Saya No Uta, voyage au pays de la folie

Visual Novel: Saya No Uta ~ L'expérience Visual Novel est toute nouvelle pour moi, néophyte occidental. Particulièrement au Japon, le Visual Novel est répandu et pourrait se décrire comme une livre interactif avec support visuel (uniquement des images et quelques animations) et sonore des différentes scènes ainsi que de choix scénaristiques à faire (il y a des variantes mais c'est ici le cas pour Saya No Uta). J'ai découvert ce VN sur de nombreux sites où il était béni par de nombreux connaisseurs pour ses nombreuses qualités mais également conspué par les prudes de ce monde. Et conspué pour une bonne raison: ce petit bijou est interdit d'une part aux moins de 18 ans pour scènes adultes assez trash (eroge), et d'une autre, pour la morbidité malsaine dont peuvent faire preuve certains passages de l'histoire. C'est pourtant une belle et triste histoire.
Synopsis: Fuminori est un jeu étudiant en école de médecine qui a un accident de voiture avec ses parents. Ces-derniers meurent sur le coup, et Fuminori pour survivre à ses séquelles cérébrales graves va devoir subir un traitement expérimental. Ce traitement va avoir pour effet de distordre sa perception de la réalité au niveau de ses 5 sens: le monde devient un amas de chairs putrides en décomposition, l'odeur est nauséabonde au possible, les êtres humains sont désormais des formes faites de chair et de pus, bref, c'est la merde! Cependant, une nuit dans sa chambre d'hôpital, au bord d'un désespoir suicidaire, il rencontre une fille tout à fait normale, Saya, qui va devenir son seul espoir de survie face à cette folie. Cependant, qui est réellement Saya? Et pourquoi si jolie soit-elle se demande-t-elle pourquoi elle n'effraie pas Fuminori? Quelle est cette étrange relation qui unit les deux personnages?
J'ai énormément aimé l'histoire mais c'est mon ouverture d'esprit qui m'a aidé à en apprécier l'intégralité, surtout dans les moments les plus violents (exception faite de deux scènes m'ayant parues complètement abjectes). Rapidement, un parti est à prendre dans cette histoire: qui sont les gentils? Les méchants? Et si je préfère les méchants? Les méchants sont-ils méchants? Tant de questions enfantines qui pourtant relatent une cruelle vérité: c'est le lecteur qui choisit. Ce que j'ai remarqué, c'est que plus les personnages pouvaient se montrer cruels et immoraux, et plus je me suis demandé si je ne ferais pas pareil dans leur situation (hormis les scènes de ***, Amen)... Non je ne suis pas fou, c'est bien là le problème. Sans dévoiler l'histoire, une triste fatalité rôde sur Fuminori et Saya qui les empêche réellement de choisir leur chemin de conduite. Et c'est là toute la force de l'oeuvre, on ne sait sur quel pied danser, s'il faut plaindre tel ou tel personnage, si ceci, si cela. Bien que la relation soit quelque peu explicite (hommages aux 3-4 scènes de ***, Amen), l'histoire d'amour entre les deux personnages principaux est accaparante, authentique et l'on sait que de par les spécificités du couple, tout peut basculer en un instant. Pour exemple, dans un des Ending (il y en a 3), le plus pourri selon moi puisqu'il clôture violemment l'histoire (2-3h à peine), Fuminori demande à Saya de lui rendre son ancienne vision du monde, ce qui les sépare du fait que Saya par amour ne se sent plus capable de faire face à Fuminori. Moche hein? L'histoire est certes déroutante à certains moments, mais elle suit un fil conducteur, des péripéties intéressantes accompagnées de révélations qui le sont tout autant ... vraiment, le scénario est passionnant!
En prenant un point de vue plus éloigné de l'histoire, les personnages sont pas folichons. J'ai beaucoup aimé Saya, mystérieuse, joyeuse, malsaine... elle a un caractère unique. Fuminori en revanche est trop spécial, et la folie le touche plus lui que les autres, ce qui ne le rend attachant que dans les moments où il raisonne en termes de Saya. Globalement, le côté fantastique/gore déteint un peu sur la qualité des personnages qui du coup reste imparfaite. Seule la folie fait ressortir de chacun d'entre eux une once d'intérêt, c'est peut-être le but?
L'ambiance d'un visuel novel est très importante puisque c'est ce qui va créer l'atmosphère propice à la lecture de l'histoire. Etant néophyte dans le domaine, je dirais que la musique est tout simplement en accord complet avec les différents moments de l'histoire et bien qu'elle soit moyennement fournie (13 BGM, musiques de background) elles restent de qualité, notamment Schizophrenia, Song of Saya et Savage. Les deux musiques de fins (une pour chacune des vraies fins) sont divines et méritent les plus grandes louanges pour leur merveilleuse qualité et la chanteuse d'exception qui les performe, Kanako Itō.
En ce qui concerne les dessins, c'est pareil, je m'y connais pas assez pour comparer. Il y a en tout 77 images de fond pour l'histoire, hors mouvement des personnages. En tout cas, de ce que je peux voir avec la librairie sous les yeux, elles sont vraiment belles et d'excellente facture. Que ce soit les personnages, leur expression, les décors, ça en jette maintenant que je m'y attarde (et oui, j'ai parfois occulté les dessins pour la lecture, honte à moi).
Que conclure? Saya no Uta est clairement une expérience particulière à ne pas mettre entre les mains de tous. Tandis que d'aucuns se plaindront des scènes crues et d'un contenu parfois trop glauque, ce VN transpire l'originalité. L'écriture elle-même est excellente, précise, assassine aussi et les termes employés ne vont pas dans la demi-mesure. L'histoire est profonde, peut-être un peu courte, mais est suffisamment passionnante pour tenir le lecteur d'un bout à l'autre de l'aventure. Le fait même de refaire les 3 fins n'est pas handicapant, elles se valent toutes en termes de clôture scénaristique, même si j'ai une préférence pour celle que je voulais, grandiose (NORMAL QUOI). Sinon, le travail technique semble exemplaire et je comprends tout à fait le brouhaha médiatique concernant Saya No Uta, qui reflète un travail de qualité. En résumé, Saya No Uta est une très jolie histoire mêlant le fantastique au gore, et où l'amour et la cruauté se jouent d'un univers Lovecraftien dérangeant au pays de la folie (pléonasme, la la la). Je le conseille vivement à tout tordu (de 18+ ans) qui comme moi se sent capable d'en venir à bout (6 heures environ), mais c'est à vos risques et périls ^.^

* Graphismes: 7,5/10
* Scénario: 8/10
* Musique: 9,5/10
* Personnages: 7/10
* Note globale: 8/10