Firewatch est un jeu qui a tout pour me plaire : une palette de couleur absolument magnifique, des graphismes non réalistes mais à couper le souffle, une bande son discrète et efficace... et une menace inconnue.
D'emblée le jeu présente une narration forte, basée sur des petits-riens lourds de conséquences, des choix quotidiens et somme toute assez banals pour qu'on les fasse d'abord sans y penser et puis qu'on réalise, en avançant pas à pas, à quel point ils deviennent lourds.
Henry, vécu à la première personne, est un personnage dont le physique n'est apparent que par moment, via une photo et plusieurs dessins. On se sent bien dans sa peau d'ours sarcastique, un peu coupable, très blessé. On se sent rapidement très à l'aise à parler à la radio, à échanger avec cette voix sans corps qui s'appelle Delillah, qui a une haleine de tequilla, loin, de l'autre côté de la montagne.
Il y a aussi cette ombre qui se trimballe, qu'on croise furtivement, qui agit d'une façon irrationnelle, mais pas en permanence. Cette ombre qui nous questionne : jusqu'à quel point sommes-nous paranoïaques ? La menace existe-t-elle ? A-t-on rêvé ?
Firewatch est assez linéaire et court, c'est le seul reproche que j'ai à lui faire. Rien n'oblige le joueur à aller d'un point A à un point B bien que clairement, ce soit ce qui est attendu. Faire des ballades "inutiles" permet de rallonger la durée de vie du jeu et de profiter pleinement des lumières et des paysages sans tomber dans la course à l'intrigue. C'est aussi le récit d'un été de sollitude, un moment hors du temps, éphémère par essence, qui commence à se consumer alors même qu'on le vit.
En regardant avancer le feu de forêt et apocalypse dans son décor on se sent en permanence entre plénitude et angoisse, seul et suivi, seuls bien qu'à deux, dans le passé et dans le présent. Quand sonne l'heure du départ, on garde en tête un ensemble de chemins confus, quelques très belles lumières et sans doute une bonne dose de rêve de "ce qui aurait pu être".
On décide de partir, ou on reste. Quoiqu'il en soit, quelque chose de nous reste, c'est certain.