Paper Mario et l'Origan Viking

J'avais peur en lançant ce nouveau Paper Mario. Peur parce que j'avais été un peu déçu par Sticker Star (et même Super Paper Mario, si si il est très drôle mais aussi très laborieux et pas si malin que ça), peur parce que les avis sur Color Splash et le crossover avec Mario & Luigi semblaient annoncer un déclin, peur aussi parce que je craignais un système de combat qui devienne lassant. Le début ne m'inspirait pas trop : le level-design en ligne droite était peu excitant, l'environnement du monde 1 assez banal et s'il y a bien plusieurs moments rigolos, je trouvais que l'aventure manquait un peu de punch comparée à d'autres épisodes plus riches en personnages secondaires. On doit sauver Peach en détruisant 5 serpentins dans 5 mondes, et ce qui distingue cet épisode d'un autre au niveau scénaristique c'est que les ennemis sont en origami au lieu d'être tout plats, ce qui n'est guère impressionnant même si l'intégration des fournitures de bureau dans le folklore est amusante.

Cette dernière appréhension a malheureusement tendance à se confirmer, l'histoire générale n'étant pas aidée par un méchant que l'on oubliera vite et qui est peu mis en valeur. Même Bowser est mis de côté, et ça c'est triste. Mais l'aventure se montre plus charmante que prévue, et ce sans même tenir compte de la charte graphique bien connue de la série. On le savait avant d'y jouer : la direction artistique est superbe et adorable, c'est une constante de la série. Les quelques villes à visiter sont vraiment belles, en terme de dépaysement on est servi. Les moments rigolos dont je parlais plus haut se poursuivent et font toujours mouche. Certaines blagues sont vraiment tordantes et je me suis surpris à poursuivre l'aventure avec bien plus d'entrain qu'au début et à en redemander. Les personnages secondaires sont peu nombreux mais les 10 000 toads rencontrés forment un joli numéro qui compense. Gros big up à la localisation française bourrée de jeu de mots idiots, c'est du bon boulot. Conformément à la tradition Paper Mario on trouve des références qui paraissent étonnantes dans l'univers de Mario comme une blague sur Kafka ou du West Side Story en papier mâché, c'est débridé et c'est ça qui est bon avec la licence.

Pour ce qui est de ce que l'on accomplit manette en main, ce n'est pas toujours pertinent mais ça passe mieux que ce que je craignais. Les séquences d'action hors arène sont peut-être un peu en trop car simplistes, les trous à reboucher plombent un peu le rythme et notre guide a trop souvent tendance à nous interrompre pour tout nous sur-expliquer (le drame du Nintendo actuel), mais les développeurs font de leur mieux pour varier les situations. Entre l'exploration à tiroirs d'un parc d'attraction et le pompage éhonté mais sympathique de Wind Waker, le jeu évite la monotonie en apportant toujours un petit quelque chose de différent à la manière dont on parcourt son univers.

Même les combats sont moins lassants que je ne le craignais. Il ne s'agit plus vraiment d'affrontements de RPG mais de casse-tête à résoudre. On doit trouver comment regrouper des ennemis en faisant coulisser des panneaux circulaires avec un temps et un nombre d'actions limité, il faut au choix les aligner (pour leur sauter dessus) ou les mettre en carré à proximité de Mario (pour les frapper au marteau). Si on réussit, on a les cartes en main pour éliminer les ennemis en un tour, sinon on se prend un peu de dégâts et on élimine le reste au tour suivant. Au début c'est inintéressant parce que trop simple, on n'a qu'un mouvement à faire et il crève les yeux. Mais ensuite on passe à 3 mouvements nécessaires et les puzzles peuvent se montrer sacrément corsés vers la fin. Le type des ennemis sert d'indice pour deviner lesquels doivent être regroupés ensemble et permettre de résoudre des casse-têtes parfois ardus sans partir de rien, ça c'est rudement bien vu pour guider le joueur discrètement. Quelques trouvailles relancent l'intérêt au fil du jeu : il faut mémoriser les emplacements de certains ennemis quand d'autres ne peuvent être vaincus qu'avec le saut ou le marteau, nécessitant de leur donner la disposition correspondante. Par contre ça devient peut-être un peu trop dur de trouver la solution à la toute fin qui finit par jouer sur l'absence d'indice : les types d'ennemis n'indiquent plus lesquels doivent être regroupés ensemble, on doit partir de zéro pour trouver la solution parfois complexe alors que le chrono est très léger, c'est aussi opaque que les énigmes de Baba Is You qui n'offrent plus de cheminement de pensée pour arriver à la bonne logique. On peut s'en sortir en achetant du temps supplémentaire ou même un indice avec les toads qui nous indiquent le premier mouvement à faire, mais parfois ça me rendait encore plus confus. Au pire on a ce qu'il faut pour ne pas mourir, mais c'est frustrant de devoir ainsi plier l'échine.

Les boss sont carrément bien vus, et avec juste le bon nombre pour ne pas devenir barbants et pour se distinguer des combats normaux. Cette fois les panneaux doivent être déplacés pour guider Mario à l'aide de flèches directionnelles vers les bonnes cases pour faire la bonne action face au boss, lequel a toujours un point faible précis à trouver. Il n'hésitera pas à mettre des obstacles sur le plateau qui s'appréhendent différemment à chaque fois et il faudra s'adapter à ses évolutions pour trouver quelle est la bonne attaque et le bon placement. Cela rend chaque boss véritablement unique et bien trouvé.

Le jeu est assez simple pour nous épargner les Game Over, à quelques passages de mort instantanée près, mais ça carbure beaucoup pour trouver la bonne combinaison de panneaux à déplacer donc le challenge reste présent. Je suis admiratif de Intelligent Studio pour leur capacité à bouleverser leur système de combat à chaque nouveau Paper Mario, c'est toujours à la fois innovant et pensé pour amener de la réflexion face aux boss. Parfois ça marche mal, par exemple les boss de Sticker Star induisaient des contraintes pénibles pour attaquer leur point faible, qui faisaient que l'on avait souvent besoin d'échouer une fois face à eux pour comprendre ce qui était attendu. Mais ces développeurs se décarcassent pour trouver de nouveaux systèmes et c'est exactement ce dont l'industrie vidéoludique a besoin.

Le principal problème de ce nouveau Paper Mario est finalement le même depuis quelque temps : ce n'est pas Paper Mario 2, ça n'en a jamais eu l'ambition. Ce n'est pas qu'une question de gestion des combats, l'un étant un RPG et l'autre une suite de puzzles qui ne fait qu'hériter d'éléments RPG, plus par soucis de préservation des gimmicks de la licence qu'autre chose. C'est aussi que là où le Paper Mario de la Gamecube faisait vivre une grande aventure garnie de nombreuses rencontres, celui de la Switch se montre bien plus sage, il n'a la vocation que d'être une promenade continuellement agréable et rigolote. C'est toujours dommage, on aimerait bien retrouver un jour un opus de cette envergure mais il va falloir passer à autre chose. Là c'est déjà le meilleur Paper Mario que j'ai fait depuis le 2e épisode (non je ne m'excuserai pas auprès de Super Paper Mario même si son passage chez le Geek surclasse tout). J'ai pris un grand plaisir à le parcourir même si ce n'était pas immédiat, et c'est déjà pas mal du tout.