Chauve Against the Machine

Après deux volets extrêmement réussis, le reboot de la licence Hitman achève sa trilogie en ce début d’année 2021. Reprenant les mêmes mécaniques que les épisodes précédents, Hitman 3 ne propose que des améliorations mineures en termes de gameplay, préférant de nouveau tout miser sur son level-design et, fait intéressant, sur son histoire.

En effet, élément secondaire d’Hitman (2016) et Hitman 2 (2018), le scénario prend dans Hitman 3 une importance assez sérieuse, impliquant de manière plus directe l’Agent 47 et sa coéquipière d’oreillette Diana Burnwood. Sans surprise, c’est un ratage en règle, la faute notamment à une narration aux fraises et un manque global de rebondissements faisant peine à voir. L’histoire est avant tout un prétexte à faire varier les situations de jeu (Berlin, Mendoza, Carpates) plutôt qu’un réel atout artistique et/ou émotionnel. La dernière mission illustre à merveille ce naufrage assumé, avec ce train-couloir qui aura de quoi rappeler les heures les plus sombres d’Absolution et son dirigisme proverbial.

Heureusement pour le jeu toutes les missions ne sont pas dans le même cas, et ce sera à Dartmoor, Chongqing ou encore Dubaï qu’Hitman 3 se révèlera aussi ingénieux et jouissif que ses deux prédécesseurs. Les intrigues, moins nombreuses, apparaissent également moins comme un simple moyen de trucider notre cible une fois qu'elles sont terminées, requérant désormais de la part du joueur une implication supplémentaire pour arriver à ses fins. Les moyens d’assassiner en provoquant des accidents notamment sont moins évidents que par le passé, et nécessitent une part non négligeable de déduction à partir d’indices glanés un peu partout sur la map, dont il nous appartient de les remettre dans le bon ordre afin de saboter quelque luminaire instable ou une sortie en parachute aux normes de sécurité douteuses.

Plus largement l’univers dans lequel évolue 47 est toujours aussi vivant et comique (les répliques cinglantes de notre divin chauve n’étant pas étrangères à cela) et offre une latitude dans l’exécution des missions (ou des contrats) tout à fait remarquable. Le level-design demeure une leçon d’excellence, quoique commençant un peu à se répéter (gouttières et rebords m'ont paru plus faciles d'accès…). L’introduction des pavés numériques et des systèmes à pirater via le smartphone de 47 sont des nouveautés intéressantes bien qu’un peu gadget. Tout cela offre beaucoup de liberté et le challenge sera toujours aussi rude pour terminer une mission en « assassin silencieux en costume » au niveau de difficulté le plus élevé.

Niveau graphismes il n’y a rien à redire, même sur old gen le jeu est fluide, et a gagné en finesse dans les reflets et les effets de lumière. La bande-son, toujours aussi grisante, bénéficie de nouvelles compositions très réussies. Il me semble d'ailleurs que le sound-design est devenu plus dynamique, permettant de nous informer à l'oreille lorsqu'on entre dans une zone hostile ou jouant un thème dramatique lorsque l'on se faufile derrière des gardes à leur insu.

Le plus gros reproche que l’on peut faire à Hitman 3 est le caractère inégal de ses 6 destinations. 4 d’entre elles ne possèdent aucune intrigue, et les missions Escalade de certaines sont bloquées derrière le paywall de l’édition Deluxe. Un comble quand on se souvient des innombrables missions du même genre dans Hitman et Hitman 2, gratuites celles-là. Pour les possesseurs de ces deux jeux, leurs missions sont rejouables sur le même compte afin d'harmoniser au maximum vos stats et votre progression. Inutile de dire que le sacrosaint 100% aura de quoi vous tenir en haleine pendant plusieurs centaines d'heures au bas mot.

Je conseillerais donc avant tout Hitman 3 à ceux qui ont aimé les deux premiers. Pas à n’importe quel prix cependant, je dirais 30€ maximum étant donné la qualité déséquilibrée du contenu et le verrouillage de certaines fonctionnalités derrière des micropaiements. Plus largement tout amateur de jeu d'infiltration y trouvera son compte, qui plus est quand on sait la relative rareté de ce genre dans les jeux récents. Une expérience addictive, mais intrinsèquement en-dessous des deux premier épisodes.