d’avoir une zone entière à l’arrière-plan de la carte et que seuls les joueurs les plus curieux découvriront, ou encore le niveau 9 Stronghold réputé pour sa difficulté et son nombre très élevé d’ennemis, notamment des hitscanners, mais dans des couloirs étroits cette fois. Ainsi, si TNT: Evilution propose quelques bons moments, il représente également une ombre au tableau de Final DOOM, loin derrière l’excellence de Plutonia.


Ah, Plutonia ! Quelle expérience ! Réalisé par les seuls frères Milo et Dario Casali, Plutonia repose sur des niveaux assez compacts, très cohérents et proposant des combats très intenses et ce, dès le premier niveau. En effet, on est immédiatement mis dans le jus avec un premier niveau assez ardu contenant la plupart des gros monstres du jeu: Mancubus, Revenants, Pain Elemental, et surtout deux Archviles dont un très astucieusement positionné qui ressuscite en permanence un Chaingunner. On comprend tout de suite que les niveaux de Plutonia ont été très intelligemment pensés par les Casali qui exploitent de manière novatrice le DOOM Engine, montrant ainsi toutes les possibilités et la diversité que ce dernier peut offrir. Le level design de Plutonia est génial de bout en bout et clairement destiné à tester les meilleurs joueurs avec des pièges souvent sadiques et très malins. On trouve également de nouvelles règles dans le level design de Plutonia qui vont à l’encontre de ce que l’on avait pu voir auparavant afin de créer des pièges vraiment fourbes: on trouve par exemple des ponts invisibles ou encore des ennemis derrière de faux murs à travers lesquels on peut tirer, et il faut donc deviner d’où proviennent les projectiles si l’on ne veut pas mourir. L’exemple le plus fameux est certainement le niveau secret Cyberden avec ses deux Archviles cachés derrière de tels murs. De même, il y a cette utilisation - inédite jusque-là - de chaingunners placés stratégiquement en hauteur et ressuscités en permanence par des Arch-viles cachés. Et, bien sûr, comment parler de Plutonia sans évoquer l'iconique trio Arch-vile/Revenant/Chaingunner toujours utilisé à bon escient par les frères Casali !


On retrouve également dans Plutonia quelques concepts de niveaux tirés de DOOM II mais ici exploités de manière bien plus brutale. On trouve ainsi le niveau 7 Caughtyard qui reprend l’idée de Dead Simple (tuer les Mancubus pour pouvoir sortir de la zone centrale), le niveau 21 Slayer qui possède une architecture centrée sur un immense cercle bien évidemment inspiré de Circle of Death de DOOM II, ou encore le niveau 29 Odyssey of Noises qui est une version survitaminée de Downtown. Mais Plutonia possède également des niveaux originaux qui sont des chefs d’oeuvre à eux seuls. Je suis obligé de m’attarder sur deux cartes en particulier. La première n’est autre que Hunted qui est une vraie merveille et constitue à elle-seule un coup de génie justifiant l’aura que possède Plutonia dans la communauté: la carte n’est autre qu’un labyrinthe dans lequel on évolue avec des Arch-viles qui arpentent les couloirs tels des Minotaures, sur fond de Sweet Little Dead Bunny – musique qui, à elle-seule, nous indique que l’on se trouve dans un niveau atypique. Ce niveau propose donc un gameplay tout à fait différent que ce dont on a l’habitude en exploitant intelligemment l’Arch-vile et son comportement singulier, et aura fait cauchemarder bon nombre de joueurs. La seconde grande carte à l’influence considérable est la carte secrète Go 2 It qui repose sur l’architecture du premier niveau de DOOM II et constitue l’un des niveaux, si ce n’est le niveau officiel le plus difficile avec son nombre important de démons imposants, dont voici quelques chiffres: on ne trouve pas moins de 49 Revenants, 28 Mancubi, 19 Arch-viles, 13 Cyberdemons, etc. Go 2 It a une grande renommée dans la communauté et donne naissance aux Slaughter Maps, ces cartes avec un nombre faramineux d’ennemis à combattre.


Plutonia est donc un véritable coup de force qui justifie à lui seul l’achat de Final DOOM et pose de nouveaux standards en terme de difficulté et de level design qui auront un écho considérables parmi les créateurs de Pwads de la communauté.


A tous ceux qui ont joué à DOOM et DOOM II, je ne peux que vous encourager à jouer à Final DOOM et ce, malgré l’expérience mitigée de TNT: Evilution. Se frotter à Plutonia est un passage obligatoire pour tout joueur expérimenté de DOOM, et permet de voir ce qui peut se faire de mieux avec le DOOM Engine avec un Megawad qui est immédiatement devenu une référence et un pionnier en matière de level design.




*https://5years.doomworld.com/interviews/dariocasali/


**Un Iwad (Internal Wad) est un fichier Wad contenant toutes les données nécessaires permettant de faire tourner un jeu sur le DOOM Engine de manière autonome et servant ensuite de base à tous les contenus additionnels faits par les fans.


***Un Pwad (Patch Wad) correspond à un fichier Wad contenant des données créées par des joueurs de la communauté, comme des cartes, des musiques, de nouvelles textures, etc. Les données d’un Pwad ne peuvent se charger sans la présence d’un Iwad, qui sert ainsi de support à tout contenu additionnel.


****Je ne peux que vous inciter à aller voir ces deux speedruns sur la chaîne de Zero Master, qui sont parmi les plus impressionnants que j’ai pu voir.

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le 3 sept. 2020

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