Les Saints, le gang aux couleurs flashy et aux manières exubérantes, opèrent un retour fracassant.

Dans le monde du jeu vidéo, certaines licences semblent intouchables tant la maîtrise de leurs concepteurs peut paraître écœurante à d'éventuels concurrents ou suiveurs. Pourtant, certains studios talentueux persistent à emprunter les traces de prédécesseurs prestigieux pour mieux s'en éloigner ensuite, à la seule force de leur inspiration. Volition fait partie de ces équipes qui, sans faire de bruit, ont réussi l'exploit d'exister dans le sillage d'un monstre. Le monstre, c'est bien sûr Grand Theft Auto, million seller encensé par la critique. Leur cheval de Troie s'appelle Saints Row. Un premier épisode qui pour la première fois, excusez du peu, faisait passer le cap next gen au genre qui proposait une nouveauté de poids : le GPS. Impensable de jouer à un GTA-like aujourd'hui sans ce guidage providentiel ! Saints Row 2, pour sa part, partait dans des délires abandonnés par Rockstar depuis San Andreas et apportait la coop sur toute la durée du mode Solo quand GTA n'offrait que des missions ponctuelles. The Third suit la ligne directrice de ses surdoués d'aînés, et s'il ne contribue pas à l'évolution du genre par l'apport d'une innovation singulière, il émerveille tant par son audace, sa physique et le plaisir coupable qu'il procure que l'on ne peut que s'incliner... pour se pencher plus avant sur ce bébé irrévencieux.



C'est l'histoire d'un gang bang...



Construire une trame scénaristique autour d'une histoire de gang improbable, dans un contexte aussi sérieux qu'un Saturday Night Live, en voilà une gageure. Challenge relevé haut la main ! Jugez plutôt : après avoir fait de Stillwater, leur ville d'origine, une zone où les Saints ont tous les droits et les privilèges possibles, notre gang délirant tombe sur un os. Lors d'un braquage à mi-chemin entre Heat et Point Break (avec des masques façon carnaval de Nice, quand même), les voyous tout de violet vêtus voient se refermer sur eux un piège tendu par le Syndicat, organisation criminelle dont le big boss, Belge de son état et peut-être agacé par des blagues douteuses sur sa nationalité, décide d'envoyer les loubards stars derrière les barreaux... et leur demande de lui prêter allégeance. Pour des malfrats habitués à la castagne, l'invitation au pétage de plomb est trop belle, et la mission se conclut sur un refus aussi sec que spectaculaire. Malheureusement pour eux, les Saints échouent à Stellport, ville du Syndicat, débarrassés de leur notoriété, de leur pouvoir et de leur argent. C'est dans une planque crasseuse qu'ils commencent à établir leur plan de bataille, qui les mènera à affronter tous les gangs gravitant autour du Syndicat et jusqu'à une branche spéciale de l'armée ! L'histoire est servie de cinématiques bien punchy et des dialogues éligibles à la postérité. Il faut dire qu'avec les situations traversées, difficile d'oublier certaines répliques bien senties !



Jeu très gras : Excès Story



Expliquer quelques-unes des missions les plus folles de The Third tout en conservant la politesse de rigueur pour s'adresser à des joueurs tient du pari impossible : descente dans une boîte sadomaso qui finit en course d'esclaves du plaisir attelés à des chars en pleine rue, saut en parachute dans la cheminée d'une centrale nucléaire, jogging nu comme un ver pour faire grimper sa notoriété... Bien que l'originalité disparaisse quelques fois pour faire place à un classicisme et à une efficacité nécessaires à la trame et au genre (fusillades, courses-poursuites), The Third ne tombe jamais dans les travers inhérents à sa spécialité. Ainsi, après un décès, on recommence au checkpoint intermédiaire et pas au tout début d'une mission, on ne joue pas les chauffeurs livreurs en effectuant d'interminables allers-retours dans la ville et on grignote chaque minute de jeu avec un plaisir jamais entravé par un système de jeu rigide ou mal pensé. Mieux, le système d'expérience, qui s'articule autour du respect, gagné par vos hauts faits, permet d'appréhender les missions les plus délicates sans problème. Ce qui explique sans doute que certains pics de difficulté paraissent bien relevés : il ne faut pas "rusher" le mode Solo, mais apprécier sa transversalité, de missions bonus en délires annexes, sans chercher à finir au plus vite. C'est toute l'expérience qui en ressort grandie.



Le Row passe en mode gossebo



La qualité du game design est donc flagrante, mais pas autant que le bond en avant réalisé sur les graphismes, bien plus beaux, riches et détaillés que dans l'opus précédent. Exit les textures basse définition, les animations maladroites ou la physique datée : The Third brille de mille feux et l'on se régale à la moindre explosion, lors des changements météo ou de moments de la journée. Pour soutenir cet effort esthétique, la bande-son n'est pas en reste : doubleurs géniaux, bruitages plus réalistes et musiques enfin dignes d'un titre du genre, avec quelques radio richement fournies en artistes connus... Tout cela ne pèserait pas lourd sans l'essentiel, la quintessence du bac à sable réussi : des jouets à la fois nombreux et agréables à manier. En effet, les commandes restent simples d'accès - en toutes circonstances -, le personnage répond au doigt et à l'oeil, et la physique très réussie donne régulièrement envie de tenter l'impossible. Chaque activité annexe proposée est une sorte de jeu dans le jeu avec un gameplay légèrement détourné, suffisamment pour apporter un peu de fraîcheur après des heures d'errance dans Steelport. Steelport que l'on explore de fond en comble à la recherche des nombreux caméos planqués dans chaque recoin, de bâtiments exceptionnels à visiter ou même à acheter, de magasins aussi excentriques que richement fournis... The Third ne lasse jamais les curieux, un vrai tour de force.



La saine concurrence des Saints



De la première à la dernière minute, le bébé de Volition ravit par son côté gras assumé, qui n'est jamais prétexte à bâcler les aspects d'un grand jeu : un gameplay rarement pris en défaut, une réalisation enfin digne de la Xbox 360 et un humour aussi particulier que bien placé, par touches subtiles à des moments précis. En fait, The Third rappelle toutes les qualités d'un GTA et fait même mieux puisqu'il dépasse son maître sur de nombreux points, certes pas toujours les plus voyants. Par exemple, les choix moraux, pas si clairement employés par Rockstar, effectuent ici une entrée magistrale, débouchant sur quelques arcs scénaristiques distincts et même sur deux fins différentes. Pas mal pour une parodie. En fait, depuis que les deux licences ont emprunté des chemins différents - l'une lorgnant plutôt du côté du cinéma et des films de gangster, l'autre assumant son côté pastiche potache -, ce sont les joueurs qui remportent la mise. Chaque développeur fait avancer le genre à grands coups de talent et l'on a hâte de jouer à leurs prochains titres ! En attendant, les amateurs de mondes ouverts qui n'en peuvent plus de réclamer le prochain GTA ou Red Dead ont trouvé une dose de satisfaction : The Third, c'est de la bonne !


VERDICT :



  • C'est enfin beau (+)

  • Encore plus fun (+)

  • Univers maîtrisé (+)

  • Les bugs inhérents au genre (-)

  • Quelques passages ardus (-)


Plus délirant et maîtrisé tant dans la technique que dans la narration, Saints Row : The Third est le plus abouti de la série.

snake74500
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le 30 avr. 2017

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