Metal Gear Solid 4 est probablement celui qui a été le plus délicat à terminer, pour de multiples raisons. Pour beaucoup, cet ultime opus, d’un point de vue chronologique, arrive comme le premier faux pas de son créateur, et un argument indécrottable pour les détracteurs du bonhomme. Ce quatrième épisode est la symbiose entre l’aspect survie de MGS 3 et l’infiltration de MGS 2. Lors de sa communication, le maître mot était « No Place to Hide ». Ici, Solid Snake doit s’infiltrer en plein champ de bataille, et il y aura très peu de coursives ou d’éléments intérieurs. Le cœur du jeu réside dans son Octo-camo, capable de repérer l’environnement sur lequel se place Snake et de modifier sa combinaison. Une manière moins laborieuse de s’adapter à son environnement que de passer par le menu comme dans Snake Eater. C’est d’ailleurs intéressant comme Guns of the Patriots marque les prémices d’un gameplay bien plus dynamique mais sans l’adopter complètement : on pourra par exemple ramper sur le dos pour tirer plus facilement, mais les déplacements globaux sont encore un peu raides. Kojima pose ici le brouillon de ce que sera Metal Gear Solid 5.


Mais la grosse faiblesse du jeu, c’est sa structure globale. Découpé en cinq gros chapitres, le jeu se permet de changer d’environnement et de style de jeu bien trop souvent, cela mélangé à une volonté d’absolument tout expliquer et de conclure tous les arcs scénaristiques liés à Solid Snake, tout en utilisant les points de vue des épisodes du passé. Kojima s’est clairement perdu dans son hommage à la fan-base, en lui proposant tout ce dont il pouvait rêver pour en apprendre plus sur la mythologie de la série. Mais à force de vouloir trop en mettre, on se retrouve embourbé dans des enjeux et des cinématiques bien trop indigestes. Au lieu de faire plaisir aux fans en lui proposant un nouvel épisode frais et original, Kojima joue au fan lui-même et écrit une histoire qui a l’air sortie d’un univers étendu, pondu par un aficionado qui aurait voulu répondre à toutes les questions. Résultat : trop de cinématiques, même pour les amateurs, et finalement très peu de véritables séquences de jeu où on a la possibilité de profiter d’un gameplay qui avait tout à donner. Kojima étouffe le jeu et le joueur, ne le laisse pas s’amuser, et le force à suivre une histoire qui est censée lui faire plaisir mais qui a l’effet inverse.


Et ça se sent au travers des chapitres. Les deux premiers sont les « meilleurs », car ce sont eux qui proposent les séquences de jeu les plus solides. Le premier se déroule au Moyen-Orient et propose de s’infiltrer à travers les batailles entre les fameuses PMCs et les soldats du coin. Snake étant « neutre », le joueur aura donc la lourde tâche de s’infiltrer derrière les lignes ennemies, avec les moyens du bord. Le contexte est passionnant et fait même plonger la saga dans une optique plus réaliste et adulte. C’est d’ailleurs amusant de constater que Kojima n’arrivera jamais à se débarrasser de ses vilaines habitudes : alors que le sous-texte du jeu traite de sujets d’actualité, les lubies de son créateur fait qu’on aura droit à des situations burlesques virant même parfois dans la scatophilie (Johnny Sasaki, si tu m’entends). Le second acte déplacera le conflit en Amérique du Sud, en continuant d’ancrer l’histoire dans une réalité fictive somme toute froide, mais sans renier l’ADN de la série, et en proposant des personnages hauts en couleurs, comme le retour de Vamp ou les fameuses Beauty and the Beast, l’équipe de boss de cet épisode chargée d’arrêter Snake dans son avancée. La particularité de ces boss est un combat en deux phases, d’abord sous leur forme bestiale (qui sont une référence à l’ancienne escouade Fox Hound du premier opus) puis sous leur forme humaine. Kojima tente d’apporter un peu d’humanité avec ces personnages, mais leur représentation et leur utilisation un peu douteuse (on peut se retrouver à les photographier sous tous les angles dans une pièce spéciale) fait qu’on ne sait sur quel pied danser.


Les actes suivants ne seront malheureusement qu’un enchaînement de séquences de gameplay sans réel intérêt. L’acte 3 en Europe débutera sur une partie filature très vite redondante et très loin du génie du game design qu’on a pu connaître, avant d’enchaîner sur une séquence en side-car scriptée afin d’accentuer encore plus la mise en scène. L’acte 4 sera un hommage aux fans avec le retour à Shadow Moses (le lieu du premier opus) afin de multiplier les clins d’œil et les scènes d’anthologies. Mais le tout est parfois poussif, se servant du pathos du joueur pour le pousser à apprécier un scénario qui multiplie l’appel du pied au fan pur de la série. Et même au niveau du gameplay, si le concept de l’octocam marche bien dans l’absolu, ce quatrième épisode arrive rarement à proposer des situations qui usent comme il faut de ses possibilités, chose que Kojima a toujours réussie à travers les précédents épisodes.


Mais malgré ça, Guns of the Patriots n’est pas spécialement un mauvais jeu : son gameplay est solide, son histoire bien ficelée (dans l’ensemble) et le jeu tient la route graphiquement. C’est cette profusion de cut-scenes (même les fans hardcore de la saga s’accordent à dire qu’il y en a trop), cette volonté de vouloir ressortir à tout prix toute la mythologie de la saga et cette absence d’originalité dans les situations qui font que cet épisode n’atteint pas les sommets du reste de la saga. Et pourtant, Guns of the Patriots démontre parfaitement aux détracteurs de la saga que Metal Gear Solid n’est pas uniquement une série narrative. En laissant de côté la cinématographie de son gameplay et de ses situations au profit de cinématiques beaucoup trop nombreuses, on se retrouve avec un gameplay qui aurait pu donner d’excellentes choses mais qui n’a jamais l’occasion de briller, la faute à une histoire omniprésente. On a ici les prémices de ce que seront Peace Walker et Phantom Pain, mais qui est encore coincé dans les couloirs des précédents épisodes. Un jeu bâtard, indispensable pour l’histoire de la saga, mais qui manque cruellement de saveur et de génie. Dommage.

Cronos
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le 8 janv. 2016

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