Une liberté contrainte au service d'une plus grande fluidité

C’est cyclique, de temps en temps je relance les Sims. Le schéma classique étant que je passe quelques jours à déployer mes talents d’architecte pour ensuite très peu jouer avec les personnages parce que je m’ennuie, ce qui me permet de passer à autre chose et de remettre aux prochaines vacances mes velléités bâtisseuses. Bizarrement lors de ma dernière session dans les Sims 3 j’ai réussi à jouer un peu plus longtemps (ah le challenge représenté par la naissance de jumeaux, deux fois plus de difficultés quand ils sont bambins !) Est-ce lié ? Est-ce parce qu’EA proposait le jeu de base gratuitement sur Origins pendant quelques jours ? Sans doute un peu des deux, toujours est-il que j’ai dépassé mes réticences et me suis lancée dans les Sims 4.

Le jeu de base ne se suffit certainement pas à lui-même. Ça a toujours été plus ou moins le cas dans la série des Sims, mais la politique de morcellement conduite par EA atteint ici son paroxysme. Sans revenir sur les polémiques liées à l’absence des piscines ou des bambins au lancement du jeu qui ne sont qu’une des manifestations de la rétention de contenu opérée par l’éditeur, il y a clairement une stratégie commerciale de plus en plus détestable à l’œuvre sur la série des Sims. Si le modèle économique en vigueur sous les Sims 2 n’était pas parfait, il permettait tout de même de profiter du jeu décemment : ici, sans investir dans une extension / pack / kit d’objets (si la proposition ludique était aussi inventive que ce découpage de contenu…), il faudra se contenter d’un jeu au gameplay famélique, inachevé à dessein.

Ceci étant dit, je dois reconnaître que les Sims 4 ont quelques atouts par rapport aux Sims 3, qui restera néanmoins je pense ma version de référence pour jouer aux Sims (après avoir beaucoup râlé sur la sale tête qu’ils s’y payaient, au point de n’y avoir joué qu’en fin de génération… La découverte des sliders a bien réglé le problème, loués soient les moddeurs). La grosse amélioration, c’est bien sûr celle du CAS au chargement instantané. C’est fou de pouvoir à nouveau créer un personnage sans devoir s’assurer qu’on a une heure devant soi et se prévoir une activité annexe à chaque chargement ! Le système de modélisation du personnage façon pâte à modeler qu’on façonne en cliquant sur les zones qui nous intéressent est plutôt bien fichu, il me semble manquer un peu de précision par endroits mais je pense surtout qu’il faut que j’y passe plus de temps pour en maîtriser les subtilités. Gros coup de cœur pour les options de filtrage qui font réellement gagner du temps, c’est bien trouvé. La sélection de vêtements est assez sympa, bien plus contemporaine que dans les Sims 3 (dont les designs de vêtements et de meubles étaient, au mieux assez classiques, plus souvent d’un goût douteux – heureusement que les téléchargements permettent d’y remédier). Alors bien sûr je suis un peu perturbée par la suppression des options de personnalisation qui existaient auparavant (les Sims 3 c’est la libertééééé !) mais j’arriverai à m’y faire, avoir un choix limité permet aussi de passer moins de temps à tenter je ne sais combien d’accords de couleurs… (Je ne ferai probablement pas preuve de la même philosophie quand j’aborderai les modes achat et construction qui sont le nerf de la guerre !)

Je n’ai pas encore testé les styles prédéfinis mais ça me semble prometteur, les maquillages ne sont pas très convaincants mais ce n’est pas une surprise, la communauté permettra de régler cela. Choisir la démarche de notre sims est plutôt rigolo, je suis plus circonspecte sur l’ambition qui s’accompagne d’un trait obligatoire et sur les traits de caractère limités à 3, ça réduit la caractérisation du personnage. Après à voir, si leur incidence est plus poussée, pourquoi pas… On sent néanmoins que le cadre est plus contraint et cela me gêne déjà quelque peu. Les options de personnalisations sont limitées, tant sur le caractère que sur les vêtements et objets comme évoqué plus haut (j’imagine que c’est à ce prix que l’on obtient un jeu plus fluide), mais c’est le jeu dans son ensemble qui laisse moins le joueur l’utiliser comme un espace de liberté. C’en est fini du monde ouvert des Sims 3, on recentre l’action sur un pâté de maison. Les quartiers sont plus resserrés et offrent nettement moins de lots constructibles, ce qui me fait franchement tiquer (je joue dans un chouette monde téléchargé dans les Sims 3 – Enekjaer pour ceux que ça intéresse – qui est un petit monde mais qui avec sa trentaine de parcelles est très grand par rapport aux standards des Sims 4).

Le jeu même se montre plus dirigiste, nous assignant des objectifs à réaliser alors que l’intérêt des Sims réside justement dans la possibilité de construire sa propre histoire comme on l’entend. A la longue, je pense que ça risque de me fatiguer et de me faire assez vite abandonner le mode vie. L’ergonomie du menu n’est pas optimale d’ailleurs, sous prétexte d’épure on se retrouve avec des informations moins lisibles. Je ne suis pas fan de la caméra par défaut non plus, heureusement elle peut être paramétrée. Et puis il y a des abandons que je ne comprends pas vraiment, c’est dommage de ne plus pouvoir choisir le comportement que notre personnage adopte au travail (c’était un bon moyen de rebooster les barres sociales et amusement !) L’océan nous tend les bras dans certains quartiers mais on ne peut pas s’y baigner, quelle frustration… Sur bien des points, les Sims 4 régressent par rapport aux précédents opus et cela semble malheureusement motivé par une visée des plus mercantiles. Que le dernier addon sorti cette année se focalise sur les activités aquatiques et amène cette possibilité laisse assez peu de doute quant aux raisons qui ont motivées l’éviction de cette fonctionnalité… (Et encore apparemment il n’est possible de se baigner que dans la mer du monde inspiré par les îles du Pacifique, quelle frustration…)

L’intelligence artificielle me semble plus solide que dans les précédents opus, il faudra le vérifier sur la durée mais les sims m’ont paru un peu moins empotés. Avec une petite tendance à n’en faire qu’à leur tête et à snober les ordres de leur créateur mais c’est une autre histoire ! Il vaut mieux qu’ils évitent de se bloquer bêtement d’ailleurs parce que le temps s’écoule maintenant à une vitesse folle ! C’est pratique quand c’est la nuit et que tout le monde dort, mais le jour j’ai l’impression que l’action est trépidante et que mes personnages n’ont pas le temps de faire grand-chose. Je suis une fille lente mais quand même !

La direction artistique est assez chouette, j’aime bien ce petit côté cartoon qui sied bien à l’univers des Sims. C’est clairement elle qui me fait persévérer pour voir un peu plus ce que le jeu a à proposer.

Le mode construction souffle le chaud et le froid. Il propose des options intéressantes en offrant la possibilité de choisir la hauteur des murs et des fondations, de personnaliser les toits davantage, de créer des verrières ou encore de pouvoir ajuster plus facilement portes et fenêtres. Mais à côté de ça des fonctions qui semblaient pourtant basiques disparaissent : ne pas pouvoir assortir les fondations aux murs qu’elles soutiennent m’ennuie beaucoup, ça nuit à la cohérence architecturale d’une construction. Ne plus pouvoir retirer un élément ciblé en repassant dessus et en cliquant sur Ctrl est assez gênant. Et alors le système de pièces qui est censé nous aider à bâtir plus vite est surtout effroyablement casse-bonbons quand on veut modifier l’agencement auquel on avait pensé et qu’on n’est pas sur des pièces carrées ou rectangulaires.

Je ne m’extasie pas devant le mobilier proposé, en revanche les créateurs de contenu téléchargeable ont réalisé un travail admirable sur cet épisode, ce qui fait des Sims 4 l’épisode avec, à mon goût, la plus grande sélection d’objets externes valant le détour. Très clairement, c’est ce contenu qui me motive à construire dans les Sims 4 (sans ces ressources je n’aurais d’ailleurs même pas tenté de lancer le jeu et je serais passée à côté de cette génération des Sims). Parce qu’il faut dire que cet épisode se complait à opter pour des choix qui me font aller de désillusion en désillusion. Ainsi dans cet opus il n’existe pas de quartier téléchargeable, il faut se contenter de ceux conçus par Maxis. Je comprends que ce soit lié à la présentation très graphique de chaque quartier, l’environnement est présenté dans un style dessiné qui diffère du rendu en jeu, néanmoins il me semble qu’il aurait tout à fait été possible de développer un outil pour que des créateurs puissent élaborer leurs propres mondes, c’est un choix de développement de ne pas affecter de ressources à la création de cet outil.

Autre déception, la connexion Internet requise pour un certain nombre d’actions, et notamment la sauvegarde des sims et maisons que l’on créé. Merveilleuse idée pour restreindre le joueur encore une fois (oui j’ai un pc sans carte wifi et devoir tirer un câble Ethernet à travers tout l’appartement à chaque fois que je voudrais sauvegarder une création, non merci).

Les Sims 4 est donc un jeu plutôt joli mais qui est très insatisfaisant en tant que quatrième itération d’une licence qui avait su se renouveler à chaque nouvel épisode. Les Sims 2 avaient apporté la génétique et l’évolution des personnages à travers les âges, les Sims 3 le monde ouvert et les traits de caractère. En quoi les Sims 4 innovent-ils ? Je serai bien en peine de répondre à cette question tant les évolutions se situent à la marge. Pire, certains acquis se retrouvent éjectés sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. Combiné à une stratégie commerciale assez infecte, le jeu peine à convaincre et interroge sur le devenir d’une série arrivée à bout de souffle.

(Critique écrite en juin 2019 et oubliée dans un coin d’ordinateur, on fera comme si elle avait été postée à ce moment-là, depuis un nouveau disque additionnel est sorti… J’ai continué mon exploration des Sims 4 entre temps, par à-coups, et cela n’a fait que confirmer ces premières impressions, bonnes et mauvaises).