Beaucoup de choses à dire sur le jeu mais on ne peut pas sauter l'essentiel.
Le jeu est exemplaire sur plein d'aspects. La direction artistique est souvent fabuleuse et réussit comme dans Bloodborne à garder une cohérence visuelle entre les niveaux tout en variant les environnements.
Le level design est aussi impressionnant. Si le monde semble moins interconnecté qu'avant (ou fait de façon plus superficielle) l'ajout du grappin et du saut change totalement la façon d'aborder l'aventure. Tout est plus aérien, plus ouvert et c'est formidable de constater qu'en une heure on s'est fait à cette nouvelle exploration comme si l'on avait joué à ce jeu depuis des années.
L'ajout de l'infiltration est une nouvelle approche qui fonctionne aussi même si c'est le cas uniquement grâce à l' IA stupide des ennemis. Une qualité tirée d'un défaut en définitive.
Tous ces petits changements font de Sekiro un jeu formidable qui réussit brillamment à se démarquer des Souls en gardant le game design propre à From Software.
Malheureusement, c'est cet héritage qui a pu sur plusieurs aspects créer de la frustration chez moi.
Sekiro n'est pas un Souls. Sekiro ne propose qu'une seule classe de personnage, qu'une seule arme à manier. Certes, les armes secondaires sont présentes et les compétences à acquérir peuvent modifier légèrement l'orientation d'un run mais fondamentalement l'aventure se traverse avec les mêmes outils pour tous les joueurs. Ce manque de richesse dans le gameplay (par rapport à un Souls), complètement assumé par le jeu, oblige le joueur à s'adapter, là où les précédents titres s'adaptaient au joueur (coop, pnj alliés, magie, pyro, arc,). Le cœur du jeu repose sur les parades et si vous n'arrivez pas à les maîtriser, vous n'avancerez pas. Il n’y a pas d’échappatoire.
Ça me frustre personnellement face aux boss. Que ce soit dans Bloodborne ou dans DS3, j'ai toujours défendu l'idée qu'on pouvait vaincre un boss du premier coup en apprenant son pattern pendant le combat et en esquivant bien, les attaques étant souvent annoncées par de larges mouvements.
Sekiro est plus rapide, moins permissif sur l'esquive et on se doit de connaître un minimum le pattern des boss pour réussir à les vaincre. Il me semble que le titre est bien plus die & retry que les autres productions From Software. Ça n'enlève pas le plaisir de jeu qui peut avoir de fantastique moments de grâce quand les épées s'entrechoquent, que la tension est à son paroxysme et que l'on a vraiment le sentiment de vivre un duel au sommet.
Ces moments de grâce, ils existent surtout face aux boss et certains sont très marquants mais là encore, ça me fait aborder un autre point : les mini-boss.
Plusieurs fois par zones, on croise la route d'ennemis qui ne sont ni des ennemis lambda ni des boss clairement introduits en tant que tels. Parfois, ils sont dans une zone cachée, parfois en plein dans la mêlée. Mais leur difficulté est telle qu'on ne fait souvent plus la distinction entre eux et les "vrais" boss. On peut penser aux chevaliers noirs dans Dark Souls mais ceux-là étaient hors du chemin principal pour bien faire comprendre au joueur que ce n'est pas la route vers le prochain objectif mais un défi annexe plus corsé. Les mini-boss de Sekiro, ils sont sur les chemins principaux et annexes rendant la progression sur les premières heures de jeu assez éprouvantes.
Ce sentiment, « éprouvant », résume d’ailleurs parfaitement l’expérience Sekiro. Psychologiquement, je le trouve bien plus oppressant que n’importe quel dernier jeu From Software. C’est lié bien sur à la disparition du multi, des messages au sol et donc comme mentionné précédemment à l’obligation de savoir parer. Dans les faits, pris séparément, boss ou mini-boss ne sont pas si difficile ou en tout cas pas beaucoup plus difficile que précédemment mais il arrive régulièrement qu’un affrontement se termine et qu’une deuxième phase commence. Ou qu’un boss fatiguant soit vaincu et qu’on recroise une version améliorée plus tard. C’est épuisant. Je bloque face au dernier boss, non parce que je n’y arrive pas mais parce qu’il y a quatre barres de vie à faire tomber et ça me fatigue avant même de le retenter.
On peut esquiver une bonne partie de ces affrontements concernant les mini-boss, la navigation au grappin facilitant grandement la traversée des zones mais les battre est quasiment la seule façon d'obtenir les objets permettant d'augmenter sa vie et sa posture, et cette dernière est essentielle. C’est pervers. Cependant, sans eux parcourir les environnements a peut-être moins d’importance que dans un Souls. L’augmentation de la force, de la vie et de l’endurance étant liée aux boss ou sous-boss, l’exploration m’a semblé moins engageante.
Finalement, Sekiro c'est très bien, je le pense sincèrement. C'est même mieux que ça par moment. J’ai enregistré plusieurs combats de boss tant j’étais fier d’en sortir victorieux mais surtout parce qu’ils étaient dantesques. Depuis quelques années, From Software a vraiment ce talent pour nous faire vivre des moments incroyables qui quelques années plus tôt auraient été des QTEs. Et soyez certain qu'il aura une belle place bien méritée dans les Palmarès de fin d'année. Mais tout ce qui est évoqué ci-dessus refrène légèrement mon enthousiasme. Et arrivé à la fin du jeu (enfin face au dernier boss) je sais que je ne relancerai pas l'aventure dans la foulée contrairement aux autres jeux From Software depuis Dark Souls. Car je sais que je ne jouerais pas différemment.
C'est un jeu très réussi, mais très éprouvant et beaucoup moins indulgent avec le joueur. Les éléments évoqués ne sont même pas forcément des défauts. C’est une nouvelle philosophie de jeu dont je me sens un peu moins proche.