Dragon's Crown
7.4
Dragon's Crown

Jeu de Vanillaware Ltd., Atlus et NIS America (2013PlayStation 3)

Personne ne lancera un nain, mais le nain les lancera tous

Après avoir excellé dans un genre que je rangerai davantage du côté de l’Action-RPG en 2D avec des titres fabuleux comme Odin Sphere ou Muramasa The Demon Blade, Vanillaware et son président George Kamitani change un peu leur formule pour passer davantage sur un mélange de Beat Them All 2D, à la manière d’un Street of Rage ou d’un Golden Axe, jouable jusqu’à 4 joueurs dans la même équipe mais avec toujours une forte composante RPG. C’est un mélange des genres qui me faisait un peu peur pour ne rien vous cacher, tant ces styles de jeu ne me paraissent pas vraiment compatibles, à noter que je n’ai pas encore fait Guardian Heroes à l’heure où j’écris ces lignes. Je vous propose de découvrir ce que j’en ai pensé au cours de cette critique en écoutant le sublime thème Adventurer's Guild, que l’on entendra très souvent en jeu.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 9 / 10



Si Vanillaware a déjà prouvé tout sa maîtrise sur la question de la direction artistique dans des styles pourtant très différents de par leurs précédents titres, il renouvelle l’exploit d’aboutir à un esthétisme que je qualifierai très modestement de magnifique, tout en ayant sa propre identité parmi les jeux du studio. Les décors répondent à une certaine diversité environnementale en s’inscrivant dans une logique heroic-fantasy classique mais efficace et on sent bien un soin du détail dans beaucoup d’éléments au premier-plan en combinaison très souvent d’un arrière-plan que l’on ne peut s’empêcher d’admirer plutôt que de traverser.


Mais c’est surtout le chara-design, comme souvent avec ce studio, qui m’a plus que bluffé avec beaucoup de personnages jouables d’une classe folle, ma préférence allant pour le nain, dont on peut en plus légèrement modifier l’apparence, très utile pour distinguer plusieurs persos de même classe dans une équipe. Il n’y a que la magicienne qui me pose un peu problème vis-à-vis d’une physionomie dont Lara Croft serait jalouse, l’exagération rend l’allure tout simplement grotesque, surtout avec les animations pourtant très réussies la plupart du temps, qui sont ici juste de mauvais goût. Ce détail mis à part, encore une fois j’ai adoré ce chara-deisgn.


Mais peut-être encore plus que les personnages, ce sont les boss qui m’ont grandement impressionné. Souvent de très grande taille, ils en imposent surtout de par leur apparence très soignée et stylisée par les graphistes et plus on avance dans le jeu mieux c’est en plus. Parmi les moments que je retiendrai le plus dans le jeu, la découverte de certains d’entre eux sera l’un des plus forts. Dommage que l’un d’eux soit spoilé dès les premiers instants de la cinématique d’intro mais en même temps j’étais bien content qu’il ne soit pas que dans l’intro quand je l’ai découvert.


La composition musicale de Hitoshi Sakimoto, habitué des productions de Vanillaware, est tout aussi magnifique que la direction artistique visuelle, sachant dégager une ambiance forte d’un environnement ou intensifier un combat de boss. J’adore le thème que l’on entend à chaque fois qu’on répartit ses points de compétences à la guilde des aventuriers, tellement épique, même si ce n’est pas forcément là qu’on attend une telle musique. Par contre, pour le sound design je chipoterai un peu, parce qu’il le faut bien, en le disant peut être un peu chaotique quand plein d’ennemis sont pris dans un enchaînement de coups et se mettent tous à crier de douleur en même temps, sinon pour les doublages anglais et japonais il n’y a rien à redire, ils sont impeccables.


Sur le plan technique, bien évidemment les AAA de 2013 sont bien plus impressionnants que Dragon’s Crown, qui est également sorti sur Vita en parallèle de la Playstation 3, c’est normal étant donné les moyens du studio et si ce n’est pas spectaculaire, la technique du jeu est très satisfaisante et sa version Pro sur PS4 l’est d’autant plus. En dehors de quelques reproches mineurs et personnels, je trouve que le bilan technique et esthétique de Dragon’s Crown, autant d’un point de vue visuel que sonore, est fabuleux.



GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10



Si l’on peut jouer six personnages différents, on peut bien adopter six styles de jeu différents, et ça c’est la première grande force du gameplay. De plus, chaque personnage n’a pas qu’une seule façon de jouer et on ne pourra pas s’attribuer des points de compétences à tout va, ce qui offre une richesse et une personnalisation très appréciables en combinaison d’un dynamisme en accord avec le genre Beat Them All 2D auquel le jeu se rapporte. Les combats de Dragon’s Crown en ressortent très funs et défouloirs tant les mobs souffriront sous nos coups faciles à sortir grâce à une bonne ergonomie (à l’exception de la sélection des runes pensé pour le tactile de la Vita mais osef un peu).


Ils le sont peut-être même un peu trop, faciles à sortir, avec un challenge qui n’apparaît que vers la fin, avec des boss très bien pensés qui demandent un peu de réflexion, de préparation et de coordination, et le New Game +. Car s’il ne faut que 15 heures pour voir le premier ending, comptez-en beaucoup plus pour voir le véritable ending avec une part de recyclage qui a ses justifications et ses lacunes. Même au premier run de 15 heures, chaque niveau aura une version alternative assez différente et plus difficile avec ennemis et boss inédits. Pour moi, il n’y a pas trop de recyclage à ce niveau-là car les variations sont importantes et comme la première version du niveau est assez courte, ça ne dérange pas vraiment d’y retourner.


Les quêtes annexes finissent par contre vraiment par donner dans le remplissage pur et simple avec des quêtes fedex sans grand intérêt et des énigmes parfois frustrantes, seuls l’attrait de l’expérience et du butin à la clef (qui rendent la progression a minima addictive bien sûr) et le déblocage d’un magnifique artwork inédit par quête finit par motiver, et pas jusqu’au bout en ce qui me concerne, certainement pas la qualité de la quête en elle-même. Si on ajoute à ça la première fin qui nous dit de refaire une bonne partie deux autres fois pour avoir le vrai ending qui n’a finalement pas grand chose de plus que le premier, il y a un soucis de durée de vie artificielle qu’il aurait mieux valu éviter à mon sens.


Pour information, j’ai fait l’intégralité du jeu en coop local avec un ami, Francisravage, je ne l’ai pas essayé en solo de mon côté. Pour être honnête, les qualités du jeu ne se retrouvent pas tant dans l’expérience coop en elle-même dont les mécaniques ne tirent pas vraiment avantage en dehors de quelques boss mais la répétitivité des situations de jeu étant telles que combattre à 2 dans ce Beat Them All / RPG 2D est un excellent moyen je pense de mieux apprécier toutes les grandes qualités du titre. Et puis il y a le friendly fire qui est désactivé dans la ville pour quelques moments de baston amicale qui valent aussi le coup.


Parce que si le contenu du jeu n’a peut-être pas l’homogénéité et la fluidité que je lui aurait voulu, il n’y a rien de rédhibitoire à ce niveau non plus et le gameplay reste de très bonne qualité avec un maniement riche en possibilités et quelques situations de jeu originales et bien pensées pour diversifier l’aventure dont la répétitivité est vraiment un soucis vers la fin du jeu, non avant. Du coup, selon votre définition du jeu fini, le jeu sera plus ou moins répétitif ad nauseum mais dans tous les cas il devrait vous distraire efficacement un assez bon moment tout de même.



SCENARIO / NARRATION : 7 / 10



A contrario des 5 personnages jouables d’Odin Sphere par exemple, tous les personnages vivent ici le même scénario, sans aucune variation en dehors d’un très court ending en diapositive spécifique à chaque personnage. De plus, l’histoire est ici parfaitement linéaire du début à la fin sans jamais que l’on puisse l’impacter autrement qu’en la faisant avancer. Au premier abord, ça me déçoit quand je pense à la narration absolument fabuleuse dont le studio a déjà été capable par le passé mais avec le recul je me dis que ce n’est pas si grave et qu’on peut faire de belles choses aussi de cette manière, et c’est le cas ici.


L’intrigue est assez classique : protéger une gentille princesse jusqu’à son accession au trône, récupérer un artefact magique mystérieux de grande importance et préserver le royaume du chaos en empêchant de vilaines bêtes d’accomplir leurs méfaits. Mais ça passe plutôt bien avec des phases de dialogues jamais bien longues et toujours bien narrés par un simili maître du jeu doublé par la voix de notre choix, à savoir celle d’un narrateur dédié ou celle de l’un des 6 personnages jouables. C’est assez appréciable de retrouver une personnalisation à ce point ici.


Autre chose que j’ai bien aimé, ce sont toutes les petites références amusantes faites à d’autres œuvres dont on ne s’attendrait pas du tout dans un tel jeu, ça va d’une petite souris magicienne avec un chapeau sur la tête de la même couleur que dans Fantasia, à un petit lapin blanc des plus agressifs en guise de grande menace à la manière de Sacré Graal... Ça s’imbrique très bien dans une intrigue qui ne se prend pas excessivement au sérieux et qui peut tout à fait se permettre ce genre d’excentricités.


De plus, les quêtes annexes sont l’occasion de découvrir des artworks nous en apprenant un peu plus sur tel personnage, tel type d’ennemi, tel boss... et si ce sont souvent des petites histoires sympathiques à lire, quelques unes offrent un petit degré de relecture à certains passages, génèrent un peu d’émotion... C’est donc de qualité tout en restant à sa place de petit bonus pour qui voudrait en savoir plus sur l’univers parcouru et les événements vécus, ce ne sont pas des éléments indispensables pour comprendre la trame principale qui même en anglais reste très accessible. À noter que la version PS4 a le bon goût d’être traduite en français, un effort que je salue au passage.


Après, s’il y a quelques petits rebondissements, tout ça se déroule sans grande surprise ou moment de grâce d’un point de vue strictement scénaristique. Il n’y a pas de personnage attachant qui meurt sous nos yeux, pas de sacrifice héroïque qui nous laisse la larme à l’œil, pas de nuances inattendues dans les motivations d’un antagoniste... C’est un scénario qui se suit sans mal, qui fera rire ou surprendra légèrement de temps en temps, ce qui n’est pas très ambitieux mais qui reste maîtrisé et assumé de la part des développeurs.



CONCLUSION : 8 / 10



George Kamitani et son équipe confirment, comme s’ils en avaient besoin, tout leur talent pour proposer une direction artistique absolument splendide dans un Beath Them Alll 2D / RPG qui réussit peut-être un peu plus modestement son gameplay et sa qualité d’écriture, limités par un recyclage trop important, une linéarité trop prononcée... mais qui les réussit tout de même honorablement. Peut-être pas l’œuvre la plus mémorable du studio mais tout de même une très bonne pioche pour les joueurs de chez Sony.

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le 12 oct. 2018

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damon8671

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