Life is Strange: Before the Storm par JipéF

Pas facile de passer derrière une réussite comme Life is Strange. Evocation à la fois tendre et sans concession de l'adolescence et du passage à l'âge adulte, le titre de DontNod avait clairement marqué des points dans ce qui était jusqu'alors la chasse gardée de Quantic Dream, l'aventure interactive à forte composante émotionnelle, et le dépassait même sur de nombreux points. Il n'est donc pas tellement étonnant que Square Enix tente de prolonger ce succès à la fois public et critique.

Mais surprise, ce n'est pas DontNod qui développe ce "Before the storm" en forme de prequel mais le studio américain Deck Nine, pas vraiment reconnu pour ces productions précédentes. Dès les premières secondes, ce curieux choix apparait toutefois évident : ces nouveaux développeurs sont de toute évidence très admiratifs du travail de DontNod, tant le titre est similaire dans le ton, le game design et la direction artistique. Choix multiples, personnages typés, journaux intimes, messages téléphoniques, histoires secrètes... Before the Storm est vraiment dans la continuité directe de Life is Strange, mais avec un peu moins de brio que l'épisode précédent, principalement pour deux raisons.

Premièrement, le découpage narration / interaction est souvent assez grossier, du type "va chercher cette objet (un sac à main, un cliquet, une clé de voiture...) et l'histoire pourra continuer". C'est certes souvent le cas dans ce type de jeu, mais c'est un peu trop visible ici, particulièrement dans la première demi-heure de jeu. Deuxièmement, la mécanique centrale de Life is Strange, la manipulation du temps, n'est plus présente. Normal, puisque l'héroïne n'est plus Maxine mais Chloé, sa future-ex-future meilleure amie, et que cette dernière ne dispose d'aucune faculté de la sorte. Pour compenser, une mécanique de dialogue agressif rappelant un peu les joutes verbales de Monkey Island mais en plus sages, a été introduite et permet d'influencer le déroulement de l'histoire. Pas inintéressant, mais bien moins appâtant que ce rewind si pratique pour tout explorer.

Heureusement, si le gameplay n'est pas à la hauteur de son modèle, le scénario lui est exempt de tout reproche et aurait parfaitement pu être signé par l'équipe d'origine. C'est donc sans effort de transition et avec beaucoup de plaisir que l'on se replonge dans l'ambiance si particulière de Arcadia Bay. Chloe n'est pas encore la punk que l'on connait, mais en prend sérieusement le chemin. C'est la fille que les parents du monde entier prient pour ne pas avoir, tant son comportement pose problème à son entourage. Mais Chloé va faire une rencontre qui va changer sa vie en la personne de Rachel. Ce premier épisode raconte le début de leur idylle. Il vise souvent très juste, avec des scènes touchantes et impliquantes que l'on vit un peu par procuration à travers cette ado rebelle en souffrance.

Bilan plutôt positif pour Deck Nine donc, qui relève le flambeau sans démériter mais sans briller non plus. Before the Storm se laisse jouer plutôt agréablement, même si la sensation de jouer les coursiers est un peu trop prononcée, en tout cas au début. Dommage également que l'évolution du gameplay soit si timide, Deck Nine jouant clairement la sureté plutôt que la prise de risque. Mais le travail est sincère et louable, suffisamment pour attendre le deuxième épisode avec impatience en tout cas.

-- Mise à jour après avoir fini les trois épisodes --
Pas de gros changement par rapport à la critique ci-dessus, mais il faut quand même signaler que, globalement, Before the Storm est un jeu qui se regarde plus qu'il ne se joue : le gameplay manque sérieusement d'interaction, et on se contente de faire des choix qui ont peu, voire pas d'impact sur la suite des événements. Evénements qui sont, par ailleurs, assez tièdes émotionnellement parlant. On est bien loin des pinnacles de l'opus original (notamment le mémorable final de l'épisode 3), même si l'histoire est quand même souvent touchante et se laisse jouer agréablement. Je baisse donc la note d'un point.