Fervent défenseur de la saga ou nouveau venu dans le monde cyberpunk, choisissez votre camp dans cet

On ne peut approcher certains jeux que de façon respectueuse. Deus Ex, monument du genre cyberpunk, est de ceux-là. Révéré par un public de joueurs PC qui n'ont jamais eu le cœur de désinstaller leur titre adoré, Deus Ex reste une date. Il fallait avoir les épaules solides pour reprendre le flambeau et oser, dix ans plus tard, affirmer que Human Revolution pouvait soutenir la comparaison avec son aîné. Une "préquelle" en réalité, dont les événements se déroulent vingt-cinq ans avant ceux du premier Deus Ex, en 2027, à l'âge où les humains augmentés sont désormais assez nombreux pour qu'une scission entre "organiques" et "câblés" donne lieu à des débats intenses. Un écho finalement pas si lointain à notre propre société. Car comme le précise Jonathan Jacques-Belletête, le directeur artistique du jeu, cet univers cyberpunk qui nous fait fantasmer, finalement, nous y sommes déjà. Entre développement d'Internet, prothèses de plus en plus perfectionnées et nanotechnologie balbutiante, l'avenir de l'homme n'a jamais été aussi marqué par le progrès, sous toutes ses formes. La grande force de Deus Ex est donc de servir de miroir à notre avenir et de nous plonger dans un monde si ce n'est réaliste, du moins crédible. Pour le coup, on peut dire que c'est réussi.


Fan de



Dès la page de démarrage, tandis que les polygones grossiers s'assemblent pour représenter le visage d'Adam Jensen, le héros, et qu'en fond un thème musical évoque l'ambiance sonore du premier épisode, le ton est donné : oui, les développeurs de Human Revolution ont joué et rejoué au Deus Ex original, s'en sont inspiré et lui ont rendu tout au long du jeu hommage. Cela se joue parfois à des détails : une réflexion de Pritchard, votre principal contact durant l'aventure, quant au fait que vous avez pénétré dans les toilettes des femmes au début du jeu, exactement comme Manderley, le directeur de l'UNATCO, vous en faisait la remarque dans le premier épisode. On replonge également dans un univers sale, sombre, gorgeant de clochards et de prostituées, scories d'un progrès qui ne profite pas à tout le monde. Le joueur patient, qui examinera à peu près tous les mails dans le jeu, trouvera aussi maintes références à des personnages connus, souvent de façon assez subtile. Bob Page, Lucius DeBeers... Jusqu'à un Tracer Tong dans sa prime jeunesse que l'on aide sans vraiment le vouloir. Le travail "d'intégration" réalisé par Eidos Montréal, son désir de cohérence par rapport à un matériau existant, force le respect, et même - allez, j'ose le dire - l'admiration.


Un monde à part



Rarement un jeu aura su développer un univers graphique aussi précis et fouillé que celui de Human Revolution. Si les personnages croisés restent statiques, et souffrent de ce syndrome malheureusement récurrent dans bien des titres que l'on appelle le clonage, les décors, eux, se révèlent rien moins qu'époustouflants. Que l'on parle de Détroit, des quartiers chinois de Hengsha, de l'intérieur de vastes bâtiments de bureaux ou d'autres lieux que vous découvrirez par vous-même, le souci du détail est toujours présent. Détritus, tags, mobilier divers, fournitures en vrac, panneaux publicitaires... Une esthétique sublime dans son réalisme et sa diversité, où la crasse des ruelles côtoie des intérieurs immaculés. Ajoutez à cela une construction de niveau "verticale" riche de chemins différents, avec possibilité d'explorer des souterrains ou de grimper sur des toits - Hengsha, à cet égard, fait figure de véritable labyrinthe -, et vous avez des niveaux que l'on admire autant qu'on les explore. Un travail de titan, et un plaisir de découvrir sans cesse renouvelé, tandis que l'on s'aperçoit que nos bras cybernétiques augmentés ne servent pas seulement à soulever des photocopieuses pour les balancer sur les ennemis - une occupation assez drôle, soit dis en passant - mais permettent surtout de déplacer des objets lourds pour accéder par exemple à des conduits de ventilation soigneusement cachés. La force au service de la subtilité...


Cyber ninja



Human Revolution intègre un élément de gameplay malheureusement absent du premier opus, où il n'était possible de se débarrasser d'un ennemi proche qu'au moyen d'une matraque incapacitante. Cet élément, bien sûr, c'est le corps à corps. Il faut le dire haut et fort : appréhender Human Revolution comme un vulgaire FPS tient de l'aberration la plus totale. Ici, il convient de tirer parti de tout ce que propose le jeu pour profiter au mieux de vos capacités de prédateur : système radar, marquage de cibles, vision à travers les murs, camouflage optique... Une panoplie du parfait petit tueur de l'ombre presque trop efficace, en vérité, qui incitera les joueurs les plus perfectionnistes à s'imposer eux-même des challenges : ne pas déclencher d'alarme, éviter de se faire repérer, ne tuer personne... Traverser le jeu sans faire aucune victime, boss excepté bien sûr, permet d'ailleurs de décrocher un Succès. On s'aperçoit ainsi rapidement que l'on peut se passer sans problème de la plupart des armes lourdes - un revolver customisé est bien suffisant - pour profiter au maximum de ces attaques furtives, mortelles ou non, où Adam Jensen se débarrasse de ses ennemis avec une rare violence. Des séquences aléatoires où l'on devient, l'espace de quelques secondes, simple spectateur. Et pour ceux qui craignent de voir se répéter toujours les mêmes attaques, même s'il est pourtant difficile de s'en lasser, sachez qu'une augmentation "booster de réflexes" permet de s'en prendre à deux adversaires en même temps, là aussi de plusieurs façons différentes, pour plus de percutante diversité.


Choix et conséquences



Deus Ex : Human Revolution souffre de quelques défauts gênants. L'absence de VO sous-titrée par exemple, qui empêche de profiter de la voix si caractéristique d'Elias Toufexis, et nous impose une synchro labiale pas tellement synchro, justement. Dommage. Et puis il y a cette animation pas toujours fluide, ces combats contre les boss pas vraiment passionnants, ces cinématiques qui semblent avoir quelques années de retard... Mais qu'importe. Car Human Revolution ne se contente pas de respecter l'univers de Deus Ex. Il le transcende. L'augmentation d'amplification sociale permet de suivre en temps réel les réactions de ses interlocuteurs lors des conversations importantes, les aspects infiltration et piratage se complètent admirablement et soutiennent un gameplay aussi pointu que jouissif, la cohérence du monde, où politique et bioéthique se mêlent, force l'admiration... Surtout, vos décisions ont de réelles répercussions sur le monde qui vous entoure, ce dont vous vous rendez compte parfois des heures plus tard. Bref, du Deus Ex pur jus, c'est vrai, et heureusement, mais il fallait le faire ! Au final, une vraie richesse, et une liberté trop rare, que l'on ne peut qu'encenser. Chapeau...


VERDICT :



  • Respect de l'univers Deus Ex (+)

  • Diversité - réjouissante - du gameplay (+)

  • Musiques de grande qualité (+)

  • Pas de choix Vo/VF (-)

  • Quelques errements techniques (-)


On attendait un digne successeur à Deus Ex : le voici ! Un titre au gameplay multiple, d'une richesse toujours renouvelée.

snake74500
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le 19 avr. 2016

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