Le grand drame de L.A. Noire, ce n'est pas tant son développement douloureux, sa longueur un peu écœurante ou sa répétitivité. Son drame vient du fait qu'il ne fait jamais assez confiance à son médium, au risque de perdre le joueur.
En quelques mots, le problème de L.A. Noire, c'est qu'il ne sait pas ce qu'il est. Allez même, soyons francs deux minutes, ce jeu a le cul entre deux chaises comme je l'ai rarement vu dans un jeu vidéo.
D'un côté, L.A. Noire aimerait beaucoup être un film. Ça, c'est la partie qu'il réussit.
Une réalisation d'enfer
Il n'y a qu'à voir son casting d'acteurs professionnels, le soin du détail apporté à leur jeu facial : c'est pas compliqué, on voit les personnages avant tout. La technologie utilisée pour animer les visages force encore le respect 5 ans après, mais elle ne fait pas tout. Les acteurs sont eux aussi très doués.
A côté de ça, l'ambiance du L.A. des années 50 est sacrément bien retranscrite. Aaah, la Cité des Anges d'après la guerre, celle où pullulent gangsters, trafics et magouilles, celle où n'importe quel type peut appeler toutes les filles qu'il croise Princesse sans se prendre une tarte, celle où le rêve américain est déjà gangrené par l'avarice et la soif de pouvoir... J'avoue, c'est quand même quelque chose.
Quant à l'histoire : vous suivrez l'ascension de Cole Phelps, ancien marine promu pour d'héroïques actions contre ces salauds de Japs, reconverti comme inspecteur au sein de la police de Los Angeles. Vous suivrez ses succès et ses échecs, tandis que vous lèverez le voile sur ce que la Cité des Anges a de plus sordide. Au programme : gangsters, trafics d'influence, trafic de morphine, meurtres passionnels, et bien plus encore. Pas dégueu.
D'un autre coté, L.A. Noire reste un jeu vidéo. Et vient vous rappeler cruellement qu'un jeu vidéo, c'est avant tout une affaire de gameplay et d'immersion. Si Tetris arrive encore à être intéressant aujourd'hui, il doit bien y avoir une raison.
Un jeu qui souffrirait presque d'être un jeu
L'immersion d'abord : elle est excellente. Quand Cole Phelps et Rusty Cole partent enquêter dans leur auto rutilante sur ce meurtre dont un détail semble leur échapper, au son d'un doux morceau de jazz, j'avoue que je ne me lasse pas de contempler la ville et le train-train de ces habitants, tout en écoutant la conversation de nos deux loups de mers... Jusqu'à ce que ce couillon de Rusty décide de se garer sur un banc. Et comme, évidemment, les bancs ne sont pas des places de parking, il recule... pour se prendre une bagnole. La classe américaine. Ah et salut immersion, c'est gentil d'être passée !
Quant aux phases de gameplay : Enquêtes, chasse aux indices, interrogatoires, courses-poursuites, fusillades. La vie d'un inspecteur du LAPD, quoi. Miam.
Sauf que, point essentiel : pour qu'un jeu soit intéressant, il faut qu'on ait la possibilité de perdre. Parce que, je sais pas vous, mais quand on me donne 5 étoiles alors que je n'ai fait que suivre une succession de directions, sans prendre en compte ce que j'ai fait, j'ai quand même la grosse impression d'être un gosse à qui on veut faire plaisir.
La partie enquête d'abord : sur le papier, elle promet. C'était la force du titre, ce qui devait le démarquer du reste. J'aurais pu lui pardonner les répétitions, si ces phases de jeu avaient été bien faites. Mais elles restent d'une grande simplicité, et ne font que gratter le potentiel qu'elles auraient pu avoir.
Pro-gamer tips :
- Pour les indices, baladez-vous sur une scène de crime jusqu'à ce que
la musique du mystère mystérieux se lance, et vous en avez trouvé un.
- Pour les interrogatoires, attendez que le personnage prenne une tête
de menteur, typiquement en se grattant le nez ou en regardant par la
fenêtre, et foncez : le bougre ment, c'est sûr !
Simpliste et dommage, parce que ces phases sont prenantes, et les comédiens bons. Il suffit de voir une vidéo de bêtisier pour se rendre compte que la technologie utilisée permettait bien plus que ce que l'on voit dans le jeu.
Bon, me direz-vous, reste l'action. La partie fusillade, tiens. Elle doit être bien, c'est un Rockstar. Oui, mais non, elle n'est pas bien. C'est mou, ça cumule les clichés du genre, et c'est vite oublié : des dizaines de jeux le font mieux. Et la partie course-poursuite ? Assez sympa, mais souvent longue et toujours sans véritable enjeu.
A retenir
- Ambiance +++ : Sweet L.A, you must have been a wonderful city.
- Difficulté + : Vous ne pouvez pas perdre, et vous n'aurez globalement
pas beaucoup de phases à refaire.
- Gameplay ++ : Y avait de l'idée, dommage que l'exécution ne suive
pas.
- Graphismes +++ : Une grosse claque au niveau des visages. Le reste
est très joli, mais pas transcendant non plus.
- Scénario ++ : Une fois que vous aurez accepté le fait que vous
regardez un film, l'histoire se laisse suivre.
- Rejouabilité + : Hum... Quand les forces du titre sont l'histoire et
l'ambiance... Autant dire que ça ne se renouvellera pas trop à la
réinstallation.
L.A. Noire part avec beaucoup d'ambition. Mais il se pose lui-même des barrières avec des mauvais choix de gameplay, ce qui revient très vite pourrir ce qu'il fait bien. L.A. Noire balade Cole Phelps d'enquêtes en enquêtes, de fausses pistes en fausses pistes, jusqu'à le faire craquer. Mais en le faisant, il laisse derrière celui qu'il est censé balader et questionner : le joueur.
Voilà mon souci avec toi, L.A. : tu as ton idée à toi, tu vis ta vie, et tu me laisses sur le carreau. Quitte à me laisser sur le carreau, c'était pas la peine de me demander de venir.