Refaire Blood Money en 2018 est une expérience en soi. Ce qui frappe immédiatement, c'est sa rigidité et son maniement contre-intuitif (notamment cet horrible menu de sélection de l'équipement). On pourrait mettre cela sur le compte de l'âge, mais ce serait un peu hypocrite : déjà à l'époque, je me souviens à quel point cela me frustrait. Blood Money est comme ça. Pourtant, le réduire à ce genre de choses, ce serait passer à côté de ce qui fait qu'il est encore considéré aujourd'hui par beaucoup comme le meilleur jeu d'infiltration de tous les temps.


Le pitch, je m'en souviens plus bien, et j'ai allègrement passé les cinématiques durant ma partie. Ce n'est pas important : au-delà du scénario, il y a tout un méta-récit qui est construit jusque dans le menu du jeu. Directement, on le sait : l'agent 47 est mort. Et l'on va nous raconter ses derniers exploits, ou plutôt, le peu qu'on en connait, c'est à dire pratiquement rien, puisque 47 relève plus du mythe que du personnage réel, et que tous ses assassinats sont accomplis sans laisser de trace. Le ton est posé : le joueur est mis au défi d'être à la hauteur de la légende. C'est d'ailleurs sans doute le Hitman où j'ai tenu le plus à atteindre le rang de silent assassin (même si je crois l'avoir atteint dans tous les opus tant je les ai faits et refaits).


La narration de Blood Money se construit donc surtout à travers l'expérience du joueur, ce qui est très bien, vu que les possibilités d'action sont immenses. Chaque meurtre peut se commettre de tas de façons différentes. Si on a moins d'assassinats scriptés, comme ceux d'Absolution (c'est marrant à accomplir, il faut bien le reconnaitre), on a justement beaucoup plus l'impression de créer son propre chemin. Comment assassiner ce cheikh récalcitrant ? Je pourrais le faire sortir sur la terrasse en l'appelant et le sniper, mais j'ai oublié de sélectionner le sniper au briefing. Le sniper au pistolet ? Ca marche pas, trop loin. Lancer une bombe télécommandée sur la terrasse ? Trop loin aussi. Me déguiser en l'un de ses gardes du corps ? J'ai essayé, les autres gardes me refusent quand même accès au cheikh. J'aurais pu me déguiser en la personne qu'il doit rencontrer, sauf que j'ai assassiné celui-ci dans un ascenseur et que du coup c'est un poil captant de le dépouiller de ses vêtements. Au point où j'en étais, j'étais prêt à massacrer la moitié du casino pour finir la mission (flemme de la restart pour mieux la gérer), mais rien à faire, beaucoup trop de gardes. En désespoir de cause, j'ai caché une mine dans la valise de diamants qui constituait un juteux objectif secondaire, je l'ai jetée par-dessus le paravent qui protège le cheikh, et, j'ai été faire exploser ça en me cachant dans un coin. Étonnamment, ça a fonctionné. J'aurais pu me déguiser en serveur, aussi. J'aurais pu attirer l'attention des gardes ailleurs pour aller discrètement assassiner ma cible. Mais ma solution avait son cynisme à soi, je trouve. Imaginer la cible voir la mallette de diamants qu'il était venu chercher lui tomber dessus du plafond, et se faire cribler le corps de centaines de pierres précieuses à cause de l'explosion avant d'avoir pu réagir, ça m'a coûté un objectif secondaire, mais ça m'a semblé une vengeance adéquate tant j'ai essayé de manière infructueuse de finir ce meurtre.


C'est l'expérience de Blood Money. Il y a une implication subjective du joueur terriblement importante. C'est moins accomplir la mission le mieux possible qui compte que de choisir la façon la plus personnelle de le faire.


Je pourrais vous parler des heures de son univers burlesque, de son élégance infinie, du soin apporté à ses graphismes et à sa musique (qui varie d'ailleurs selon la façon dont vous remplissez la mission). Mais c'est là-dessus que j'ai envie d'insister : Blood Money, c'est un jeu qui met le joueur au centre de tout, plus encore qu'un sandbox par exemple.

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le 16 juin 2018

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Antevre

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