Firewatch m'a laissé un sentiment que je retrouve souvent dans les films indépendant américans. C'est beau, les personnages et l'univers sont attachants au possible, mais… tout ça pour quoi au final ? Et surtout pourquoi un jeu vidéo, plutôt qu'une BD ou un film ?
Car Firewatch n'est pas vraiment un jeu. Il s'agit plus d'une façon de dérouler une histoire. Au lieu de tourner les pages, on avance dans le monde. Aucun choix, aucune façon de perdre. On choisit où on regarde et voilà. Alors si c'est une histoire, c'est le scénar' qui déchire ? Pas vraiment non plus. Le thème est vraiment bien senti, très original pour du jeu vidéo. Maintenant, cette base est juste massacrée :
La démence de Julia et l'abandon de Henry sont presques relegués à l'arrière plan, la partie base secrète/enquête tombe un peu comme un cheveux sur la soupe etc.
Qui plus est, plutôt que de rester sur une base de drame psychologique, le scénario part dans l’insupportable interprétation ouverte de l'enquête policière. Allez faire un tour sur YouTube pour voir le nombre de théoriciens qui essayent de reconstruire la vérité à partir des bribes volontairement laissées par les dévs. Coincidence ? Je ne crois pas !
Ce n'est pourtant pas ça qui m'a accroché à Firewatch, car j'ai bien été pris par ce récit que j'ai dévoré d'une traite, malgré tout. Ce jeu dégage un sentiment plus vague très prenant. Cette façon de vouloir laisser des choses derrière soi… de se rendre compte qu'on est pas le seul à chercher à faire ça. Le final est pour ça génial.
Un grand feu pour tout oublier ? Non pas vraiment, on repart avec les mêmes problèmes qu'on avait en arrivant, joueur comme personnage. Le lieu a permis de s'ouvrir à l'autre, via cette petite radio, Henry et Delilha ne vont pas résoudre leur problèmes ensembles. Chacun sa merde.
L'immersion est bien sûr portée par la réal, sublime : écriture, acteur, paysages, musique etc. Ça a été dit et redit : c'est un cran au dessus de ce qu'on peut voir habituellement… dans le jeu vidéo.
C'est là que le jeu devient vraiment aussi frustrant qu'intéressant. Finalement, qu'est-ce que le médium apporte ? Le fait de pouvoir regarder où on veut ? De pouvoir prendre le PQ et l'admirer ? D'avoir le petit album des ses photos à la fin ? Rien de tout ça ne parait bien excitant. Pourtant force est d'admettre que l'immersion est assez différente d'une BD ou d'un film.
Et là je reste sur ma faim… beaucoup. Le fait que le jeu soit si scripté tue un des intérêts principaux du l'univers virtuel : faire avancer l'histoire au rythme que l'on veut. J'aurais voulu avoir la possibilité de passer les 30 jours à observer les oiseaux, me balader et boire du whiskey au coucher de soleil-plutôt que les voir sauter en avance rapide. C'est là que le jeu sur le sentiment d'oubli aurait été vraiment sympa.
Firewatch n'est pas vraiment un produit fini, plus un concept, une recherche… et une démonstration de force aussi. D'un côté le jeu met la barre très haut en terme d'univers, de profondeur des personnages, sur les registres que peuvent attaquer le JV. De l'autre, c'est avant tout un objet inutile qui sert à mettre des dévs prodiges en avant, en mode «Tu l'as vu mon gros talent ?». Superfitiel ? Un peu oui, mais il n'y a pas de fumée sans feu (HA HA). Et si on obtenait si ce niveau de réalisation et cette qualité scénaristique dans un jeu aussi vaste qu'un The Witcher ou un Shen Mu ? Où en gardant le format court (qui convient bien au vieu que je suis) mais avec des choix beaucoup plus durs ?
Le liste des jeux de ce genre va grandir, Firewatch n'est d'ailleurs le premier, au point que le genre lassera, un peu comme les films de Sundance. Mais Firewatch laissera une empreinte sur les productions futurs… en tout cas je l’espère !