Assassin's Creed
6.7
Assassin's Creed

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2007PC)

Pensé d’abord comme une nouvelle aventure du Prince de Perse, toujours dirigé par Patrice Désilets qui en avait rebooté la licence avec succès quelques années plus tôt, la licence Assassin’s Creed est née dans les premières années de la septième génération de consoles et s’est vite inscrite parmi les licences les plus populaires et influentes de son époque et au-delà. Étant passé à côté de cette mode à l’époque, sans trop pouvoir l’expliquer d’ailleurs, je l’ai découvert véritablement en rétrogaming sur PC en voulant voir si les bases de la saga et de son succès étaient déjà présents dès ce premier épisode, voyons ce qu’il en est. Je vous propose l’écoute de Flight though Jerusalem pendant la lecture.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



Assassin’s Creed fait partie des titres les plus ambitieux techniquement du début de la septième génération de consoles et a bien été vendu en ce sens. Ainsi, ce n’est seulement la qualité de ses graphismes qui impressionne, le titre peut se doter de larges foules avec de nombreux PNJ affichés simultanément, d’animations assez nombreuses et décomposées prenant en compte l’environnement… Tout ça se fait tout de même au prix d’un peu de clipping à déplorer, d’un aliasing plus prononcé sur les ombres, de quelques skins recyclés pour les persos secondaires… mais c’était sans doute inévitable pour l’époque et aucun de ces défauts n’éclipsent la réussite technique incontestable d’Assassin’s Creed, celle de nous faire évoluer dans un vaste monde plein de vie.


La mise en scène peut être assez efficace en combat pour des feed-back très satisfaisants avec des finish move sanglants et a minima chorégraphiés, malgré quelques plans de caméra mal choisis, notamment quand elle s’empêtre dans les herbes cachant la vue, mais c’est anecdotique. Par contre, si on peut rester aux commandes du personnage lors de certains dialogues, c’est à la fois trop pour une mise en scène efficace et pas assez pour un réel sentiment d’immersion, un peu dommage mais pas bien grave non plus. En effet, le jeu sait se faire impressionnant dans sa mise en scène ailleurs que dans ses cinématiques.


Le contexte historique de la troisième croisade est propice au dépaysement entre la qualité des graphismes et les décors historiques majestueux et exotiques de Jérusalem, de Damas… Chaque environnement a ainsi des couleurs dominantes bien marquées et leur découverte a fait partie pour moi des meilleurs moments du jeu, d’autant que la première arrivée à cheval est assez bien travaillée pour offrir de formidables points de vue sur l’environnement. Les développeurs ont su mettre cette force en avant avec les tours de synchronisation qui fournissent un formidable prétexte pour admirer les paysages et profiter de la verticalité du level-design pour d’excellentes sensations de vertige.


Si le chara-design des personnages est bien peu travaillé au niveau de leur visage, les tenues ont été très soignées, il n’y a qu’à voir notre personnage au visage quelconque profiter de cette tenue blanche teintée de rouge et de ces postures des plus classieuses pour s’en convaincre. Toute l’imagerie autour de l’aigle marche très bien pour donner cet aspect majestueux au personnage et à ses déplacements tout en ayant un symbole bien identifiable pour la suite de la saga. Pour les autres personnages, illustrant différentes civilisations historiques, le jeu reproduira très efficacement les codes esthétiques appropriés jusqu’à leurs tenues du plus bel effet et pas si souvent que ça représentés dans le jeu vidéo grand public.


L’OST composée par Jesper Kyd, qui s’était déjà distingué dans le milieu du jeu vidéo avec la saga Hitman, est tout à fait plaisante. Dès les premières petites notes chantées lors de notre première ballade en extérieur, les musiques m’auront surtout bien dépaysé tout en accompagnant assez bien les combats avec énergie, évoluant en temps réel a minima selon notre indicateur d’alerte… Des bruitages et jingles très caractéristiques sont également ajoutés à des actions récurrentes avec beaucoup d’efficacité et de pertinence, pour un bilan sonore très solide, à l’image du bilan technique et esthétique global, en est-il de même pour le reste ?



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆



Après un prologue très dirigiste, les environnements du jeu seront très ouverts, nous indiquant sur les maps de très grande taille une multitude de quêtes possibles qui donneront accès aux quêtes principales une fois qu’une grande partie de ces missions seront effectuées, nous amenant ainsi à des phases de Beat Them All, de parkours et d’infiltration se succédant et se mêlant. La proposition en elle-même est alléchante, surtout à une époque où ces mécaniques n’étaient pas si récurrentes dans les AAA, puisque c’est la saga Assassin’s Creed qui sera pour beaucoup à l’origine de leur popularisation.


Le système de combat se présente comme technique et complexe avec coup léger et coup fort, saisie et projection, esquive et contre… s’étoffant au fur et à mesure pour se renouveler quelques peu. Il s’avère aussi assez difficile à prendre en main avec une même touche pouvant faire 3 ou 4 actions différentes parfois selon notre posture ou si l’on verrouille ou non un adversaire, une ergonomie qui aurait mérité d’être revue sur certains points. Toutefois, une fois la prise en main effectuée c’est tout de même assez technique et élaboré, la principale limite c’est que les affrontements se ressemblent énormément avec beaucoup d’ennemis très semblables les uns des autres et des techniques vite débloquées capables de nous sortir d’à peu près toutes les situations.


Le challenge viendra davantage par la multiplication du nombre d’ennemis et l’augmentation de l’importance des dégâts occasionnés par une seule attaque encaissée, ça marche bien mais c’est dommage que ça ne parvienne pas à se renouveler tant que ça avec les techniques inédites à débloquer, surtout vers la fin où les améliorations m’ont paru quasi-inutiles. Il manque peut-être un mode de difficulté facultatif assistant moins l’exploration et donnant plus d’importances aux indices, acquis lors des quêtes annexes. Celles-ci s’avèrent finalement très dispensables tant le jeu assiste le joueur de telle sorte à ce que l’on ne voit pas trop l’intérêt de se prendre la tête.


On sent bien qu’ils ont mis de côté certaines mécaniques prévues que l’on ne verra que par la suite de la saga, le trailer en images de synthèse et également cinématique d’introduction présente notamment une arbalète qui brille par son absence en jeu. D’ailleurs, quelques bugs un peu gênants peuvent se produire, il m’est arrivé de perdre un combat pour un objectif annexe, de recharger la séquence et en revenant sur les lieux de la quête annexe les combattants adverses avaient disparu et il me suffisait de valider la quête, un peu curieux. Ça renforce l’idée selon laquelle le jeu n’a pas été aussi abouti que ça, finalement même cet aspect-là bien connu de la saga par la suite était présent dès le premier épisode, ça ne l’excuse pas pour autant.


Si l’idée de mécaniques de furtivité originales comme se fondre dans une foule ou dans le décor est assez séduisante de prime abord, les phases d’infiltration manquent cruellement de finesse à cause du fait que les planques et options de dissimulation sont justement très balisées avec ce concept de social stealth. Pour chaque mission d’infiltration, où le moindre repérage ennemi entraîne l’échec, on sent un parcours optimal pour progresser de cible en cible et ce n’est pas très palpitant manette en main, heureusement ces séquences sont rarement imposées. De plus, la nécessité de recharger une mission en réinitialisant les positionnements ennemis est un peu lourde, comme lorsque des cadavres ennemis mémorisés rendent impossible ces missions d’infiltration (l’alerte est donnée en boucle sans qu’on ne puisse rien y faire).


Les phases de parkours ne sont pas sans quelques imprécisions et lourdeurs, quelques déplacements de rebord à rebord peu pratiques, certaines impasses en pleine ascension un peu frustrantes, une appréciation des distances de saut pas toujours parfaitement cohérente, une vitesse de déplacement ressentie parfois lente malgré le sentiment d’urgence... Néanmoins, elles sont globalement plutôt réussies, d’autant que la concurrence ne brillait pas spécialement sur cet aspect-là à l’époque, il suffit de voir celles d’Uncharted 1 sorti la semaine suivante. On retrouve quand même beaucoup de moments où le parkours est fluide et plaisant sur une certaine distance, même en dehors des séquences de jeu prévues explicitement pour ça.


Si le jeu est assez généreux en contenu, entre 15 et 20 heures de jeu sans même tout faire, les objectifs très répétés et proches les uns des autres, annexes mais aussi principaux, constituent finalement une durée de vie en grande partie superficielle. Quelques améliorations statistiques justifient l’effort pour faire tout ce contenu annexe, mais ça reste assez léger. Le bilan ludique est donc parsemé de bonnes idées à l’exécution finalement un peu bancale au goût d’inachevée, le tout dans un contenu finalement trop dense pour son propre bien, scénario et narration auront finalement un potentiel et des défauts assez proches de cela.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆



On ne peut reprocher au scénario d’Assassin’s Creed de reposer sur un concept a minima recherché, celui d’un personnage dont on force à voyager dans le temps pour incarner un lointain descendant pour y découvrir des secrets du passé tout en se nourrissant d’un imaginaire complotiste. Assez bien caché dans la communication officielle pour surprendre le joueur, ce concept s’accompagne de quelques idées subtiles exploitant bien ce voyage dans le temps mais surtout, plein d’éléments purement ludiques deviennent intra-diégétiques par le concept de l’Animus (respawn, temps de chargement, murs invisibles…). C’était déjà assez malin en soi mais c’est aussi la justification toute trouvée de l’utilisation d’un langage moderne dans un contexte historique qui en devient donc anachronique à bien des égards sans que ça ne soit problématique.


La thématique de l’histoire, de comment elle est restituée, du recul que l’on doit prendre en fonction de nos sources d’informations… en est assez bien exploitée également, ça donne une certaine profondeur au propos central. Présenté d’abord comme impulsif, brutal et arrogant, Altaïr est un protagoniste introduit comme l’antithèse de ce à quoi l’intrigue veut aboutir : le respect d’un code d’honneur dans ses actions, le libre-arbitre et la réflexion sur le sens de ces actions… Ce n’est pas très subtil mais le fil conducteur a le mérite d’être clair et c’est pas inintéressant du tout pour un premier épisode de se concentrer à introduire ces thématiques centrales et cet univers de Credo donnant son nom à la franchise.


Pas mal d’efforts ont été fait pour servir l’immersion dans l’univers malgré tout ce qui sert à rappeler constamment qu’on est dans un jeu vidéo dans le jeu vidéo : les réactions des PNJ pour souligner l’aspect bizarre de nos déplacements s’il y a lieu, l’allure de ces PNJ en fonction du rang social dominant de tel ou tel quartier… C’est un petit peu mis à mal par quelques phrases copiées collées d’un PNJ à un autre pour les quêtes les plus secondaires, de grosses facilités à se dissimuler, la noyade au contact de l’eau… mais c’est pas grand-chose. Ce qui m’a déjà plus dérangé comme facilité scénaristique, c’est que les factions ennemies sont diabolisées au possible en martyrisant la population locale constituée de foules d’innocents reconnaissants à notre égard pour un massacre en pleine rue, peu en adéquation avec les principes du Credo.


Un même schéma narratif répété une multitude de fois rend une grande partie de l’intrigue assez monotone à suivre même si les twists, préparés tout du long, s’enchaîneront vers la fin pour faire monter les enjeux, récompenser le parcours psychologique d’Altaïr… La fin en queue de poisson est assez décevante et le symbole d’une franchise qui n’attend qu’à être prolongée, le petit secret pour découvrir des informations supplémentaires sur ce background aide à patienter mais la fin reste trop abrupte à mon sens. Qui plus est, l’absence de sous-titrage est un petit peu incompréhensible et nuit à l’accessibilité de la VO sans raison, elle qui respecte un peu plus les accents et peu compter sur pas mal de guests, heureusement les doubleurs français compensent assez bien pour qu’on ne se sente pas trop lésés.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Pas encore le grand succès commercial et critique qu’il sera très rapidement, Assassin’s Creed regorge dès ses premiers pas de promesses très intéressantes : ses magnifiques décors historiques à l’exploration vertigineuse, son agréable mélange des genres Beat Them All / Plates-Formes / Infiltration, son concept narratif original et pertinent, l’allure classieuse de son protagoniste… Le potentiel est là et ne demandait qu’une suite plus aboutie afin de s’exprimer pleinement, ce qui arrivera 2 ans plus tard, mais ce premier opus est déjà loin d’être déméritant quand bien même il n’est pas encore à la hauteur des attentes qu’il avait engendré.

damon8671
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le 2 juil. 2020

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damon8671

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