Metal Gear Solid
8.5
Metal Gear Solid

Jeu de Konami (1998PlayStation)

Un classique un peu vieillot, à l'identité forte

MGS a surtout eu du succès car à l'époque les jeux d'infiltration n'étaient pas très courants sur console. On oublie cependant de dire qu'un an auparavant, il y avait déjà "Tenchu", qui mettait en scène un ninja.

Qu'est-ce qui fait le charme de cet opus fondateur ? Indéniablement d'avoir reçu la patte de son créateur, Hideo Kojima, à chaque étape de son développement (comme le montre, de manière assez drôle, la récurrence de son nom dans les crédits de fin). Ce qui définit l'identité forte de ce jeu, c'est :

- Une intrigue très resserrée, qui rappelle beaucoup l'écriture de Masamune Shirow dans "Appleseed". Le scénario traite des enjeux de la dénucléarisation (les accords Start), mais aussi de la génétique (les virus utilisés comme arme, avec Fox Die), de la robotisation de la guerre (le fameux Metal Gear Rex n'est jamais qu'une sorte de gros mécha, comme l'avoue son créateur, Hal Emmerich, alias Otacon), des nanomachines. Il y a des encarts pédagogiques sur la difficulté de dénucléariser, sur les effets pervers des accords Start, etc... On trouve même des images de reportage et des extraits animés du jeu "Policenauts" créé par Kojima. Ce qui est fort, donc, c'est que l'intrigue ne se dévoile que progressivement, et repose sur un jeu de manipulations assez complexe pour perdre le joueur en route. Ce qui correspond bien à la mentalité mercenaire de Snake, au fond : même si je ne comprends pas les tenants et aboutissants, je vais mener cette mission jusqu'au bout.

- Un univers visuel fort, qui joue sur l'ambiance, allié à un level design très pensé. Prenons par exemple la salle où vous vous battez contre Vulcan Raven : une salle souterraine quadrillée de piliers, creusée dans le permafrost d'Alaska, avec un blanc bleuté scintillant féérique. Si vous y rajoutez les corbeaux menaçants, vous avez une belle ambiance. Les lumières et les couleurs sont travaillées : gris-vert dans le complexe du début ; gris et noir dans ce grand ascenseur en diagonale comme en comportent tous les bons mangas/jeux vidéos ("Akira", "Street of Rage 2", "Sin and Punishment"...), rouge du haut-fourneau, lumière orangée sur fond noir du combat contre Liquid Snake à la toute fin. Le jeu ne mise pas sur l'immensité : les décors de grande taille sont simples, les salles de taille moyenne sont plus fréquentes, mais possèdent plus d'éléments avec lesquels interagir.

- Il y a beaucoup d'interactions, sur lesquels je ne vais pas revenir car bien d'autres critiques l'auront sans doute fait avant moi. Celle qui me frappe le plus, c'est le rôle du Codec, cette radio interne que Snake utilise et qui affiche son visage et celui de son interlocuteur en vis-à-vis. Idée géniale, car entre chaque séquence on y revient, et de nouveaux dialogues sont disponibles. Les personnages avec qui vous parlez, que ce soit le colonel Roy Campbell, Meryll, Otacon, Natasha, Mei Ling ou le mystérieux (et trop rare) Deepthroat ont des fréquences particulières et se révèlent au fur et à mesure. Le niveau d'interaction psychologique me rappelle "Lunar", un vieux RPG un peu oublié. C'est à mon sens le gros point fort du jeu.

- Les boss charismatiques. J'ai rarement pris autant de plaisir à affronter sel un tank M1, un hélicoptère Hind, une tireuse d'élite, un psychokinésiste ; un as du colt ; un cyborg ninja adepte du combat à mains nues ; un shaman forcené aléoutien doté d'une mitrailleuse d'hélicoptère en guise de bras droit.

Passons aux points faibles, maintenant. Ne nous voilons pas la face : même si je découvre seulement maintenant ce jeu (j'aime pas l'infiltration, ça ne m'intéresse pas), je n'y rejouerai probablement pas.

- Les graphismes aux gros polygones, pour le joueur actuel, sont le plus gros obstacle. Mais je suis plutôt indulgent, et par rapport à la bouillie de pixels que peut être "Resident Evil", je trouve que MGS s'en sort bien. Pas de ralentissements observés, il y a juste des coupes un peu abruptes entre les différentes cutscene.

- Le gameplay et le système de jeu. Les fans vont me trucider, mais pas grave.
1 - D'abord les armes : le Socom ne sert quasiment pas, puisqu'on ne peut pas viser en vue subjective ; le fusil sniper a très peu de marge de visée en hauteur, et comme on ne tire qu'à plat ventre, on l'utilise fort peu car souvent l'arête d'une passerelle nous gêne. Pas possible, donc de dégommer un type qui patrouille quelques étages plus bas que nous. Les grenades Chaff et Stun mettent vraiment longtemps à exploser, je ne sais pas si c'est censé être réaliste, mais dans la bataille final contre le Rex, c'est odieux. Et last but not least, le système de lock-on des missiles Stinger est complètement aléatoire. En utilisant des savestates, j'ai essayé plusieurs fois de suite la même manoeuvre, avec à chaque fois des résultats très différents : soit le missile se locke immédiatement, soit je perds plusieurs secondes avant que le point se fasse. C'est proprement rageant.

2 - Le jeu est au fond assez linéaire, et les passages où il y a plusieurs manières de faire sont assez rares. J'ai fait tout le jeu sans walkthrough : c'est très intuitif, et à aucun moment je n'ai eu à réfléchir beaucoup. Il y a bien sûr le truc pour battre Psychomantis qu'on m'avait spoilé, mais en-dehors de ça, rien de bien surprenant.

3 - J'ai fait le jeu en normal, et le seul moment où j'ai galéré, c'était le combat final. Aucun problème de munitions, le jeu est parfois punitif mais pas tant que ça.


- Le scénario. C'est la grande force de MGS, mais au bout d'un moment, les spéculations sur qui manipule qui sombrent un peu dans le risible. Des phrases comme "Ou du moins c'est ce qu'ils croient..." sans plus de précision finissent par sentir un peu l'artifice. Je découvre juste cette franchise, je n'ai rien lu à côté, mais il y a tout de même une ou deux questions qui me tarabustent :
1 - pourquoi Solid Snake n'a-t-il pas l'air de connaître son frère, alors que ce que dit ce dernier sous-entend qu'ils ont grandi ensemble ?

2 - Pourquoi le Metal Gear explose-t-il, alors que d'après ce que disait Otakon, le but était de mettre hors-circuit l'ordinateur central ?

Surtout, l'ambivalence du jeu me semble assez putassière. D'un côté, on a un héros bien burné, inspiré de Snake Plissken : le dur à cuire, vétéran, las de tuer mais qui se raccroche à ce qu'il sait faire de mieux et n'a qu'un but : survivre dans un environnement hostile. De l'autre, le même héros dit que la guerre est absurde, immorale, laide. On ne cesse d'entendre pourtant les autres appeler Snake un héros, etc... Il le refuse complètement, mais c'est tout de même comme cela que le jeu le présente. MGS n'est pas le seul jeu à jouer ainsi sur les deux tableaux, mais il se la pète tellement au niveau scénar qu'on s'attendrait à autre chose qu'un simple dualisme, artificiellement dépassé dans une séquence de fin belle, mais assez stéréotypée (le couple part en motoneige, suivent des stockshots sur la beauté de l'Alaska).

En définitive, c'est un des meilleurs jeux de Playstation, parce qu'on sent qu'à tous les stades, Kojima était là pour apposer sa patte personnelle. En tant que jeu d'action, pour le joueur d'aujourd'hui il est cependant daté, simple et assez facile.
zardoz6704
8
Écrit par

Créée

le 25 août 2013

Modifiée

le 25 août 2013

Critique lue 249 fois

zardoz6704

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