Remedy, c’est le genre de studio avec qui j’ai une relation étrange : un peu comme Ninja Theory, leurs productions sont à la fois marquantes et très perfectibles. Ils n’ont jamais vraiment été sous les feux des projecteurs, n’ont jamais pulvérisé les scores de Metacritic, et pourtant leur jeux sont souvent inoubliables. Alan Wake, par exemple, proposait une narration fabuleuse et des ambiances extraordinaires mais souffrait d’un gameplay terriblement répétitif. Quantum Break osait des pouvoirs de manipulation du temps et des scènes totalement surréalistes, mais sa narration était très perfectible malgré une véritable série live intégrée au jeu entre chaque niveau. En bref, Remedy, c’est un studio qui avait tendance à s’emballer dans ses ambitions pour accoucher d’un rejeton séduisant certes, mais toujours un peu cassé. Mais ça, c’était avant : avec Control, il semble bien qu’ils aient réussi à cocher toutes les cases.
Control raconte l’histoire de Jesse Faden, jeune femme à la recherche de son frère dans les locaux du Federal Bureau of Control (FBC), une organisation gouvernementale de recherche, d’enquête et d’expérimentation autours des phénomènes paranormaux. Lors de son arrivée, Jesse constate vite que le FBC a succombé à l’influence du Hiss, une entité maléfique prenant peu à peu possession de tous les membres du bureau. Et le reste n’est pas racontable : la plume de Sam Lake n’est pas du genre à livrer ses secrets facilement. Le bougre multiplie les personnages, les situations oniriques, les indices cryptiques et les scènes WTF pour obtenir une expérience pas toujours limpide mais absolument mémorable. C’est la première qualité de Control, celle qui était attendue car habituelle chez Remedy : sa qualité d’écriture. Signalons rapidement qu’elle est parfaitement soutenue par une réalisation à la hauteur, avec une mention spéciale pour les fantastiques ambiances lumineuses et la direction artistique très « béton brut post moderne ».
Mais la surprise en revanche, c’est que le gameplay est, pour une fois, parfaitement calibré et tout à fait jouissif. Au fur et à mesure de sa progression, Jesse va développer des pouvoirs spéciaux : télékinésie, vol, possession ou bouclier, entre autres joyeusetés. Et autant le dire tout de suite, il sera très vite nécessaire de les maitriser et de les utiliser judicieusement, car l’adversité ne pardonne aucune faiblesse ni aucun temps mort. Oui, contre toute attente, Control est difficile. Il nécessite de rester en mouvement en permanence, de varier ses attaques, de prendre des décisions et d’utiliser le bon pouvoir au bon moment. Et, une fois cette maitrise acquise, c’est le pied : tout est parfaitement réglé et c’est un vrai plaisir de prendre par à ce ballet chaotique et destructeur (le jeu est « physiqué » dans tous les sens) dont on est le chef d’orchestre. Ajoutons que, contrairement à ses prédécesseurs, Control est un jeu en monde ouvert et qu’il adopte le système des combats semi-aléatoires, un peu à la manière d’un RPG japonais old-school. Il est donc possible de grinder pour améliorer son personnage et se construire un build sur mesure. Et histoire de donner encore plus de grain à moudre aux complétistes de tout poil , Control n’est pas avare en loot de modificateurs, aussi bien pour le personnage que pour les armes, et il dégueule de missions secondaires assez interessantes pour qui veut creuser le lore.
Globalement, Control, en plus de proposer un scénario passionnant, est donc largement plus riche et généreux que les précédentes productions du studio, aussi bien en termes de gameplay que de contenu (comptez une vingtaine d'heures, en prenant le temps d'explorer un peu). Il n’est bien évidemment pas exempt de défauts : les versions consoles peuvent s’avérer un peu souffreteuses si l’action se fait trop intense, et l’animation des personnages est clairement en retrait par rapport au rendu des décors, mais dans l’ensemble il est évident qu’on est ici en présence, non seulement du meilleur jeu de Remedy, mais aussi probablement d’un des meilleurs third person shooters sortis en ces dernières années. C’est tant mieux pour Remedy, qui revient sur le devant de la scène de manière amplement méritée, et c’est tant mieux pour les joueurs.