Quel bonheur de retrouver l'univers de Life is Strange ! Le plus grand mérite de Before the Storm est vraiment de renouer avec cette ambiance unique, propre à la série, faite de mélancolie adolescente aussi banale que viscérale quand on s'y projette, que ce soit par nostalgie ou quand on la vit encore au quotidien.
Bien évidemment, Life is Strange tombe parfois dans les clichés, au premier rang desquels cette obsession pour le dessin, la musique, et les drogues (à croire qu'on adolescent ne se définit et ne communique que par ces biais), mais la série capte un parfum propre à cette période de la vie, le paradoxe de l'insouciance couplé à la perception très nette du gouffre au bord duquel on se trouve, perception souvent irraisonnée mais bien réelle. C'est aussi une période charnière où l'on ressent presque inconsciemment que le lien que l'on noue avec certaines personnes est aussi vital que potentiellement éphémère.
Je trouve que Life is Strange réussit à retranscrire cela grâce à une écriture très fine de ses personnages qui deviennent instantanément attachants (Max et Chloé font partie des plus beaux personnages que l'on peut croiser dans un jeu vidéo), mais aussi et surtout grâce à toutes ces plages de calme, ces instants d'entre deux où l'on prend le temps de divaguer et d'explorer, fouiller et scruter les environnements, s'attardant sur des détails en apparence anodins mais qui en disent tellement. Le fait que le jeu prenne son temps et propose autant de respirations permet justement de démonter les clichés, en apportant de la nuance, de légères variations et subtilités aux thèmes que le jeu aborde, créant ainsi un univers très familier, très intimiste. Peu de jeux sont aussi proches de leurs personnages et, par extension, des joueurs.
Before the Storm renoue donc avec cette savoureuse alchimie. J'en suis le premier surpris. Je suis même à deux doigts de trouver cette préquelle meilleure que Life is Strange lui-même, pour la simple et bonne raison que les pouvoirs de Max y sont absents. Le scénario est encore plus centré sur ses personnages, et évidemment sur Chloé et Rachel - les rôles secondaires étant beaucoup moins importants ici, malgré quelques perso attachants comme Mikey, Steph (les deux geeks) ou Drew. Il y a une économie de moyens encore plus grande, et donc un récit encore plus ramassé sur lui-même.
Certaines choses auraient peut-être pu être améliorées. Rachel n'est pas très attachante au début, et la relation avec Chloé va peut-être un peu trop vite, de même que la fin peut être frustrante (j'aurais apprécié voir Jefferson, par exemple) et qu'Eliot est une sacrée tête de nœud, mais ces quelques réserves sont balayées par le déroulement de l'histoire, et surtout par le fait que le jeu est tellement bien écrit qu'il éclaire Life is Strange sous un nouveau jour. On comprend enfin à quel point Chloé est touchée par la disparition de Rachel car on peut vivre leur rencontre et l'intensité de leur relation.
Je suis étonné de voir à quel point Before the Storm s'imbrique parfaitement à l'histoire générale de la série, en retrouve le même esprit, notamment en faisant parcourir certains lieux connus (cette nostalgie à se balader dans la maison de Chloé ou sur le campus de Blackwell, mais aussi cette sensation de vide sans Max dans les environs !), et développe Chloé de manière à sublimer encore plus le personnage. Il est évident que c'est elle qui incarne Life is Strange, bien plus que Max finalement.
Le travail réalisé sur la cohérence du scénario et de l'univers est exemplaire. Je n'avais qu'une envie en finissant Before the Storm : relancer Life is Strange pour revivre le moment où Max retrouve Chloé, scène déjà marquante la première fois (une des scènes du jeu pour moi, j'en garde encore le souvenir intact) mais dont la résonance et la force se trouvent désormais décuplées par tout ce que l'on a vécu avec Chloé dans Before the Storm.