FRÉNÉSIE, CONTEMPLATION ET SYNESTHÉSIE.

FURI est un jeu vidéo indépendant français réalisé par "The Game Bakers", studio de développement lyonnais.J'ai eu ouïe dire de l'existence de ce jeu grâce à un de mes amis qui m'a signalé sa gratuité sur le Playstation Network (peu de temps après sa sortie.) Un jeu typé action, dans une vibe "arcade" et rétro Doté d'une esthétique lui rappelant l'anime Afro Samurai... Il s'était dit que ça devrait me plaire. Et il avait raison. Mieux que ça même, il ne s'était pas rendu compte de cela à l'époque mais sa recommandation ciblée était parfaitement adaptée à votre serviteur!

"THE JAILER IS THE KEY."

Tout commence dans une prison, le personnage que l'on incarne se fait torturer. Il a été emprisonné pour une raison inconnue. Le geôlier responsable de ces sévices répétés est cruel. Il semble prendre plaisir à infliger de la souffrance... Les chocs électriques s'interrompent, notre héros perd connaissance pour finalement être réveille par un être mystérieux. Affublé d’un maque de lapin en peluche, ce sauveur providentiel nous libère de nos chaines. Il nous explique avoir également été enfermé ici et veut notre aide pour faciliter son évasion. Mais d'abord il va falloir vaincre le tortionnaire!

"Le Geôlier est la clé. Tue le afin de regagner ta liberté!"

Furi est un ce qu'on appelle un "Boss Rush". Le terme de "Boss Rush" est utilisé dans le jeu vidéo pour décrire des séquences où le joueur est forcé d'affronter plusieurs boss à la suite au sein d'un même niveau. Souvent ce genre de passages se situent un peu avant la fin du jeu, en préambule de l'affrontement contre le boss final. Les phases de "Boss Rush" étaient monnaie courante dans les beat'em all 2D présents dans les salles d'arcade des 80s. Cependant on trouve toujours ce genre de séquence chez les "descendants" de ces jeux mythiques. (Devil May Cry, Bayonetta etc...) Depuis lors, le "Boss Rush" est également devenu un sous-genre à part entière avec des expériences de jeu dédiées à ce principe. L'exemple le plus connu (et certainement le plus réussi) est le chef d’oeuvre de Fumito Ueda : Shadow of the Colossus!

Voilà ce qu'est Furi! Le héros va devoir s’échapper et parcourir une dizaine de niveaux, chacun d’entre eux contenant un boss à affronter.

"EXCELLENCE IS NOT AN ART IT'S AN HABIT.
WE ARE WHAT WE REPEATLY DO."

Furi est un jeu d'action unique en son genre. (En "ses genres" il faudrait dire! :)) A l'image d'un NieR : Automata, les séquences de gameplay contiennent donc plusieurs genres au sein d'une même phase de jeu! On se déplace dans un espace 3D avec une vue du dessus et des commandes de base qui peuvent rappeler les "Twin Stick Shooters" (Hotline Miami, Ruiner...) Combat à distance à l'aide un fusil mitrailleur laser. Combat rapproché avec le katana. Système d'esquive qui combine également un dash (multi-directionnel, convertissable en "strafe"). On peut charger les tirs, les dash et les frappes au sabre... Cet arsenal de mécaniques vous sera bien utile pour tenter de survivre aux affrontements! Les boss ont plusieurs phases et comme d'habitude chaque phase correspond à des patterns spécifiques. Là où c'est stimulant; c'est que le jeu met constamment le joueur à l'épreuve, en variant énormément les séquences. Bataille rangée au corps à corps, gunfight à distance, anticipation des attaques de l'adversaire (et utilisation de la solution appropriée) "janken"... il y a même des phases durant l’affrontement (appelées par la communauté du jeu " Desperation Phase") où le jeu se transforme en "Bullet Hell"!

Ça va très vite et il faut vite comprendre comment réagir sinon on meurt en deux deux! D'ailleurs, on meurt beaucoup dans ce jeu. Comme dans un Souls-like, Furi met énormément l'emphase sur l'apprentissage et la progression. Ce qui est facilité par un excellent procédé de "continue" Si vous échouez, dans un premier temps vous perdez une barre de vie, celle de l'adversaire remonte et on repart pour un tour direct. Par contre ça marche dans les deux sens! Videz une barre de vie à l'adversaire et vous retrouvez l'intégralité de la votre! Le but du jeu est de vider toutes les barres l'autre par étapes... Vous avez l'avantage de pouvoir progressivement récupérer l'intégralité de vos barres là où l'adversaire ne le peux pas complètement. Si vous enlevez une barre à l'adversaire, il se retrouvera à -1. Puis à -2 etc... Mais bon les Boss ont tous entre 5 et 9 barres de vie là où nous n'en avons que trois! Quand même! Stratégiquement, le jeu encourage à recommencer, encore et encore. A bien gérer ses barres, celles de l'ennemi et s'adapter aux phases dont la difficulté ne fait que croître lorsque l'on approche de la victoire. C'est excellemment désigné, bien pensé et le tout est d'une limpidité de compréhension remarquable.

FRÉNÉSIE, CONTEMPLATION ET SYNESTHÉSIE.

Bien qu'étant un pur jeu d'action ultra frénétique, Furi possède des moments de calme! Un aspect contemplatif et narratif à été intégré afin de faire la transition entre chaque niveau. Ça se résume à explorer une zone en "ligne droite" avec une mise en scène imposée par le jeu. Pendant ces séquences, notre compagnon d'infortune (que les crédits du jeu nomment "The Voice") nous donne des éléments de l'univers ainsi que des informations précieuses sur le prochain combat. Cela pourra en rebuter certains mais j'ai trouvé cette initiative plutôt réussie. L'immersion est totale et les angles de caméra choisis sont élégants et très souvent classes.

En ce sens la direction artistique du jeu est un des gros points forts de Furi. Une esthétique à mi-chemin entre le post-apocalyptique, le space opera, la fantasy et le cyberpunk! Le responsable du character design est Takashi Okazaki. C'est à lui que l'on doit le manga Afro Samurai (mon pote qui m'a parlé du jeu avait l’œil!) Chaque personnage du jeu est très soigné, on pourra regretter un peu que les graphismes du jeu ne fasse pas tout à fait honneur aux artworks à tomber par terre du mangaka, mais ça claque quand même! Le protagoniste ressemble un peu à Afro en effet, avec un design plus futuriste, plus épuré. L’apparence de “The Voice” peut également évoque le personnage de Jinno. L’antagoniste d’Afro Samurai arbore en effet un masque de peluche tout comme le narrateur de notre aventure. Le fait que Takashi Okazaki soit impliqué dans un projet de ce genre est grisant et cela donne vraiment envie de voir son travail utilisé dans d’autres jeux.

Autre point très important concernant Furi, sa bande originale! L'OST a eu l’audace de regrouper la fine fleur de la scène synthwave française! The Toxic Avenger, Danger, Carpenter Brut... Des artistes internationaux ont aussi répondu à l’appel dont Lorn, Waveshaper... Les développeurs ont misé sur cette scène qui était déjà très liée pour plein de raisons à l'univers geek. Thèmes d'ambiance éthérés, thème de combat qui s'adaptent en fonction de certains moments... La musique consolide l’expérience Furi et lui permet de former un tout cohérent. L'univers prend vie grâce à ces sons électroniques froids et lancinants et fonctionne particulièrement bien pendant les passages contemplatifs. La synesthésie est à son maximum et permet de faire corps avec la quête du héros.

2016 fut une belle année de jeu vidéo! Furi en est le jeu le plus marquant à mes yeux. Et même 4 ans après, il reste d'une solidité à toute épreuve. Exigeant , élégant, intransigeant cette oeuvre reste malgré tout accessible au plus grand nombre notamment grâce à différent modes de difficulté mais surtout grâce à son game design. "Hard but fair!" comme le disait la promo du jeu de Shinji Mikami "GOD HAND"...

Une telle démarche se doit d'être encouragée et mise en avant car il est de plus en plus rare de voir des projets de cette qualité dans l'industrie. C'est un produit local "made in France" en plus donc on va pas se priver!