Cela fait maintenant plus d'une année que la fin de l'œuvre atypique d'Hideo Kojima hante encore mon esprit ... Une année entière où l'obsession laisse place à une autoréflexion non documentée sur un des thèmes m'ayant transcendé au travers d'un jeu vidéo.


Une œuvre clivante au sein de l'industrie vidéoludique


Avant de revenir sur les raisons personnelles hissant Death Stranding au rang de chef-d'œuvre atypique, il est nécessaire de revenir sur l'incompréhension procurée à un nombre hallucinant de joueurs. Avant d'être un jeu, Death Stranding est Hideo Kojima. Cette incarnation personnifiée des créations de l'homme crée une attente totalement démesurée. Car si une partie des joueurs saisissent les propos véhiculés au travers des jeux vidéo, une autre partie intègre uniquement la dimension ludique de ces médiums. Death Stranding est une victime idéale pour cette dernière frange des joueurs tant parcourir cet univers s'assimile à une corvée.


De plus, la renommée de Kojima au travers la saga Metal Gear Solid a matérialisé une seconde attente. En offrant au monde les MGS, le créateur de génie a supplanté un nombre incalculable de studio en créant une production hors de son temps sur PlayStation 2. Les qualités de jouabilité ou de mise en scène supplantaient dès lors tout ce qui existait à ce jour sur les consoles de jeux vidéo. Sans pouvoir plus m'y attarder au vu de mon ignorance sur le sujet, l'écho du premier Metal Gear Solid résonne encore aujourd'hui auprès des fans.


Ces expectatives d'obtenir une création mêlant l'innovant à une excellente échelle ludique ont accouché d'un enfant réclamant son nouveau hochet fabriqué par Kojima. Le résultat fut douloureux lorsque l'objet de ces attentes s'est révélé être un voyage spirituel aussi éprouvant qu'angoissant.


Une expédition nocive


Les thématiques au sein de Death Stranding abordent une multitude de sujets. Au travers de l'individualisme, de la création de liens ou encore de la paternité, l'œuvre véhicule des messages éprouvants heurtant les personnes sensibles à la lecture qu'elles en feront. Tout est une question d'interprétation, s'il est clair que la paternité est le sujet prédominant, d'autres matières présentes perturberont le joueur. Ma lecture s'est attardée sur le point de la relation père-fils. Ce lien incarne l'intégralité du parcours effectué par le héros en bousculant inévitablement ses sens. Par extension, une personne émotionnellement instable à ce niveau risque de prendre un coup de massue.


Les missions du héros se résument à devoir effectuer des livraisons d'un point A à un point B accompagné d'un bébé servant de radar à ennemis. Le nouveau-né constitue le seul compagnon d'infortune partageant les moments de peine ou de joie de notre personnage. Si l'empathie s'empare de vous, vous serez inexorablement attiré dans un vortex sentimental par rapport au bambin devenant une figure infantile à protéger. Le héros s'imprègne de vous ,et vous, vous imprégnez de lui. Cette interprétation ressentie me revient alors en plein visage comme une relation inexistante de prime abord dans ma vie personnelle. Tel un manque à combler par le prisme du jeu vidéo s'étirant à ma réalité. Cette approche paternaliste bouche un trou de ma vie à la rustine en mettant à jour les points noirs.


Une rédemption inatteignable


Tout en restant obscure sur ma vie, je me devais d'exorciser mes démons en exposant à vif mes blessures. Death Stranding a agi comme une parabole de l'inévitable, comme un déclique que je ne pouvais comprendre uniquement via les médiums artistiques. Anesthésié par le paradigme protecteur du père, je l'éprouvais comme une corrélation existante dans toute famille nucléaire, bien qu'irréelle dans la mienne. En projetant ma cure au sein de l'art vidéoludique apportée par la production de Kojima, je corrigeais lentement l'exégèse de ma vie. Sans porter Death Stranding au statut de thérapie, il a été un réflecteur de mon esprit. Mettre à nu des états d'âme inavoués a permis des corrections intérieures. En positionnant mon père comme une personne non dévouée pour sa famille, je composais avec une erreur fatale de mon existence. En développant plusieurs axes scénaristiques, l'aventure entreprise dans Death Stranding a révélé l'inavoué du rôle de père lorsque celui-ci semble pourtant si lointain. Même en étant absent ou négligé, une autre vision explorée par l'épopée démontre que la fonction de patriarche s'apparente à une guerre jusqu'à parfois s'éloigner de l'essentiel. Jusqu'à parfois oublier son propre rôle et se détourner inéluctablement de son humanité pour endosser un statut ingrat. Car même si un père apparait comme cruellement à l'écart, il est parfois bien plus proche que ce que notre être ne le pense.


Malgré cette nouvelle compréhension, il est malheureusement parfois trop tard pour dépasser ses aprioris. Le temps nous laisse une bien trop courte période d'autoréflexion. La mort nous rattrape et nous accuse de ne pas avoir compris, de ne pas avoir réussi à dépasser ses limites. Mais les regrets demeurent, ils nous rappellent que même si le voyage prend la forme d'une expédition nécrosée, l'arrivée vous laisse face à vous-même.


Le pardon


Au bout du compte, cette introspection initiée depuis une année m'amène à penser que personne ne revêt une culpabilité certaine. Les torts, dans toutes les relations, se partagent au travers  différents aspects souvent ignorés par notre psyché. Sans pourtant s'annuler, les griefs se contrebalancent à un degré d'intensité variable pour finalement s'absoudre. Car à notre échelle, nous avons toutes et tous des amplitudes d'amertumes divergentes. L'essentiel restera de se pardonner soi-même et de pardonner l'autre.


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le 7 avr. 2021

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