Le troisième volet de Shenmue est, à mon sens, et sans exagération, au paroxysme de l'arlésienne. Pourtant, on s'était fait une raison de ne jamais en voir la suite. Honnêtement, j'avais même fait mon deuil. Du coup, quand j'ai vu que Shenmue III passerait par la case du financièrement participatif, assurément la seule manière de voire la franchise ressusciter, c'était avec un sentiment mêlé de nostalgie et de curiosité que je me suis laissé tenter. De longs mois ont passé ensuite, et comme je suis un habitué de la temporalité "Kickstarter", je l'avais presque oublié quand il a finalement atterri dans ma boîte aux lettres un beau matin...
A l'aube du vingt-et-unième siècle, disons s'il était sorti dans la foulée du second épisode, Shenmue III aurait conservé sa casquette de jeu porte-étendard, toutes proportions gardées. Mais près de vingt ans ont passé, et Yu Suzuki, l'homme derrière Shenmue (mais aussi Virtua Figther), - cochez la mention correcte... - semble avoir tenu, pour une raison qui lui sera propre, à conserver les mêmes codes techniques qu'à l'époque, ou a, tout simplement, oublié de prendre des cours de level design ou tout ce qui fait qu'un jeu de 202x est un jeu de 202x (oui, bon, ce Shenmue est sorti en 2019, mais vous avez compris), que ça soit pour le rythme, l'ergonomie ou que sais-je. Bref, Shenmue III est une authentique machine à voyager dans le temps, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme.
Je ne dois pas être le seul : j'avais envie, mais vraiment envie, de venger la mort du père de Ryo Hazuki, principal fil conducteur de l'histoire. Et, vous savez quoi ? Ben, ça ne sera pas encore pour cette fois, puisque Suzuki aurait fait comprendre que tant que les joueurs seraient intéressés par Shenmue, il en proposerait... Ca promet ! Il faudra donc vraisemblablement se coltiner de nouvelles campagnes Kickstarter à l'avenir pour voir d'autres épisodes sans s'attendre à avoir une réelle fin... ça sent donc très mauvais...
Avais-je, il y a 20 ans de cela, les mêmes exigences qu'aujourd'hui ? Certes, non, mais tout me paraissait tellement fou à l'époque. Rien que les QTE, puisque Shenmue, sauf erreur, est le pionnier en la matière. Des QTE, il y en a toujours, mais oubliez le côté "histoire dont je suis le héros" (c'est le souvenir que j'en avais) puisque chaque séquence ratée se répète autant de fois que nécessaire, sans aucune variable, et d'autres jeux ont dépassé le maître tant et tant de fois que cela semble aujourd'hui bancal et anecdotique. Bancal : ben, en effet, c'est un mot assez représentatif de ce troisième volet. Disons, en premier lieu, que la chose qui m'a dérangée d'emblée c'est que les personnes se parlent sans se regarder. Les échanges entre Ryo et l'inutile et insipide Shenhua sont ainsi particulièrement poussifs et plats comme tout. La jeune fille accompagne le protagoniste japonais tout du long (enfin, on lui fait surtout des comptes-rendus sur nos avancées) mais n'apporte absolument rien à l'intrigue et au gameplay.
Et pour parler gameplay, je ne sais plus comment était les premiers épisodes, puisque ça date (j'ai fait Shenmue sur Dreamcast à sa sortie et j'ai du refaire/terminer Shenmue II dans une version "Xbox" au milieu des années 200x), mais je part du principe que la franchise est un prolongement assez logique de Virtua Fighter... pilier à son époque du jeu de combat, exigent, précis et technique... Pourtant le côté fighting du jeu est assez imprécis et brouillon, alors que ça devrait être son principal point fort. Reste l'histoire qui n'éveille absolument aucune sensation chez l'amateur de narration forte que je suis devenu avec le temps.
Pourtant, malgré ses dix millions de défauts, je ne peux renier l'impact qu'à eu l'aventure "Shenmue" sur ma culture vidéoludique. J'éprouve ainsi, malgré la maladresse (irais-je jusqu'à dire amateurisme ?) de son créateur, une sincère affection pour ce que j'appelais à son époque : "un simulateur de vie japonaise". C'était alors le premier jeu japonais qui proposait une expérience réaliste du Japon - bien qu'au final le jeu se passe davantage en Chine, avec des PNJ qui parlent tous couramment japonais, allez comprendre... encore une exigence de mon moi de 2020... -, aux antipodes des univers manga (type shônen et consorts...) où les réactions humaines étaient et sont généralement exagérées. Bref, quoi que devienne Shenmue, il s'agit d'un projet global qui aura marqué, vraiment. Désormais, j'ai un peu peur de voir ce qu'il va advenir de ce jeune Ryo Hazuki... et espère, tout au mieux, voir un arc conclusif au plus vite, pourquoi pas un long-métrage... ne gâchez pas tout, s'il vous plait monsieur Suzuki...