La frilosité caractérise la production vidéoludique actuelle. Ses idées, ses mécanismes - même ses méthodes de promotion - reposent sur l'idéal caduc de tenter de ne surprendre personne. Et ainsi, chaque semaine, des produits calibrés comme celui-ci sortent sur nos étals. Ils n'ont rien de remarquable mais sont réalisés de manière somptueuse. Ils empruntent plus qu'ils ne créent mais sont censés divertir malgré leur aspect déjà assez désuet. Ils sont, en somme, de purs produits.


C'est d'ailleurs leur fonction : ils ne sont pas censés réinventer quoi que ce soit, juste tenter d'appliquer les saveurs du moment à un produit porteur afin de réaliser un profit. Telle est la loi du marché et elle est inflexible. Ce qui nous amène à ce titre réalisé par Monolith Productions. La compagnie pouvait autrefois se targuer d'être l'une des plus grandes fabriques à FPS de l'histoire vidéoludique moderne. Leurs jeux étaient sauvages, intelligents, mais surtout hautement plaisants dans leur gameplay. Un mélange rare qu'il est encore dur de voir de nos jours tant la discipline tend à s'aseptiser. Et les voilà soudain responsables après deux jeux anecdotiques - un MOBA Lord of the Rings et un FPS F2P basé sur Batman - de devoir marier Arkham Asylum et Assassin's Creed dans un mélange sans grande personnalité.


Commençons par Talion votre Aragorn/Boromir du pauvre. Comme tout bon personnage d'heroic-fantasy impavide le type est : immortel, vengeur, doté d'un lourd passé et - cerise sur le gâteau - habité par une puissance mystique d'une importance "cruciale" au reste de l'univers bâti par Tolkien. Soit, c'est un personnage de jeu vidéo aux traits repiqués à droite et à gauche; cela n'a rien de grave. Le fait qu'en mouvement il soit un mélange d'une version inférieure des déplacements Templiers d'Assassin's Creed et de la capacité de combat de Bruce Wayne laisse un peu dubitatif. En tant que joueur vous serez en terrain familier ce qui n'est certes pas toujours déplaisant. Mais en tant que consommateur avez-vous vraiment envie de continuer de manière inlassable à valoriser la théorie de l'effort minimal? Celle-là même qui permet déjà à des compagnies dont c'est l'invention de vous noyer sous les versions "toujours plus mieux" des mêmes jeux année après année? C'est à vous de voir. Pour moi, ce sera non.


L'on doit cependant remarquer dans l'ensemble un système novateur - pas forcément plaisant, hein, mais novateur. Le fameux "Système Nemesis" dont les vidéos de placement produit visibles sur internet font si bien l'éloge. Il est ici question de vous permettre d'influer sur la composition de la structure de commandement de l'armée de Sauron. Une idée qui a elle seule et encadrée par une vraie campagne solo - et non pas juste une suite d'objectifs lâchés de manière éparse sur une map open-world - aurait pu donner une réelle profondeur au titre. En l'état, il reste un système perfectible qui pourrait être repiqué par une autre équipe afin d'en tirer la colonne vertébrale d'un grand jeu. Ici c'est juste une bonne idée ensevelie sous un titre qui sans être mauvais - comment pourrait-il l'être, d'ailleurs, s'il emprunte aux classiques modernes de ces dernières années - n'a finalement aucune réelle personnalité. Or, rien que cette année, vous aurez deux Assassin's Creed à vous mettre sous la dent... avez-vous vraiment besoin d'un troisième car il prétend être peuplé de personnages vaguement inspirés du classique de Tolkien?

MaSQuEdePuSTA
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le 19 oct. 2014

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